De « faits divers » à fait de société, comment le viol est peu à peu devenu un sujet politique
▻https://theconversation.com/de-faits-divers-a-fait-de-societe-comment-le-viol-est-peu-a-peu-dev
« Glauques », « intimes », « aléatoires » : les récits de viol dérangent, importunent dans leur ensemble les journalistes chargé·e·s du suivi régulier des faits divers, majoritairement réticent·e·s à les couvrir exhaustivement. Les entretiens réalisés auprès d’une quarantaine de rédacteur·ices français·e·s dans le cadre de mes recherches doctorales mettent en évidence des résistances d’ordres divers. Jugées « journalistiquement risquées » par anticipation de la critique du défaut de preuve, ces narrations sont par ailleurs le plus souvent perçues comme « sensibles », potentiellement « impudiques » en ce qu’elles renvoient à l’intime.
L’analyse des Unes de quatre quotidiens nationaux (Le Figaro, Le Monde, Libération) et régionaux (Le Parisien) menée dans le cadre du projet « Cultures pénales continentales » l’illustre : sur l’ensemble des 1903 titres relevés au cours du dernier trimestre des années 2007, 2012 et 2017, moins de 2 % (32 titres) traitent des atteintes sexuelles corporelles, quand 16,6 % des titres portent plus largement sur des enjeux de sécurité et/ou de criminalité. Plus encore, Le Parisien produit à lui seul près des 2/5 des 305 articles relatifs à un dossier de #viol relevés en 2005, 2010, 2015 et 2017 dans ces quatre mêmes journaux. Autrement dit, les dossiers de viol figurent parmi les sujets criminels les moins fréquemment couverts par la presse imprimée généraliste.