• Des gaz lacrymogènes très toxiques utilisés contre les manifestants à Portland - Basta ! - par Emilie Rappeneau | 29 octobre 2020
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    À Portland, la police utilise depuis cet été des grenades lacrymogènes composées d’un produit chimique extrêmement dangereux. Une enquête est en cours, mais non content de mettre la vie des manifestants en danger, le Gouvernement américain refuse de coopérer avec la justice.

    « Un groupe entier de gens était en train de vomir dans leurs appareils respiratoires. À ce stade, j’ai eu l’impression que je devais l’enlever pour vomir. Quand je l’ai fait, j’ai eu un sentiment aveuglant, étouffant. Mon corps entier a commencé à trembler. » Ce témoignage d’Opal Hexen, infirmière exposée aux gaz lacrymogènes lors des manifestations Black Lives Matter à Portland, a été récolté par The Intercept. Le média en ligne a publié une série d’enquêtes, sur la toxicité des gaz utilisés par la police fédérale contre les manifestants à Portland cet été, un composé chimique issu de l’industrie militaire.

    Fin mai les citoyens de Portland dans l’Oregon commencent à manifester en réaction au meurtre de George Floyd, tué par un policier. Début juillet, la police locale est renforcée par des unités de la police fédérale dans le cadre de l’opération Diligent Valor, lancée par Donald Trump. Un rapport de l’association Physicians for Human Rights publié en octobre montre que les polices, locale et fédérale, ont fait un usage disproportionné et excessif de la force en recourant, entre autres, à des lanceurs de balles en caoutchouc et à des grenades lacrymogène à base de hexachloroéthane (HC). Ce composé chimique a longtemps été utilisé par l’industrie militaire pour créer du brouillard artificiel sur le champ de bataille. Il peut devenir hautement toxique. Et certaines de ces grenades fumigènes HC avaient expiré depuis 15 ans.

    Les effets du hexachloroéthane sur la santé se traduisent par des vomissements, des affections aux reins et au foie, la perte de mémoire, l’incapacité à manger, la confusion, ainsi qu’à plus long terme un risque augmenté de cancer et de perturbation du cycle menstruel. Ces grenades contiennent également du chlorure de zinc, un composé corrosif et irritant pour l’être humain et hautement toxique pour l’environnement.

    « La quantité de gaz lacrymogène qu’ils ont utilisé, surtout en juillet, était tellement extrême par rapport aux procédures normales que nous n’avons aucune idée de ce que ce niveau d’exposition fait aux gens », témoigne un infirmier, Nate Cohen, sur place le 26 Juillet. Lui a été touché par une grenade de gaz lacrymogène malgré l’affichage visible de sa qualité de secouriste, signalée par des croix rouge.

    Ces grenades HC, conçues dans les années 1930 pour dissimuler les actions des soldats sur les champs de bataille, sont reconnues par l’armée américaine comme dangereuses. « L’exposition de soldats non-protégés à des hautes concentrations de fumée HC même pendant quelques minutes cause des dommages corporels et des morts », observe un rapport du laboratoire de l’armée datant de 1994.

    Aujourd’hui, des agents du Département de la sécurité intérieure (DHS) sont toujours présents à Portland, et continuent à utiliser des munitions chimiques sur des citoyens, comme le 18 octobre, alors que des manifestants protestaient devant un centre ICE (immigration et douanes) pour attirer l’attention sur des hystérectomies – le retrait total ou partiel de l’utérus par une opération chirurgicale – effectuées sur des femmes migrantes non-consentantes...

    Ce 21 Octobre, le secrétaire du DHS, Chad Wolf, vient d’être poursuivi en justice par des organisations écologistes pour l’utilisation de ces armes chimiques contre des manifestants cet été. Les résidus chimiques utilisés près du tribunal fédéral et du centre de détention ICE ont contaminé les égouts, dont au moins deux donnent sur la rivière Willamette. Le DHS a refusé de fournir la liste exacte des munitions chimiques utilisées contres les manifestants et a refusé que des fonctionnaires des services environnementaux de la ville réalisent des prélèvements à proximité des barrières installées par la police pour tester la présence de produits chimiques dans l’eau.