• Panthéonisation de Rimbaud : Le châtiment du Tartufe - Vivian Petit
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    « C’est épatant, comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous les ventres, qui, chassepot au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières ; ma patrie se lève !… Moi, j’aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! c’est mon principe. »
    Arthur Rimbaud, 25 août 1870

    « tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré »
    Arthur Rimbaud, 15 mai 1871

    Depuis quelques semaines, le milieu des lettres est en ébullition. L’objet d’une telle effervescence ? La possibilité du transfert au Panthéon des restes d’Arthur Rimbaud, et de ceux de son amant Paul Verlaine. Cette revendication ô combien subversive a été élaborée par Frédéric Martel, conseiller du prince connu pour avoir soufflé aux oreilles de Michel Rocard, Bernard Kouchner et Martin Hirsch.

    La pétition à l’origine de cette demande [1] est notamment signée par neuf anciens ministres de la Culture et soutenue par Roselyne Bachelot. « Vous roulez dans la bonne ornière » , aurait dit le poète. Certes, aucun rimbaldien ni aucune personne connue pour son attachement à la Commune de Paris ne soutient la démarche, mais celle-ci a tout de même l’appui de Xavier Darcos, Caroline Fourest, Alain Minc et Christine Ockrent.

    La démarche peut sembler risible. En premier lieu parce que le titre de la pétition, Ce qu’on dit au poète à propos du Panthéon , découle d’un contresens. Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs , poème de Rimbaud envoyé à Théodore de Banville, chef du Parnasse, sous le pseudonyme parodique Alcide Bava, est un pastiche, exercice de style ironique rassemblant les clichés d’un académisme poétique dont Rimbaud cherchera sans cesse à se distancier. Cette mécompréhension n’est pas sans rappeler le « il faut être absolument moderne » qui orne l’entrée de l’opéra Bastille, phrase ironique présente dans Une saison en enfer , c’est-à-dire au sein d’un ouvrage qui donne à voir un narrateur aux prises avec la modernité occidentale qu’il identifie comme source de ses maux [2].

    Relever ce contresens des rédacteurs de la pétition ne vise pas seulement à souligner la réduction de Rimbaud à quelques clichés, mais révèle également l’occultation de la dimension subversive de sonœuvre. En effet, dans le texte de la pétition comme dans l’argumentation de sa démarche sur le site [3] ou à l’antenne [4] de France Culture [5], Frédéric Martel dresse un portrait pour le moins consensuel – et donc inexact – d’Arthur Rimbaud. Selon lui, Rimbaud serait un symbole de la République, de la Laïcité et de la Diversité, et c’est ce qui justifierait le transfert de son cercueil au Panthéon. Quiconque connaît l’œuvre de Rimbaud ne peut qu’en rire.

    [...]

    « L’amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, cœur et beauté sont mis de côté : il ne reste que froid dédain, l’aliment du mariage aujourd’hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont, moi, j’aurai pu faire de bonnes camarades dévorées tout d’abord par des brutes sensibles comme des bûchers.. »

    [...]

    « Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme, jusqu’ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons. »

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