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Fil d’actualités Covid19-Migration-santé (veronique.petit@ird.fr) relié à CEPED-MIGRINTER-IC MIGRATIONS.

  • A l’approche de la trêve hivernale, les expulsions de bidonvilles s’accélèrent
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/26/a-l-approche-de-la-treve-hivernale-les-expulsions-de-bidonvilles-s-acceleren

    Ce que l’on voit d’abord, c’est la boue. Une boue terne et visqueuse dans laquelle les pieds s’enfoncent et que des morceaux épars de carton ou de moquette épongent vainement, le long du chemin qui marque l’entrée du bidonville.Ici, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), dissimulées sur un terrain vague entre le vélodrome municipal et le bâtiment des Archives nationales de Pierrefite, environ quatre cents personnes, Roms de Roumanie, vivotaient depuis deux ans jusqu’à leur expulsion, jeudi 22 octobre. Quelque quatre-vingts baraquements avaient été construits avec des matériaux de récupération, souvent des lattes de palettes et des planches de bois aggloméré, clouées entre elles. Au fil du temps, une décharge à ciel ouvert s’était constituée en limite de terrain où, parfois contre rétribution financière, des artisans déversaient leurs gravats et autres encombrants.
    Quelques jours avant l’opération d’évacuation, menée par la préfecture, les familles faisaient part de leur inquiétude. « Où je vais aller avec mes enfants ? On va faire comment avec la pandémie et le froid ? Ici, j’ai ma caravane », expliquait Ana (le prénom a été modifié), une Roumaine de 36 ans, arrivée en France il y a dix ans. « Si on se retrouve à la rue, les gens vont croire qu’on propage le Covid », ajoutait son mari, en France depuis vingt ans.
    Le couple a cinq enfants, tous nés sur le territoire. Lorsque nous les rencontrons, à l’occasion d’une maraude sanitaire de Médecins du monde (MDM), ils font état de difficultés à scolariser les plus jeunes qui, entre les changements de lieu de vie au gré des expulsions et le confinement, n’ont pas mis un pied à l’école depuis près d’un an. Ana a eu beau se présenter aux services de la ville avec une lettre de MDM attestant qu’elle vit dans la commune, celle-ci aurait refusé de scolariser ses enfants, en violation manifeste de la loi. Dans une autre baraque, un peu plus loin, une dame fait état des mêmes difficultés.
    « Avec le démantèlement, les familles devront tout recommencer, la domiciliation, la scolarisation, le suivi médical… », regrette Adeline Grippon, « coordinatrice banlieues » pour MDM. Alertée de l’imminence d’une expulsion, la majorité des habitants du bidonville avaient déguerpi jeudi matin, partis vraisemblablement vers d’autres lieux de squat. « Il restait une trentaine de personnes à qui la préfecture a dit qu’elle enverrait des SMS s’il y a de la place au 115 », rapporte Manon Fillonneau, déléguée générale du Collectif national Droits de l’homme (CNDH) Romeurope. Depuis plusieurs semaines, les démantèlements de bidonvilles connaissent une accélération importante, alors que le confinement, puis la prolongation, jusqu’au 10 juillet, de la trêve hivernale leur avaient porté un coup d’arrêt. « Avant la prochaine trêve hivernale [qui entre en vigueur le 1er novembre], les mairies et les préfectures veulent faire le ménage », remarque Mme Grippon.
    D’après les données compilées par l’observatoire interassociatif des expulsions collectives des lieux de vie informels – et sans comptabiliser celles des campements de migrants du littoral du Pas-de-Calais et du Nord –, il y a eu vingt et une expulsions en juillet, dix-sept en août, onze en septembre et dix-neuf depuis le début du mois d’octobre. Pour cette dernière période, cela représente plus de 2 400 personnes délogées, des Moldaves, des Roumains, des Bulgares, des Albanais, des Soudanais, des Guinéens, des Ukrainiens, des Tchadiens… Une politique qui suscite d’autant plus la critique qu’elle intervient en pleine crise sanitaire. « Pendant le confinement, il y a eu des mesures spécifiques avec le prolongement de la trêve hivernale ou l’installation de points d’eau dans les bidonvilles, rappelle Mme Grippon. Là, on a l’impression qu’on est revenu aux pratiques d’avant le Covid, alors que le Covid est bien là. » « Dans le contexte sanitaire actuel, c’est totalement irresponsable de mener des expulsions sans solution d’hébergement stable », renchérit Mme Fillonneau.

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