Davduf

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  • IGPN : plongée dans la fabrique de l’impunité | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/120620/igpn-plongee-dans-la-fabrique-de-l-impunite

    Pendant six mois, nous avons donc épluché des milliers de pages d’« enquêtes » pour tenter notamment de comprendre quel type de matériau et quelles conclusions étaient transmis aux procureurs.

    Aux classements sans suite, nous avons voulu en donner une. Fût-elle seulement journalistique.

    Allô IGPN est en ce sens la première plongée en profondeur jamais réalisée dans les arcanes de l’institution. À travers 65 enquêtes IGPN (et IGGN), dont toutes avaient fait l’objet d’un signalement d’Allô Place Beauvau, nous avons ainsi pu déceler des permanences dans les méthodes visant à blanchir les policiers, vu apparaître des constantes, des modes opératoires.

    Nous proposons également un certain nombre de témoignages de victimes qui ont finalement refusé de porter l’affaire en justice. Leurs raisons sont éloquentes.

    Mais ce n’est pas tout. Allô IGPN analyse également les rapports annuels émis par l’institution, pour y déceler une évidence : entre les indicateurs dont la méthodologie est modifiée d’une édition à l’autre, ceux qui sont créés au fil du temps et ceux qui disparaissent, tout semble concourir à nuire à une lecture claire de l’activité de cette institution publique.

    Notre travail ne s’arrête pas là. À l’avenir, nous continuerons à signaler les interventions policières suspectes les plus symboliques dans les manifestations, mais aussi et c’est nouveau, hors manifestations, Allô IGPN permettra de savoir quelques mois plus tard comment la police des polices a traité ces cas de violences dans ses rangs. Mais d’ores et déjà, une typologie se dégage.

    L’identification laborieuse des policiers auteurs de violences

    La non-identification de policiers à l’origine de violences est l’un des motifs fréquents des classements sans suite.

    « L’IGPN ne se donne pas réellement les moyens d’identifier les policiers qui ont commis des violences ayant entraîné des blessures ou des mutilations », déplore l’avocate rouennaise Chloé Chalot, qui depuis l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes travaille sur les violences policières.

    « Les enquêteurs se contentent des déclarations des policiers sans aller plus loin. Il n’y a pas d’investigations complémentaires pour les vérifier », poursuit-elle.

    Chloé Chalot revient sur l’affaire de Sébastien M., blessé à la tête lors d’une manifestation de gilets jaunes, le 12 janvier 2019 à Paris par un tir de lanceur de balles de défense (LBD), lui occasionnant 30 jours d’interruption totale de travail.

    À partir de vidéos de témoins, une brigade d’une vingtaine de policiers en civil est identifiée. Il s’agit des Détachements d’action rapide (les DAR renommés depuis les BRAV-M), des binômes à moto, résurgence des « voltigeurs » interdits depuis la mort de Malik Oussekine en 1986. Trois détenteurs de LBD sont identifiés. Auditionné par l’IGPN, le lieutenant commandant la brigade confirme les tirs, mais explique ne pas être en mesure « de donner le nombre de cartouches ».

    Et pour cause, les fiches dites TSUA, qui permettent de suivre l’usage des armes avec l’heure, le lieu et l’auteur n’ont pas été rédigées « sur instruction de la hiérarchie », selon le lieutenant , car « il y avait trop de tirs et il était inutile de faire un écrit ».

    On apprend que « les consignes initiales au début des manifestations des gilets jaunes étaient de ne pas rédiger » de fiches. « Les détenteurs de LBD donnaient le nombre de munitions tirées et l’officier faisait une synthèse. »

    C’est ainsi que la non-traçabilité des tirs des policiers était organisée par la hiérarchie, ordres contraires au règlement. Les trois policiers porteurs de LBD ont, au cours de leur audition, nié être les auteurs de tirs. L’un d’entre eux affirme « ne pas se souvenir avoir fait usage du LBD ».

    Malgré ce dispositif illégal décidé par les autorités chargées des opérations, malgré l’identification de trois suspects, l’IGPN se contente des déclarations des policiers et conclut que « les différentes investigations ne permettent pas d’identifier le policier ayant fait usage d’un lanceur de balles de défense ». Le 19 février 2020, la vice-procureure de la République de Paris, Claire Vuillet, suit les conclusions de l’IGPN et classe sans suite.

    Visage dissimulé, absence de brassard, de matricule, dans de nombreux dossiers que nous avons analysés, ces entorses au règlement (règlement général d’emploi) permettent de ne pas retrouver les auteurs des violences. Et ne sont pas retenues par l’IGPN à l’encontre des forces de l’ordre.