CEPED-MIGRINTER-IC MIGRATIONS-Balkans

Fil d’actualités Covid19-Migration-Balkans (lucie.bacon@univ-poitiers.fr) relié à CEPED-MIGRINTER-IC MIGRATIONS. Serbie, Bosnie-Herzégovine, République de Macédoine, Monténégro, Croatie, Grèce, Bulgarie, Kosovo, Hongrie, Slovénie

  • Réfugiés en Bosnie-Herzégovine : à la frontière croate, le « game » a repris

    Bloqués depuis la mi-avril par les mesures de confinement liés à la pandémie, les candidats à l’exil sont de plus en plus nombreux à reprendre la route de Bihać pour tenter de passer en Croatie puis se diriger vers l’Europe occidentale. Malgré les violences, les humiliations et les actes de torture commis par la police, dénoncés par Amnesty international.

    « Je vais en Italie. J’ai fait 100 km à pied pour arriver ici », raconte Velid, un Afghan. Trois jours plus tôt, il est parti du camp de Blažuj, près de Sarajevo, afin d’essayer de passer la frontière croate par Bihać, dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine. Velid dort dans des bâtiments abandonnés en attendant de tenter le « game ». « Je n’ai rien à boire ni à manger. Les conditions de logement sont mauvaises, sans eau, ni électricité. On a essayé d’aller dans un camp officiel, mais les gens de la sécurité nous disent qu’il n’y a pas de place pour nous. ». Velid est accompagné d’Abdul Samed, lui aussi venu de Blažuj avec l’objectif de rallier l’Italie.

    Muhamed Husein est Pakistanais. Il y a trois semaines, il logeait au camp Lipa, à 30 km de Bihać. Il a fini dans les locaux désaffectés de Krajinametal après avoir échoué à passer la frontière croate. « Nous sommes arrivés dans ce bâtiment. Nous n’avons pas d’eau, pas de chaussures. Le camp de Lipa est plein et de nouvelles personnes arrivent. Quand on essaie de pénétrer en Croatie, la police nous attrape et nous reconduit à la frontière. Mais nous, on veut aller en Italie. »

    Suite à l’assouplissement des mesures de lutte contre la pandémie, l’arrivée de réfugiés et de migrants sur le territoire du canton d’Una-Sana (USK) est en forte hausse. Selon les informations de la police locale, ces dix derniers jours, 1500 à 2000 nouveaux réfugiés et migrants seraient entrés dans le canton. « Chaque jour, entre 100 et 150 nouveaux migrants en moyenne arrivent dans notre canton en autocar, depuis Sarajevo, Tuzla et Banja Luka », confirme Ale Šiljededić, porte-parole de la police de l’USK. « Comme nous avons pu nous en assurer lors de nos contrôles, certains ont des cartes de camps en activité en Bosnie-Herzégovine, plus précisément à Sarajevo, ce qui signifie qu’ils en partent librement, sans le moindre contrôle ni surveillance. »

    Dans le canton de Bihać, les autorités sont inquiètes

    Selon les autorités municipales, l’augmentation des arrivées à Bihać réveille la crainte que la situation ne revienne à son état d’avant l’état d’urgence, quand les bâtiments abandonnés, mais également les parcs de la ville, étaient devenus des lieux de rassemblement et de vie pour les migrants faute de place dans les camps officiels saturés. « Il n’y a pas eu de nouvelles arrivées pendant la pandémie », précise Ale Šiljededić. « Nous avons vidé les bâtiments squattés et installé les migrants dans le camp Lipa. Ces jours-ci, ces espaces se remplissent à nouveaux, car les centres d’accueil affichent complet. »

    Selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en charge de la gestion des camps officiels en Bosnie-Herzégovine, 3500 migrants séjournent actuellement dans les camps du Canton d’Una-Sana, dont 1200 dans le nouveau camp de Lipa. Autre problème pour les autorités municipales, le camp de Bira, situé dans la ville de Bihać, dont la fermeture traîne depuis des mois. D’après l’OIM, il accueille à l’heure actuelle quelque 610 migrants. « Bira doit fermer, c’est notre objectif à long terme, mais fermer Bira et avoir des milliers de migrants dans la nature et dans les rues, ce n’est pas non plus une solution », a déclaré le maire Šuhret Fazlić lors d’une conférence de presse le 4 juin.

    Sur la base des conclusions du Groupe opérationnel de suivi de la crise migratoire dans le Canton d’Una-Sana, la police contrôle les autocars qui entrent sur le territoire du canton. « Malheureusement, nous n’arrivons pas complètement à dissuader les migrants d’entrer dans le canton, car la majorité d’entre eux poursuit son chemin vers Bihać à pied ou par d’autres moyens », précise Ale Šiljededić.

    Les migrants ont le même objectif que les Bosniens

    Azra Ibrahimović-Srebrenica, directrice du camp d’Ušivak, près de Sarajevo, confirme que les migrants sont à nouveau en mouvement. Pendant le confinement, il y avait dans ce centre d’accueil dirigé par l’OIM environ 900 migrants, ils ne sont plus que 400 aujourd’hui. « Leur objectif n’est pas la Bosnie-Herzégovine, mais les pays d’Europe occidentale », rappelle-t-elle. « Toute surveillance de la direction du camp cesse quand les migrants les quittent », poursuit-elle. « D’après ce qu’ils nous disent, ils utilisent les transports publics, selon l’argent dont ils disposent. Certains paient leur voyage, et ceux qui ne peuvent pas s’acheter un billet partent à pied. »

    Les restrictions de déplacement des migrants sont-elles toujours en vigueur ? Pour l’OIM, « depuis l’adoption de la décision du Conseil des ministres sur la restriction des déplacements et du séjour des étrangers, qui a suivi l’annonce officielle de la pandémie de Covid-19, il est impossible de quitter les centres d’accueil temporaires de manière régulière ». Cette décision, adoptée le 16 avril, interdit les déplacements et le séjour des sans-papiers en dehors des centres d’accueil. Mais les migrants, comme l’a confirmé l’OIM, quittent en général les camps en sautant les barrières.

    La population locale est inquiète, « mais c’est principalement à cause des préjugés envers les migrants », affirme la directrice du camp Ušivak. L’objectif de ces derniers, rappelle-t-elle, est exactement le même que celui des citoyens bosniens qui quittent le pays : une vie meilleure. « Les gens se font des idées fausses et des préjugés sur la base de quelques individus problématiques. En réalité, nous avons dans nos centres des gens charmants, bien élevés, éduqués, cultivés, des sportifs talentueux, comme ce groupe de six footballeurs qui se sont entraînés avec le petit club près du camp. Nous avons aussi des musiciens, des enseignants, des médecins... » Selon les données de l’OIM, il y aurait actuellement sur l’ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine, plus de 5700 migrants logés dans les sept centres d’accueil sous sa tutelle.

    https://www.courrierdesbalkans.fr/A-la-frontiere-Bosnie-Herzegovine-Croatie-les-migrants-tentent-de

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