• #Covid-19 : « Le cas australien montre qu’une deuxième vague peut survenir à la faveur de l’hiver »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/22/covid-19-le-cas-australien-montre-qu-une-deuxieme-vague-peut-survenir-a-la-f

    Professeur de santé publique et ancien directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), Antoine Flahault est aujourd’hui directeur de l’Institute of Global Health (Institut de santé globale) à l’université de Genève (Suisse), qu’il a fondé. Huit mois après l’apparition du foyer épidémique de Wuhan, il analyse l’évolution de la pandémie de Covid-19, qui a fait au moins 794 000 morts dans le monde, plus de 22 millions de cas d’infection ayant été officiellement diagnostiqués.

    Début juillet, l’OMS se disait inquiète que la pandémie « s’accélère ». Quelle est aujourd’hui sa dynamique ?

    Quand on regarde la courbe épidémique mondiale, on voit que le nombre de nouveaux cas, qui était reparti à la hausse en juin, observe un plateau élevé mais constant depuis la fin juillet, autour de 300 000 par jour. La courbe des décès, elle, a suivi une progression très rapide entre mars et avril, puis un léger tassement à partir de début mai. Il y a eu une reprise presque plus modérée, le nombre total de décès rapportés dans le monde n’a pas été aussi haut en juillet et août qu’il ne l’avait été en mars-avril, on n’est pas très loin des 7 000 décès par jour.

    Où se situe actuellement l’épicentre de la pandémie ?

    Aujourd’hui, les centres de foyers actifs sont l’Inde, l’Amérique latine, le Mexique et, de façon plus décroissante, les Etats-Unis. La situation est alarmante au Pérou par exemple, qui n’a pas encore atteint son pic épidémique. Pour ce qui est du Brésil, nous ne sommes pas totalement confiants sur leurs données rapportées, les niveaux sont encore très élevés. Il est difficile de dire si l’Argentine a atteint son pic, la courbe est en train de « casser » un peu, mais on a eu plusieurs fois cette impression avant de la voir remonter. En revanche, le Chili, où le niveau reste élevé, voit ses courbes baisser depuis début juillet.

    • Dans quels pays a-t-on observé une deuxième vague, selon votre définition, à savoir une augmentation concomitante de la morbidité et de la mortalité ?

      En Iran, à Djibouti, en Israël et en Australie notamment. Israël a connu une première vague très faible et très bien contrôlée entre mars et mai, ils étaient tombés pratiquement à zéro cas. Le pays est remonté cet été à pratiquement 2 500 cas par jour, aujourd’hui ils connaissent un plateau à 1 700 cas, soit 20 cas pour 100 000 habitants. La limite que nous fixons pour qu’un pays soit en « zone verte », c’est 2,5 cas pour 100 000 habitants.

      L’Australie, elle, est en plein hiver. Elle a connu une première vague estivale dès janvier, avec une faible mortalité – une centaine de décès pour 7 000 cas. Le pays s’est déconfiné à peu près au même moment que la France, ils sont presque parvenus à éliminer la circulation du virus, mais la situation a dérapé fin mai à Melbourne. Il a suffi de défaillances dans la mise en quarantaine dans un hôtel dédié d’une famille de quatre voyageurs tous contaminés à l’étranger pour que le virus se propage. A tel point qu’aujourd’hui on a pu calculer par des techniques d’épidémiologie moléculaire que 90 % des cas enregistrés dans la seconde vague de l’Etat de Victoria ont été contaminés par un virus provenant de cette famille.

      Cette deuxième vague a provoqué 17 000 cas et 350 décès, et a donc été trois fois plus forte que la première en termes de mortalité. Grâce à un confinement strict, la situation aujourd’hui évolue favorablement.

      Au vu de l’exemple australien, a-t-on des raisons d’être inquiet en Europe sur ce qui peut se passer durant notre propre hiver ?

      Le cas australien montre qu’une deuxième vague peut survenir à la faveur de l’hiver, lorsque les gens sont plus confinés dans des endroits moins ventilés. Il semble alors que la contamination soit facilitée et qu’une flambée épidémique soit plus facilement déclenchée. Cela laisse aussi penser que des clusters comme celui de cette famille australienne de retour de vacances peuvent être à l’origine d’une épidémie difficile à contrôler. La prévention de la mortalité chez les personnes âgées doit être une priorité. L’épidémie a échappé début août aux autorités australiennes, qui ont été obligées de procéder à un reconfinement très strict et ciblé de la ville de Melbourne.

      Comment analysez-vous la situation épidémiologique actuelle en Europe ?

      A l’image du Canada, l’Europe connaît une situation paradoxale, inédite : on y dépiste massivement et on y détecte une circulation du virus déconnectée d’une augmentation du nombre de décès. Parmi les gens testés positifs aujourd’hui, très peu présentent des symptômes sévères, moins de 1 % des cas rapportés décèdent, ce taux était de 20 % en avril. C’est donc assez difficile à interpréter. Est-ce le reflet d’une fondation habituellement immergée d’une future seconde vague ? Ou bien est-ce que les tests, pratiqués massivement, permettent aux porteurs de virus de moins de 40 ans de le savoir et de protéger mieux ceux à plus fort risque (entre 40 et 80 ans), voire à très haut risque (plus de 80 ans) ?

      Certains virologues évoquent une moindre virulence du virus par mutations, d’autres une immunité acquise plus substantielle que mesurée chez les personnes de plus de 40 ans : quelles hypothèses sont plausibles à ce stade ?

      Je ne pense malheureusement pas que l’impact de sa moindre virulence soit substantiel, la mutation rapportée est présente sur le virus qui circule aussi dans des zones comme la Floride ou l’Amérique latine, où la mortalité est extrêmement élevée. Quant à une immunité qui serait supérieure chez les personnes de plus de 40 ans parce qu’acquise pendant la première vague, toutes les enquêtes de séroprévalence montrent que ce ne semble pas être le cas. Je pense davantage à des facteurs sociologiques, peut-être saisonniers, à savoir que les gens adoptent des comportements différents pendant l’été, les écoles sont fermées, de nombreux commerces aussi, etc. Il est possible, aussi, que les populations plus à risque fassent plus attention.

      Certaines voix sceptiques jugent la communication des gouvernements et de l’OMS alarmante…

      Si l’Europe connaît une deuxième vague comme l’Australie, elle n’aura pas beaucoup d’autres choix que de reprendre des mesures très fortes, donc de reconfinement. Personne ne veut revoir les hôpitaux saturés. Le but, ce n’est pas le risque zéro, mais de laisser notre système de santé respirer. Quand on voit comment la situation a disjoncté rapidement en Australie et en Israël, on ne voit pas très bien pourquoi on n’aurait pas nous aussi une deuxième vague, et peut-être aussi plus grave que la première. Le fait de ralentir le plus possible la circulation du virus peut nous aider à ne pas avoir à affronter une vague trop importante à la rentrée.

      L’OMS appelle la population à se faire vacciner tôt contre la grippe cette année, dont certains symptômes peuvent être proches du Covid-19 : faut-il craindre deux vagues concomitantes ?

      Toujours pour reprendre l’expérience australienne, il n’y a pas eu de vague hivernale de grippe pour la première fois dans leurs annales. Les mesures anti-Covid ont été d’une efficacité encore plus grande contre le virus de la grippe, donc je ne redoute pas trop deux vagues simultanées l’hiver prochain.

      Depuis janvier, qu’a-t-on appris sur le virus et quelles sont les principales interrogations qui subsistent ? En sait-on plus notamment sur les potentiels cas de recontamination ?

      La transmission semble essentiellement se faire par les postillons, un peu par les #aérosols – les plus fines de ces gouttelettes de postillons peuvent flotter dans l’air, en particulier en milieux clos – et très peu par des surfaces planes. Cet été, on a appris aussi que les #enfants sont moins épargnés qu’on ne le pensait, non pas en termes de gravité mais de #contagiosité.

      L’#immunité est l’une des zones d’ombre très théoriques. Si l’immunité conférée par l’infection n’était pas forte et suffisamment pérenne, je pense qu’on aurait une part substantielle de gens présentant des réinfections parmi les cas positifs actuels.

      Une autre zone d’ombre, c’est la sensibilité de la PCR – estimée entre 70 % et 80 % – qui entraîne des faux négatifs, mais y a-t-il aussi des faux positifs ? C’est très difficile à documenter. Une apparente « réinfection » pourrait n’être que l’expression d’un faux positif.

    • L’amoureux de ma voisine a été testé positif (grosse fièvre la semaine dernière) mais elle a été testé négatif. Elle a pourtant été très malade en mars ou avril je ne sais plus (fièvre, toux et grosse fatigue pendant trois semaines) et qu’elle ressentait ces mêmes symptômes en moins fort la semaine dernière.