• Assurance chômage : le calme avant la tempête sociale, Vincent Grimault
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    A moitié mise en place, reportée, puis finalement gelée, la réforme de l’assurance chômage a été retardée en raison du Covid-19. Tant mieux pour les chômeurs, au vu de ses conséquences.

    Au 1er novembre prochain, vos conditions tarifaires évoluent ! Ce type de courrier, toute personne ayant souscrit à une assurance habitation ou un contrat auto en a déjà reçu. Les chômeurs, eux, n’ont pas été directement prévenus des nouvelles conditions entérinées par la réforme de l’assurance chômage de juillet 2019. Mais nombre d’entre eux ont pu les constater dès le 1er novembre dernier. C’est ce que montre une étude de l’Unédic publiée cet été, et passée un peu inaperçue.

    Mais avant de détailler le constat, petit retour pour comprendre la réforme. En juillet 2019, après l’échec des négociations entre syndicats et patronat, le gouvernement décide seul des nouvelles règles d’assurance chômage. La réforme doit alors entrer en vigueur en deux temps : d’abord au 1er novembre 2019 pour un premier paquet de mesures, ensuite au 1er avril 2020 pour le second paquet. Finalement, Covid-19 oblige, le second paquet est reporté au 1er janvier 2021. Le premier paquet, lui, est d’abord gelé pendant le confinement, puis finalement repoussé au 1er janvier 2021 également. Mais entre le 1er novembre 2019 et mars 2020, les chômeurs ont pu goûter au nouveau système.

    Pour l’essentiel, ce nouveau système durcit les conditions d’indemnisation sous l’effet de deux mécanismes. D’abord, l’obtention de droits est rendue plus compliquée. Il faut désormais avoir travaillé 6 mois dans les 24 derniers mois, au lieu de 4 mois dans les 28 derniers mois pour ouvrir des droits au chômage. Le rechargement des droits1 est également rendu plus long. Il faut avoir travaillé 6 mois pour pouvoir recharger ses droits, contre un mois avec le précédent système.

    Sans surprises, et comme prévu par l’Unédic avant la réforme, le résultat a été violent pour les chômeurs. « De novembre 2019 à février 2020, nous observons une baisse des ouvertures de droit d’environ 25 000 par mois par rapport à la même période un an plus tôt, dont 8 000 rechargements de moins », écrit l’organisme.

    Un décrochage immédiat à partir du 1er novembre 2019

    L’entrée en vigueur des règles plus strictes le 1er novembre 2019 a immédiatement fait reculer le nombre d’ouvertures de droits. Un phénomène confirmé en décembre 2019, janvier 2020 et février 2020, avant que la réforme ne soit gelée en raison de la crise sanitaire et économique.

    Dans le détail, 20 000 dossiers ont été rejetés par mois pour cause d’affiliation insuffisante : 12 000 demandeurs d’emploi avaient cotisé « seulement » entre 4 et 6 mois, et 8 000 n’avaient pas assez cotisé pour pouvoir recharger leurs droits. Voilà pour les rejets constatés. Mais comme l’écrit l’Unédic, « des personnes […] ont pu ne pas déposer de demande d’allocation en anticipant qu’elles ne pourraient pas être indemnisées ». De quoi probablement expliquer une partie de l’écart entre le nombre de dossiers rejetés (20 000) et la baisse de l’ouverture des droits par rapport à une année « normale » (25 000).

    Face aux critiques de l’opposition et des syndicats sur la réforme en juillet 2019, le gouvernement avait beaucoup insisté sur le fait que le texte prévoyait également des extensions de droits. C’est le volet « sécurité » de cette réforme qui, selon le gouvernement, s’inscrit dans sa politique de « flexisécurité ». Ainsi, la réforme ouvre la possibilité de recevoir des allocations chômage pour certains indépendants, et élargit les cas d’ouverture pour les démissionnaires. Une extension de droits certes, mais une extension particulièrement stricte. L’Unédic comptabilise ainsi « une soixantaine d’ouvertures de droits par mois » pour les indépendants, et 3 400 démissionnaires indemnisés au total entre le 1er novembre 2019 et le 31 août 2020.

    Voilà pour la partie bilan. Et demain ? L’Unédic s’inquiète de la mise en place du deuxième paquet de mesures au 1er janvier 2021. Car c’est bien lui le plus problématique pour les chômeurs. Sans entrer dans les détails, ce paquet prévoit la modification du salaire journalier de référence (SJR). En conséquence, les allocations versées devraient être nettement moins importantes (– 22 % par mois en moyenne), même si elles seront versées sur une période plus longue. Mais ce – 22 % était une estimation antérieure à la pandémie. Dans un contexte économique de crise qui empêche les demandeurs d’emploi de travailler et de recharger leurs droits, l’Unédic s’attend « à une baisse sensiblement plus importante des allocations versées, en particulier dans l’hôtellerie, la restauration et les métiers en lien avec le tourisme et l’évènementiel ». Pour éviter une telle casse sociale, l’organisme paritaire enjoint le gouvernement à revoir la réforme de l’assurance chômage. « La question du sens des évolutions réglementaires dans un contexte de crise et de raréfaction de l’emploi peut être utilement posée. Quelles sont les priorités affectées au régime dans la période à venir ? », se demande l’organisme.

    Une question pertinente : il est assez peu fréquent de choisir une assurance auto dont les nouvelles règles prévoient qu’elle ne sert pas forcément lorsqu’on tombe en panne.

    1.Le rechargement est un mécanisme par lequel un demandeur d’emploi ayant repris une activité professionnelle avant d’avoir consommé tous ses droits ne les perd pas lorsqu’il retrouve un emploi et peut finir de les consommer s’il redevient chômeur.

    #chômeurs #Unedic