Vanderling

La conversation n’est féconde qu’entre esprits attachés à consolider leurs perplexités.

  • La nuit des longs couteaux - Regarder le documentaire complet | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/086122-000-A/la-nuit-des-longs-couteaux
    https://api-cdn.arte.tv/api/mami/v1/program/fr/086122-000-A/940x530

    https://www.youtube.com/watch?v=cyR7Sctoguk

    À l’été 1934, Hitler, qui a liquidé la démocratie allemande en un temps record, se retrouve pourtant pris en étau entre deux forces antagonistes : d’un côté, la frange révolutionnaire de son parti, le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands), incarnée par son ami Ernst Röhm, le chef de la Sturmabteilung (SA), formation paramilitaire du parti nazi ; de l’autre, les milieux conservateurs, révulsés par les excès de cette faction qui menace la Reichswehr, l’armée régulière. Cofondée par Hitler et Röhm en 1921 à Munich, la SA a joué un rôle fondamental dans l’ascension des nazis. Si le putsch manqué du 9 novembre 1923, qui a amené le futur dictateur à viser une conquête du pouvoir par les urnes, avait éloigné ce dernier de Röhm, les deux hommes se sont retrouvés en 1930. Surfant sur les ravages de la Grande Dépression, le premier a fait campagne devant des foules grandissantes, pendant que le second tenait la rue par la terreur.

    Basculement
    Mais en juin 1934, les services rendus ne comptent plus. Göring, le numéro deux du régime, Himmler, le chef de la SS, et Heydrich, son adjoint, pressent le Führer de neutraliser Röhm, en inventant un projet de coup d’État. Au matin du 30 juin, à Bad Wiessee, Hitler, revolver au poing, procède à l’arrestation de son ancien frère d’armes – abattu le lendemain dans sa cellule – et déclenche une vague d’assassinats à travers le pays, qui se déchaînera jusqu’au 2 juillet, ciblant les dignitaires de la SA mais aussi des opposants conservateurs et catholiques. Présentés comme une purge interne, ces meurtres seront légalisés rétroactivement. Après la mort du président Hindenburg, le 2 août 1934, Hitler, désormais soutenu par les élites conservatrices et l’armée régulière, peut précipiter l’Allemagne dans la barbarie.
    Entrelaçant images d’archives et passionnantes analyses d’historiens français et allemands, ce documentaire retrace l’ascension commune, mêlée de fascination réciproque, d’Hitler et de Röhm, le tribun et le militaire. Il déroule la chronologie détaillée et expose les conséquences de ces trois jours sanglants qui, par des compromissions insidieuses au plus haut sommet de l’État, ont légitimé la #terreur_nazie .

    #Troisième_Reich #histoire

    • Vu cette semaine, j’ai apprécié, j’ai noté vers la fin cette quasi impossibilité de rompre l’enchainement fasciste avec la mise en place de l’obligation des militaires de prêter serment de fidélité à Hitler lui même plutôt qu’à leur pays.
      #obéissance
      #militaires

    • La fabrique du cauchemar « Journal fictif d’Adolf Hitler », de Haris Vlavianos
      https://www.monde-diplomatique.fr/2020/09/DE_MONTJOYE/62162

      D’emblée, dans son avant-propos, Haris Vlavianos pose la vieille et obstinée question : « Comment un homme falot, pétri d’obsessions, inculte et d’origine modeste, a-t-il fait pour séduire autant d’Allemands et les entraîner dans son sillage ? » Des centaines d’ouvrages ont donné leur version et accumulé les clichés : Adolf Hitler, petit caporal, peintre raté, médiocre « poilu » ; ou bouffon maniaque, monstre débile, tueur en série de masse, incarnation d’un mal absolu… Vlavianos choisit la forme du journal intime. C’est hardi, c’est risqué. Il effectue une plongée dans le quotidien de #Hitler au moment où les vociférations hystériques de ce petit chef de bande vont devenir élaboration d’un programme politique destiné à conquérir le pouvoir, quand, à la suite de son putsch manqué (novembre 1923), il est emprisonné (jusqu’en décembre 1924) à Landsberg, une captivité de plus d’un an qui aboutit à la rédaction des premiers chapitres de Mein Kampf. Avec ce « document fictionnel » qui transforme Hitler en « vrai » personnage, il n’est plus de fascination possible, il y a là juste un pauvre type.

      Vlavianos use d’une langue simple, simpliste, syntaxe minimale, vocabulaire réduit, pour ce pauvre type prétentieux, qui commente des livres où il n’est capable de voir que ses obsessions. Et qui ressasse sa vision de l’Europe : décadente, perverse, infestée par le Juif et le communiste, et dont le « honteux traité de Versailles » est à la fois effet et cause, aboutissant à l’humiliation de l’Allemagne. Autant d’idées banales et haineuses qui circulaient alors largement dans une partie de la population, et tant pis si le peuple allemand est sacrifié à l’idée qu’il a de l’Allemagne, tant pis pour le peuple — tout comme les femmes, grand objet de son dégoût —, qui a besoin d’être guidé… Oscillant entre auto-apitoiement — « Je suis un minable » — et exaltation obsessionnelle, il commence à tisser les liens avec et entre les individus de sa sphère politique, courriers, entretiens, visites d’admiratrices (qu’il méprise), et c’est ainsi que se prépare la suite… Le procès va lui permettre de se tester « pour de vrai » : ce qui devait être affaire de justice tourne en meeting, dont chaque parole et chaque geste sont amplifiés, commentés, par la presse et les politiques, offrant à ce qui n’était qu’une idée fumeuse et paranoïaque une consistance publique. Hitler apparaît comme cristallisant l’inconscient collectif, la machine s’enclenche, les liens tissés commencent à être utiles, le désir fou d’un pouvoir absolu s’appuie sur un mouvement soigneusement planifié dont les moteurs sont la détestation viscérale de la vie, le mépris absolu de l’autre, et la conquête du consentement populaire, par le biais de gesticulations « démocratiques » destinées à l’anéantissement du système parlementaire. Pour ce faire, tous les moyens seront bons, et ce sont les multiples « ficelles » de ce succès que le livre rend visibles et sensibles. Écrit par un historien qui est aussi un poète célèbre, l’auteur notamment de Vacances dans la réalité (Circé, 2011), grand traducteur (de Walt Whitman, Wallace Stevens, William Blake…), ce « journal fictif » est l’un de ces livres-outils qui permettent, au-delà de l’émotion ou de la morale, de déconstruire les mécanismes identitaires et totalitaires dont notre époque se montre assez friande.

      Arnaud de Montjoye