• Les #brevets versus la #pandémie by Joseph E. Stiglitz, Arjun Jayadev and Achal Prabhala - Project Syndicate
    https://www.project-syndicate.org/commentary/covid19-drugs-and-vaccine-demand-patent-reform-by-joseph-e-stigli

    Dans sa riposte contre la pandémie, la communauté scientifique mondiale démontre une volonté remarquable de partager ses connaissances sur les traitements potentiels, de coordonner les essais cliniques, de développer de nouveaux modèles de manière transparente, et de publier ses découvertes sans délai. Dans ce nouveau climat de coopération, nous pourrions facilement avoir tendance à oublier que les sociétés pharmaceutiques commerciales privatisent et verrouillent des connaissances qui devraient être communes, et cela depuis des dizaines d’années, en exerçant un contrôle sur un certain nombre de médicaments vitaux, au moyen de brevets injustifiés, inutiles ou secondaires, ainsi qu’en faisant pression contre l’approbation et la production de génériques.

    En pleine pandémie de COVID-19, il devient douloureusement évident que cette monopolisation s’opère au prix de vies humaines. Le contrôle monopolistique sur les technologies utilisées pour dépister le virus entrave le déploiement rapide d’un plus grand nombre de kits de test, de même que les 441 brevets de la marque 3M mentionnant « respirateur » ou « N95 » compliquent la possibilité pour de nouveaux producteurs de fabriquer des masques de catégorie médicale à grande échelle. Pire encore, plusieurs brevets sont actuellement en vigueur dans la majeure partie du monde concernant trois des traitements les plus prometteurs contre le COVID-19 – remdesivir, favipiravir, et lopinavir/ritonavir. D’ores et déjà, ces brevets font obstacle à la concurrence, menaçant à la fois l’abordabilité et l’approvisionnement de nouveaux médicaments.

    Nous devons aujourd’hui faire un choix entre deux futurs. Premier scénario, nous poursuivons comme à l’habitude, et nous nous en remettons aux grandes sociétés pharmaceutiques, en espérant qu’un potentiel traitement contre le #COVID-19 satisfera aux essais cliniques, et que d’autres technologies de détection, de test et de protection seront proposées. Dans cet avenir-là, les brevets conféreront aux fournisseurs monopolistiques un contrôle sur la plupart de ces innovations. Ces fournisseurs fixeront des prix élevés, ce qui conduira en aval à un rationnement des soins. Sans intervention publique forte, nous ne pourrons que déplorer le nombre de morts, en particulier dans les pays en voie de développement.

    Le même problème existera pour tout #vaccin potentiel contre le COVID-19. Car à la différence du vaccin de Jonas Salk contre la polio, qui a été immédiatement mis à disposition gratuitement, la plupart des vaccins aujourd’hui commercialisés sont brevetés. Le PCV13, par exemple, actuel vaccin à plusieurs souches contre la pneumonie, qui est administré aux nouveau-nés, coûte plusieurs centaines de dollars, puisqu’il appartient au #monopole de Pfizer. Et bien que Gavi, l’Alliance du vaccin, subventionne une partie des coûts de ce vaccin dans les pays en voie de développement, de nombreuses personnes ne peuvent se le payer. En Inde, plus de 100 000 décès évitables chez les jeunes enfants atteints de pneumonie sont constatés chaque année, pendant que le vaccin rapporte environ 5 milliards $ de chiffre d’affaires annuel à #Pfizer.

    Autre futur possible, nous reconnaîtrions que le système actuel – qui permet aux #monopoles privés de tirer profit de connaissances largement issues d’institutions publiques – est absolument inacceptable. Comme le proclament depuis de nombreuses années les experts et défenseurs de la #santé_publique, les monopoles tuent, en empêchant l’accès à des médicaments vitaux qui auraient été disponibles si un autre système existait – comme celui qui facilite chaque année la production d’un vaccin contre la grippe.

    #santé #privé #hold-up #pharma #complicité