Reka

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  • Irina Slavina, Russian editor dies after setting herself on fire - BBC News

    https://www.bbc.com/news/world-europe-54392005

    A Russian news editor has died after setting herself on fire in front of an interior ministry office in the city of Nizhniy Novgorod.

    Irina Slavina earlier wrote on Facebook: “I ask you to blame the Russian Federation for my death.”

    Authorities confirmed her body had been found with severe burns.

    Slavina said on Thursday police had searched her flat looking for materials related to the pro-democracy group Open Russia. Computers and data were seized.

    Footage has emerged apparently showing the moment she set herself on fire on a bench in Gorky Street, where the interior ministry in Nizhny Novgorod is situated.

    In the video, a man is seen running to a woman to help extinguish the flames. She repeatedly pushes him back as he tries to use his coat to stop the fire, before she eventually falls to the ground.

    Russia’s Investigative Committee confirmed that Irina Slavina, who leaves behind a husband and daughter, had died but denied any connection to a search of the journalist’s flat.

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    André Markowicz sur Facebook écrit :

    Par le feu

    Irina Slavina

    C’est une histoire épouvantable. — Cette femme radieuse que vous voyez, c’était Irina Slavina. C’était, parce qu’elle s’est immolée, hier, devant les locaux de la police de la ville où elle vivait et travaillait, Nijni Novgorod. Elle était journaliste, et journaliste indépendante. Elle était proche de la « Russie ouverte » de Mikhaïl Khodorkovski. Elle poursuivait son travail, malgré les brimades, malgré les amendes qui lui pleuvaient dessus. Et puis, à Nijni Novgorod, les autorités ont décidé de lancer des affaires de droit commun contre un entrepreneur, Mikhaïl Iosselévitch. Je ne connais pas les détails de cette affaire, — je n’en parlerai donc pas. Mais il se trouve qu’Irina Slavina, qui le connaissait, a été l’objet d’une perquisition d’une violence inouïe. Tout a été pillé, retourné, mis en dessus-dessous, les policiers ont pris tous les ordinateurs (même celui de sa fille, adolescente), tous les carnets, tout ce qu’ils ont pu trouver. — Ces « perquisitions », en Russie, sont une méthode constante : il ne s’agit pas seulement de terroriser ceux dont on pense qu’ils sont des opposants, il s’agit de les laisser sans rien, de lui ruiner, tout simplement. Ce genre de perquisitions reprend exactement le modèle de celles des années trente, sous Staline.Il se trouve que là, Irina Slavina a réagi d’une façon terrible. Elle a publié un dernier post sur sa page FB : « Je demande qu’on accuse de ma mort la Fédération de Russie. » — Et puis, après avoir publié cette seule phrase, et une photo de la liste des noms des responsables de la perquisition, elle s’est rendue devant le siège de la police, elle s’est assise sur un banc et elle s’est immolée. Elle est morte.Tout de suite, les gens, bouleversés, se sont mis à apporter des fleurs, à se rassembler, et la police a publié un communiqué d’un cynisme inouï, spécifiant que son suicide ne pouvait rien avoir de commun avec la perquisition, puisqu’elle n’était considérée que comme témoin, elle n’était « accusée ou soupçonnée de rien » — un témoin dont on terrorise et on dépouille toute la famille. Et puis, là, ce matin, je regarde la presse officielle, et je vois que les autorités essaient de faire passer l’idée qu’elle devait « être membre d’une secte quelconque ». Voilà à quelle bassesse on en arrive. Elle n’était évidemment membre d’aucune secte. Elle était juste une femme qui luttait et qui, à un certain moment, a considéré qu’elle n’avait pas d’autre issue que ce geste atroce. « Nous sommes condamnés », écrivait-elle la veille, à propos de tout autre chose, sur sa page FB. — A propos de ce qu’on aurait pris pour un petit détail : la réfection en dépit du bon sens d’une allée dans un parc. — Parce que les ouvriers qui avaient fait cette réfection ne savaient pas travailler, ou plutôt ne voulaient pas travailler : on leur demande, tout simplement, de faire quelque chose, parce que, ce qui compte, c’est que les services municipaux qui les dirigent se paient sur les commandes publiques, et qu’ils ont intérêt à faire le plus de « réfections » possible — et c’est le cas dans toute la Russie. Parce que la corruption est générale, absolue. C’est pour cela, écrivait-elle, que la Russie était condamnée.J’écris le matin d’après la tragédie. Les gens descendent dans la rue à Nijni Novgorod. Il y a le désespoir. Il y a la rage. Cette mort par le feu dit tout cela. Cinquante ans plus tard, on se souvient de Jan Palach.