• Lumières et anti-Lumières. L’histoire des idées de Zeev Sternhell – CONTRETEMPS
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    Pendant plus de trois décennies, Sternhell a exploré l’histoire du nationalisme français. Lorsqu’il prépare sa thèse de doctorat à l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Paris, au milieu des années 1960, Vichy demeure un tabou. L’historiographie politique de la France contemporaine est alors dominée par René Rémond, un des piliers de l’IEP, dont la thèse sur les « trois droites » est une sorte de un canon. Selon Rémond, depuis 1789, l’hexagone aurait connu une droite légitimiste, une bonapartiste et une orléaniste, mais pas une droite fasciste[3]. La première est née avec la contre-révolution et s’étale sur un siècle, de Joseph de Maistre à Charles Maurras ; elle est réactionnaire, nostalgique de l’Ancien Régime et empreinte de catholicisme. La deuxième est autoritaire : entre Napoléon Ier et le général de Gaulle, en passant par Napoléon III et le maréchal Pétain, elle traverse toutes les sensibilités du conservatisme, en s’affichant comme la gardienne de la nation. La troisième est technocratique, favorable à une modernisation respectueuse de l’ordre et des hiérarchies sociales. Elle est apparue en 1830 avec la monarchie de Louis Philippe et s’est manifestée au sein de tous les régimes politiques français, jusqu’à la Ve République post-gaullienne. Dans ce tableau, pas de fascisme. En France, le fascisme n’aurait jamais été qu’un produit d’importation, sans racines et sans avenir, la mouvance de quelques enragés apparus sous l’occupation allemande, pendant une période éphémère, mais restés marginaux et isolés. Selon Rémond, Pétain est bien davantage un mélange singulier de ces trois droites qu’un fasciste. Bref, c’est la thèse, alors consensuelle, d’une France « immunisée » contre le fascisme[4].

    Ce mythe, Sternhell a été le premier à le dénoncer, à le soumettre à une critique systématique et, finalement, à le renverser.