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Fil d’actualités Covid19-Migration-santé (veronique.petit@ird.fr) relié à CEPED-MIGRINTER-IC MIGRATIONS.

  • « On n’a plus rien à vendre » : au Maroc, la crise sanitaire met un coup d’arrêt à la contrebande
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/10/20/on-n-a-plus-rien-a-vendre-au-maroc-la-crise-sanitaire-met-un-coup-d-arret-a-

    Les commerçants du souk Joutia, dans le quartier de Derb Ghallef, à Casablanca, affichent une mine dépitée. L’endroit, réputé pour son marché informel et ses contrefaçons, a beau grouiller de monde, Mohamed est inquiet : « Au début de la crise sanitaire, nous avons écoulé les stocks qui nous restaient, confie-t-il devant son échoppe de matériel électronique. Puis nous avons augmenté les prix sur certaines marques qu’on ne trouve pas dans le circuit formel. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien à vendre. »
    Avec la fermeture des frontières marocaines, le 13 mars, à cause de la pandémie de Covid-19, le transport de marchandises non déclarées s’est brutalement arrêté. Comme seules les lignes commerçantes officielles ont pu continuer d’opérer, les produits de contrebande ont petit à petit disparu des étalages des commerçants. Une absence qui a révélé, en creux, l’ampleur considérable d’un trafic qui pèse 20 milliards de dirhams par an (environ 1,8 milliard d’euros), selon les douanes marocaines.
    Pendant des années, les marchandises de contrebande qui passaient par les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, ont inondé les marchés : agroalimentaire, textile, produits d’hygiène, matériel électronique, pièces automobiles… Des épiceries aux grandes surfaces en passant par les ateliers automobiles et les salons de beauté, on en trouvait partout.
    « Je faisais venir mes produits d’Europe et de Turquie via des transporteurs informels. Soyons honnêtes : la contrebande est au cœur du système. Le Covid-19 nous a montré à quel point tous les commerces en étaient dépendants », reconnaît la patronne d’un salon de coiffure à Casablanca, où une grande partie des produits en vente sont « en rupture de stock ». Si la plupart des entreprises agroalimentaires se sont tournées vers des producteurs locaux ou des sociétés d’importation officielles, beaucoup de commerçants ne parviennent pas à réformer leur modèle d’approvisionnement. « Je serai obligée d’augmenter le tarif de certaines prestations, explique la cheffe d’entreprise. Sans parler des produits qu’on ne trouve pas en dehors du marché noir. On ne sait pas si la situation est définitive ou non, on attend. »
    A Rabat, l’administration des douanes avait pourtant promis de mettre définitivement fin au trafic. En octobre 2019, le pays avait décidé pour la première fois de fermer Bab Sebta, un des deux points de passage frontalier qui séparent les enclaves espagnoles du Maroc. C’est là que s’opère le « commerce atypique », selon la terminologie officielle : Rabat ne reconnaissant pas la souveraineté de l’Espagne sur ces entités, il n’existe pas de douane commerciale entre les deux territoires et le sol marocain. Les marchandises venues d’Europe par voie maritime passent de l’Espagne au royaume chérifien sans contrôle, exemptées de taxes à payer, le plus souvent par l’intermédiaire de « femmes mulets » portant sur leur dos les marchandises, parfois au péril de leur vie. Ce trafic, juteux, est né il y a plusieurs décennies. « Une poignée de mafieux ont exploité le filon et organisé un réseau de transport de marchandises au noir », raconte le directeur général de l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII), Nabyl Lakhdar, à Rabat : « Au début, les produits étaient essentiellement vendus localement, dans les régions du nord. Petit à petit, les contrebandiers ont réussi à les faire descendre. Evidemment, le trafic a attiré dans la région beaucoup de gens qui cherchaient un travail pour survivre. »

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