• Stress et maladies cardio-vasculaires : comment les nuisances sonores touchent la santé
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/11/stress-et-maladies-cardio-vasculaires-comment-les-nuisances-sonores-touchent

    Le bruit environnemental cause au moins 12 000 morts prématurées par an en Europe. Une forte exposition peut favoriser l’apparition de pathologies. Par Ulysse Bellier

    En Ile-de-France, les habitants des zones densément peuplées perdent en moyenne dix mois de vie en bonne santé en raison du bruit. Ces données sont connues depuis longtemps, mais le confinement, marqué par une baisse du volume sonore inédite pour beaucoup de Français, a fait prendre conscience de l’impact de ce type de nuisances sur la qualité de vie.

    L’Organisation mondiale de la santé identifie ces nuisances sonores comme la deuxième cause de morbidité parmi les facteurs de risque environnemental, derrière la pollution de l’air. Il ne s’agit pas là d’effets directs sur l’audition, comme pourraient le subir un ouvrier travaillant dans le bâtiment ou une personne qui écoute de la musique trop fort. « Ce qui menace la santé dans les bruits qui nous préoccupent, c’est la gêne occasionnée, qui entraîne des difficultés à de nombreux niveaux », note le médecin spécialiste Paul Avan, enseignant-chercheur à l’université Clermont-Auvergne.

    Durant le sommeil, l’oreille est le principal système d’alarme encore actif. Dans ce temps de repos indispensable, l’audition est alors un « gage de survie », explique la responsable du bruit routier à l’Office fédéral de l’environnement suisse, Sophie Hoehn. Un bruit qui se distingue dans la nuit provoque une poussée d’hormones, similaire à l’adrénaline. « Si pendant la nuit, vous avez 50 fois un véhicule bruyant qui passe, détaille cette docteure en biologie, ce n’est pas forcément suffisant pour vous réveiller, mais ça provoque cinquante pics d’hormones de stress. » Ce qui, en cascade, va augmenter le rythme cardiaque et la tension.

    Troubles du sommeil

    Ces poussées de stress « peuvent diminuer la durée du sommeil, mais aussi sa qualité en touchant aux phases les plus profondes », qui sont aussi les plus réparatrices, explique Jean-Claude Normand, maître de conférences en médecine et santé au travail à l’université Claude-Bernard Lyon-I. Ces troubles du sommeil augmentent la survenue de certaines pathologies, au premier rang desquelles les maladies cardio-vasculaires, jusqu’à l’infarctus. Des liens plus faibles ont été établis entre exposition à des nuisances sonores et affaiblissements du système immunitaire ou apparition de diabètes.

    Selon une publication, au début de l’année, de l’Agence européenne de l’environnement, le bruit environnemental provoque environ 12 000 morts prématurées et 48 000 nouvelles maladies cardio-vasculaires par an dans l’Union européenne. A cela s’ajoutent 6,5 millions de personnes soumises à des troubles du sommeil chronique – et l’agence juge ces chiffres « très probablement sous-estimés ».
    Ces troubles du sommeil ne s’estompent pas avec le temps, car les alertes hormonales sont produites « de manière réflexe », note le docteur Paul Avan. L’idée selon laquelle on s’habituerait au bruit est « un mythe », confirme Sophie Hoehn.
    « Si vous arrivez dans une nouvelle maison où il y a du bruit, les premières nuits on se réveille, mais plus au bout d’un moment. Le phénomène physiologique, lui, ne s’arrête jamais. »

    Et le bruit ne nuit pas uniquement au sommeil. En plus des nuisances fortes au travail – 558 cas de surdité ont été reconnus comme maladies professionnelles par la sécurité sociale en 2018 –, « il y a la gêne pour se concentrer », poursuit Jean-Claude Normand. Dans un open space, un centre d’appel, à l’école, la gène par les nuisances sonores « est un modificateur de la vigilance, qui modifie les réactions psychiques et les opérations mentales ». Ainsi ont été prouvés à de multiples reprises (ici ou là) les effets négatifs du bruit sur les apprentissages de l’enfant.

    « L’oreille mesure en permanence »

    « Il ne s’agit pas d’un retentissement pur et dur sur la santé », nuance Jean-Claude Normand. Mais faire répéter dans un open space bruyant, devoir parler plus fort en classe ou refaire des calculs en raison du bruit est pénible. Ce qui peut, en cascade, « avoir un effet indirect sur la santé, par des facteurs de stress ».

    « On ne peut pas séparer la dimension physique du bruit de sa dimension psychique, répète ce médecin, car l’oreille mesure en permanence, mais le traitement est fait au niveau cérébral. » Autrement dit, les mécanismes de déclenchement d’alerte ne se font pas au niveau de l’oreille interne, mais bien du cerveau – ce qui laisse la place à de plus grandes différences entre les individus.

    « On n’est pas égaux face au bruit », estime Valérie Rozec, docteur en psychologie de l’environnement et responsable de projet au centre d’information sur le bruit. Plusieurs facteurs influent ainsi sur la manière dont l’environnement sonore affecte les individus :
    « L’acoustique ne représente que 30 à 40 % de la gêne exprimée, le reste correspond à des facteurs individuels – âge, éducation, etc. – et contextuels : occurrence du bruit, activité en cours, le fait de pouvoir contrôler la source de bruit notamment. »

    S’ajoute enfin une composante sociale : les personnes les plus exposées aux bruits dans leur environnement résidentiel – autoroute, aéroport – ont davantage tendance à être les travailleurs contraints à travailler dans des espaces de travail les plus pénibles, les plus bruyants, note Jean-Claude Normand. « En ce sens, le bruit est un marqueur d’inégalités sociales. »

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    • Après 12 ans avec 50 000 véhicules/jour sous mes fenêtres (supérieur à 70dB en moyenne) je confirme les stress, l’impact sur la vie sociale,etc. Je suis parti avant de devenir fou (enfin j’espère...)