martin dufresne

traducteur proféministe et humoriste irrévérent au Québec

  • NousContestons (#WeDissent)
    Lettre ouverte à la direction de Survivors’ Agenda

    Condamnation mondiale de l’appel lancé par le Survivors’ Agenda en faveur d’une dépénalisation des proxénètes et du système prostitueur

    Vous êtes à la tête de militantes américaines pour la justice sociale (en plus, des femmes de couleur) qui se sont donné pour mission de veiller à ce que les travailleuses domestiques et agricoles, les victimes et survivant.e.s de violences sexuelles, de harcèlement sexuel, d’abus de la part d’un partenaire et de discrimination, aient des droits.

    En septembre 2020, vous avez lancé la plateforme Survivors’ Agenda, que vous décrivez comme « un guide mû par la communauté vers la justice pour les survivant.e.s que nous méritons tous… une offrande d’amour à ceux qui ont dû surmonter des abus sexuels et d’autres formes de violences sexuelles ».

    Il est donc d’autant moins compréhensible que Survivors’ Agenda appelle de ses vœux des lois qui dépénalisent le système prostitueur, l’achat d’actes sexuels, le proxénétisme, ainsi que la propriété et la gestion des maisons closes, de « salons de massage » illicites, d’agences de « tourisme sexuel » et d’innombrables autres établissements dont l’activité est le commerce du sexe. Vous appelez donc à la perpétuation et à l’expansion, et
    non à l’extinction, de systèmes d’exploitation et d’oppression qui détruisent des existences pour que certains puissent réaliser des profits incalculables.

    Nous, les soussigné.e.s, sommes des féministes, des militant.e.s pour la justice sociale et des défenseu.r.se.s des droits humains, ainsi que des prestataires de services de première ligne qui luttent pour l’égalité et les droits des femmes et des filles, des immigrants et des populations LGBTQ+. La majorité des signataires ont elles-mêmes et eux-mêmes survécu à des violences sexuelles et au commerce du sexe, notamment à la prostitution et à la
    pornographie.

    Survivors’ Agenda est basée aux États-Unis, mais les signataires américain.e.s ci-dessous sont rejoints par d’autres militant.e.s du monde entier, qui partagent des systèmes étatiques cautionnant l’oppression, le patriarcat, le néocolonialisme, ainsi que la discrimination basée sur le sexe et le genre. Nous savons tous que la justice et
    l’égalité, la paix et les droits humains demeureront hors de portée partout dans le monde tant que l’achat et la vente d’êtres humains dans le système prostitutionnel continueront à exister.

    Il est déconcertant que Survivors’ Agenda ne comprenne pas que le commerce du sexe est profondément ancré dans l’histoire et les structures du racisme et du colonialisme, et qu’il porte les marques infamantes de l’esclavage, qui se sont cristallisées aux États-Unis en 1619. En se faisant les promoteurs du commerce du sexe et en invitant les hommes (pour la plupart blancs aux États-Unis) à tirer profit des corps noirs, indigènes et d’autres personnes de couleur pour l’argent et le plaisir, les membres de Survivors’ Agenda reprennent à leur compte ce sinistre patrimoine.

    En dépit de preuves indiscutables, vous vous refusez à comprendre que le commerce du sexe est un phénomène planétaire qui se chiffre en milliards de dollars et dont le socle est l’exploitation, la violence et les violences sexuelles abjectes. Vous vous refusez à admettre que chaque dollar généré par le commerce du sexe provient de l’achat, par des acheteurs d’actes sexuels, d’un accès aux corps des plus démunis aux États-Unis et ailleurs, c’est-à-dire, dans une majorité écrasante, des femmes, des enfants et des jeunes de couleur transgenre.

    Des survivant.e.s du système prostitutionnel aux États-Unis vous ont tendu la main de bonne foi, elles/ils ont partagé avec vous leurs expériences vécues des souffrances irréductibles, y compris des tortures, que leur ont infligé les acheteurs d’actes sexuels et ceux qui les ont exploité.e.s à cette fin. Vous les avez écartés d’un revers de la main. Vous avez aussi ignoré une lettre signée de plus de 200 leaders survivant.e.s qui vous adjuraient de revenir sur votre préjugé consistant à envisager la prostitution comme un fait inéluctable et impossible à éviter. Ces leaders vous ont demandé, en revanche, de les soutenir dans l’appel de rédiger des lois qui dépénalisent uniquement les personnes prostituées. Vous leur avez à nouveau tourné le dos et fait montre de votre indifférence
    pour vous ranger à la place aux côtés du système prostitueur et de la légitimation de tous les aspects de la prostitution pour les générations à venir.

    Nous sommes la résistance mondiale de la base à vos tentatives grassement financées pour légitimer les violences et l’exploitation sexuelle dont sont victimes des millions de personnes parmi les plus marginalisées dans nos pays respectifs. Nous vous invitons à revenir sur votre appel en faveur de la dépénalisation du commerce du sexe, qui
    compromet gravement tous vos efforts pour obtenir justice pour les survivant.e.s.

    Nous vous exhortons également à vous joindre à nous pour militer en faveur de l’adoption de lois qui s’inscrivent dans le contexte du Modèle d’égalité (également connu sous le nom du Modèle nordique ou Modèle abolitionniste) qui dépénalise uniquement les personnes prostituées, et qui leur offrent des parcours de sortie du système prostitutionnel, mais qui placent devant leurs responsabilités les clients de la prostitution. Nous espérons
    que vous accepterez cette invitation.

    Tant que tel n’est pas le cas,

    NousContestons (#WeDissent).
    https://tradfem.wordpress.com/2020/10/10/lettre-ouverte-a-lorganisation-survivors-agenda-qui-pretend-parle

    Pour cosigner cet appel, visitez le site : https://docs.google.com/forms/d/16-PD4IzFoH3gfcRkzJF39hChladAQkmSR2LfO19hihw/edit