David Graeber est mort hier, à Venice…
David Graeber est mort hier, à Venice…
David Graeber: American-Born Anthropologist Dies in at 59 | Heavy.com
▻https://heavy.com/news/2020/09/david-graeber
Graeber’s death was confirmed on the morning of September 3 by his wife, Nika Dubrovsky. Dubrovsky tweeted, “Yesterday the best person in a world, my husband and my friend. @davidgraeber died in a hospital in Venice.”
Pfff… Les écrits restent… mais merde 59.
Je découvre au passage un des projets de sa compagne Nika Dubrovsky :
▻http://a4kids.org
Un type bien sympathique semble-t-il, dont les travaux (pour ce que j’en connais) sont un des innombrables indices d’une crise de la critique (éclipse de la pensée ?). Sa dénonciation des " bullshit job" avait le mérite d’affirmer que bien des emplois n’existent que pour (non seulement "occuper", comme il le souligne, mais) justifier le fait qu’avoir les moyens de vivre sans emploi ne doit en aucun cas être à la portée de n’importe qui (ce qui était aussi le cas sous le socialisme réel où on pouvait coller trois personnes là où une aurait suffit). Il suffit d’avoir lu Maurizio Lazzarato ( La fabrique de l’homme endetté, essai sur la condition néolibérale, ►http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6238) pour savoir que son "histoire" de la #dette est des plus faibles, une anthropologie trans-historique, une éternité qui récuse l’historicité.
Je détaille pas, faute d’avoir pris le temps de la lire pour de bon (j’avais laissé tomber...), mais voici une note de lecture (dont je partage pas les présupposés) qui en relève le peu de consistance.
« Quand David Graeber étale la dette : une critique du livre " La dette : 5000 ans d’histoire " », par Franz Schandl
▻http://www.palim-psao.fr/article-quand-graeber-etale-la-dette-une-critique-du-livre-la-dette-5000-
« La langue du marché a envahi toutes les dimensions de la vie humaine[14] », dit Graeber. Cependant, la façon dont il se sert de cette langue est complètement acritique. C’est bien trop souvent que la terminologie dominante est aussi la sienne. On est frappé par la naïveté totale avec laquelle sont employées des catégories quotidiennes telles que économie, politique, démocratie, capital, crédit. Celles-ci sont utilisées sans la moindre distance critique, comme si aucune d’elles n’était problématique. Il y a un rapport positif constant, voire lassant, à la justice et, bien sûr, aux valeurs. [...]
Conformément aux postulats anarchistes, le mauvais rôle échoit le plus souvent à l’#État, tandis que le marché s’en sort assez bien la plupart du temps. En de nombreux endroits l’État et le #marché sont pensés comme des antipodes, et non comme des éléments qui se complètent et qui sont indispensables à la domination du capital. Le bon marché remonte toujours à la surface.
En fait, c’est pire que ce que je croyais... Les « bullshit jobs » c’est aussi ceux où on est « payé à ne rien faire », et la défense du « vrai travail » (Sur Rance culture).
▻https://twitter.com/franceculture/status/1301542776606253057
Une critique du concept de « Bullshit Jobs » par les auteurs de Boulots de Merde (Cyran & Brygo, La Découverte, 2016) :
►https://lundi.am/Boulots-de-merde-Du-cireur-au-trader
Lorsqu’on a lu l’essai de David Graeber, on s’est dit qu’il y avait une belle matière pour commencer un travail reliant le haut et le bas du monde du travail, puisque Graeber avançait l’idée selon laquelle les cadres chargés de faire tourner la machine capitaliste étaient rincés, déprimés, accablés par la conscience de leur inutilité et incapables de trouver une consolation dans leurs salaires princiers. C’est en cela qu’il parle de « bullshit jobs », des boulots bidon où les gens s’emmerdent à mettre des coups de tampon et à pianoter sur Facebook au lieu de faire un « vrai » travail, productif, visible, palpable. On avait trouvé stimulante cette réhabilitation du critère de l’utilité sociale, mais sa focalisation sur le sommet de la pyramide salariale nous posait problème , raison pour laquelle nous avons claqué notre enveloppe de frais de reportage pour aller rencontrer Graeber à Londres. Les réponses qu’il a apportées à nos questions n’ont pas franchement levé nos doutes, comme on l’explique dans l’introduction de notre bouquin. Ce qui nous a le plus scié, c’est l’explication qu’il nous a fournie sur sa méthodologie : pas d’enquête de terrain, pas de chiffres, pas de sources, seulement une compilation de données récupérées sur des blogs d’avocats d’affaires… Du coup, on a changé notre fusil d’épaule et laissé derrière nous les affres existentielles des cols blancs cholestérolés, choqués de découvrir que leur dévouement à l’économie capitaliste n’était pas aussi sexy que prévu. C’est un sujet qu’on laisse volontiers aux journalistes des grands médias, qui se sont tous pris de passion pour les thèses de Graeber, en raison peut-être de leur proximité sociale avec les cadres d’entreprise. En revanche, la souffrance ordinaire endurée par la majorité de la population active, dans les boîtes de sous-traitance comme dans les anciens fleurons du service public, dans les bureaux de poste comme dans les restaurants en passant par les guichets de Pôle emploi, cette souffrance-là n’intéresse pas grand monde. Ce désintérêt résulte en grande partie de la propagande quotidienne pour la « valeur travail » et le « plein emploi », du matraquage verbal et administratif infligé aux chômeurs soupçonnés de fraude et de désertion. Pour beaucoup de journalistes, il faut bien qu’il y en ait qui fassent le « sale boulot » de leur nettoyer leurs burlingues au petit matin. On a voulu remettre à leur place ces réalités sociales : 80 % du livre est consacré aux trimardeurs du bas, 20 % aux cols blancs. Loin de nous l’intention de minimiser le cafard des bureaucrates de l’économie capitaliste, mais on a choisi de ne pas oublier les conditions de travail autrement plus rudes de ceux que ces mêmes cols blancs réduisent à l’état de larbins.