• Les troubles du compartiment du gouvernement: après la T2A, voici la T2C-psy | Mathieu Bellahsen, Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/mathieu-bellahsen/blog/130920/les-troubles-du-compartiment-du-gouvernement-apres-la-t2a-voici-la-t

    Vous avez aimé la T2A (tarification de l’activité), vous aimerez sa petite soeur la T2C-psy qui est prévue pour janvier 2021. La réforme du financement de la psychiatrie va donner naissance à ce monstre discret et destructeur.

    Ils nous l’avaient juré sur leurs grands dieux, la santé échapperait désormais au principe de la concurrence et de la rentabilité. Des réformes structurelles allaient s’imposer au sortir de la crise COVID... Certains ont cru au Ségur de la Santé. La grande stratégie de communication, toujours la même (grand débat, grenelle, convention citoyenne…), en plus d’accoucher d’une souris a montré le déplorable spectacle de cette démocratie représentative. Où comment certains syndicats professionnels peuvent se coucher pour quelques euros, quelques primes ou quelques avantages catégoriels en criant à la victoire alors que l’argent débloqué est là pour aggraver la situation de catastrophe, tout en divisant les professionnels.

    Et les réformes de fond se poursuivent. « Le train des réformes » nous dit-on. Ce « snowpiercer » de l’État néolibéral fonce et carbure à la destructivité de ce qui fait le lien social dans la société : éducation, justice, santé…

    En psychiatrie, c’est la mère des réformes qui arrive : celle du financement. Elle doit s’imposer dès janvier 2021. En touchant aux cordons de la bourse ce sont les pratiques, toutes les pratiques dans tous les lieux de soin (public, privé non lucratif) qui vont se transformer pour s’adapter à cette nouvelle donne.

    Encore une fois ce cadre de réforme est présenté comme innovant et plus juste. Et encore une fois, comme pour la réforme des retraites, celle de l’assurance chômage, ou les ordonnances de la loi Travail, la future loi est une contre réforme réactionnaire. Elle a pour but de privatiser toujours plus, de faire plus avec moins et surtout de passer sous silence les grands abandonnés du nouveau financement : les patients les plus gravement malades, les plus précaires, ceux qui ont besoin de soins dans la durée. [...]

    Les vers se nomment « file active » (plus vous voyez de personnes dans l’année mieux c’est, donc mieux vaut voir 1 fois 1000 personnes que 10 fois 100 personnes), « qualité du codage » (vous touchez d’autant plus d’argent que vous remplissez les critères de qualité définis arbitrairement par les tutelles pour contraindre les soins dans un sens court termiste et d’ubérisation, c’est-à-dire d’orientation vers des plateformes plutôt que vers des institutions), « recherche », « activité nouvelle » et j’en passe.

    Qu’est-ce qui donne envie de croquer dans ce fruit me direz-vous ? Et bien, l’enrobage « géo-populationnel », vernis sucré de cette réforme qui est là pour lui faire ressembler à une belle pomme d’amour toute rouge et toute brillante. Si la réforme du financement en psychiatrie était la sorcière dans Blanche Neige, le compartiment géo-populationnel serait sa pomme. Et beaucoup croquent dedans car depuis des décennies, certaines régions, certaines villes, certains secteurs ont plus de moyens que d’autres sans que cela ne puisse s’expliquer raisonnablement. Mais dans ce compartiment géo-populationnel, le financement pour le public diminue d’autant qu’il existe une offre privée lucrative et non lucrative sur le territoire.

    Et plutôt que de tout rééquilibrer à la hausse puisque « la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine », comme on le dit dans les médias, et la pédo-psychiatrie son enfant oublié, eh bien que nenni, tout le monde devra être mis au pas de la nouvelle psychiatrie plateformisée, celle qui se marie si bien avec les réformes néolibérales. Et sans surprise, les grands gagnants sont ceux qui ont un modèle de soin congruent au modèle néolibéral, à savoir les centres hospitalo-universitaires (CHU) qui, en psychiatrie, s’adonnent aux centres experts et à la promotion de telles plateformes privatisées pour la mise en place de soins. Et donc, encore une promotion pour FondaMental et l’institut Montaigne dans ce grand bond en avant qu’est celui de la destruction d’un service public de proximité, accessible, accueillant tout le monde quelque soit son diagnostic, sa sévérité et son niveau de ressources sociales.

    #psychiatrie