• qui sont les communistes ? Blind date, Paolo Virno

    1. Substance de choses espérées

    On a intitulé cette session : « Qui sont les communistes ? » À première vue, la question semble délicate et même embarrassante et son objectif est de se focaliser sur un type humain, une disposition psychologique, une tension éthique. À la suite de ce que vient de dire Toni, je voudrais tenter de répondre à cette question fatale sans le moindre embarras ni la moindre délicatesse. Les matérialistes pauvres d’esprit, toujours gênés par les dispositions psychologiques et les types humains, s’intéressent plutôt à une localisation objective, aussi impersonnelle qu’un croisement routier, sur la carte topographique de notre présent. La curiosité de savoir « qui sont les communistes » ne peut être satisfaite que par la description du lieu mental et matériel dans lequel, fût-ce non délibérément, ceux-ci finissent par planter leurs tentes.

    Communistes, aujourd’hui, ce sont les très jeunes garçons et filles et ceux que le temps a consumés qui ont intériorisé la transformation d’une rupture irréversible avec la gauche, avec sa doctrine risible et sa pratique aussi bienfaisante qu’un gaz urticant. Celui qui est communiste, comme l’était déjà alors celui qui s’est servi du laboratoire marxien pour comprendre les formes de vie contemporaines, n’a rien à voir avec l’adoration de l’État, l’exaltation du travail salarié, l’idée d’une égalité que la gauche a arborée en guise de pièce d’identité pendant un siècle tout entier. Communiste, donc pas de gauche : voici une inférence aussi calmement prononcée qu’irréfutable. Depuis le vote en faveur des crédits de guerre en 1914, jusqu’à la « politique des sacrifices » de Berlinguer dans les années soixante-dix, la gauche n’a pas été une version timide et conciliante de l’instance communiste, mais sa négation radicale, avec une tendance non retenue au pogrom. Se dire communiste, aujourd’hui, signifie déposer sur l’étal du fripier l’album de famille qui prétend nous assimiler à des progressistes et des réformateurs toujours prêts à s’indigner de l’illégalité d’un sabotage ouvrier et à la dénoncer.

    « Substance des choses espérées » est une des expressions les plus émouvantes du Paradis de Dante. Reprenons-la à notre compte sans le moindre scrupule : personne n’en pâtira, j’espère. Substance des choses espérées des communistes est, aujourd’hui, plus que jamais, l’abolition du travail salarié. Marx disait qu’il ne doit pas être libéré, puisque dans tous les pays modernes il est déjà libre du point de vue juridique, mais supprimé comme un intolérable préjudice. En plus de constituer d’emblée une calamité, le travail salarié est devenu aussi, au cours des dernières décennies, un coût social excessif. C’est quelque chose de superflu, et même de parasite, dans la prestation pour un patron alors que la pensée et le langage montrent qu’ils constituent la ressource publique, à savoir le bien commun, qui est la plus à même de satisfaire les besoins et les désirs. Et pour ceux qui seraient friands de petites phrases marxiennes : il y a quelque chose de parasite dans le travail salarié alors que le processus de reproduction de la vie est confié au general intellect , à l’intellect général d’une multitude.

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    • Quelle bouillie ! Non, les communistes, aujourd’hui, sont ceux qui militent pour une révolution prolétarienne mondiale. Ceux qui s’engagent au quotidien pour armer politiquement et moralement la classe ouvrière, la seule classe qui pourra s’emparer des moyens de production et les mettre en œuvre au service de l’humanité (et non plus pour les profits d’une classe devenue parasite). Une dimension à laquelle cet auteur, en dépit des allusions qui constituent son papier, semble étranger. .