• Vivre sans masque - Didier Lestrade (depuis une campagne normande)
    http://didierlestrade.blogspot.com/2020/11/vivre-sans-masque.html

    Visiblement, tout le monde a oublié que nous avons connu une autre épidémie ces dernières quarante années. Une grande partie du legs historique, médical, social du sida a été perdu alors que les mêmes phénomènes se répètent : peur de la contamination, prévention, dépistage, course aux traitements et aux vaccins, magouilles de Big Pharma. Tout ce qui a traumatisé les gays pendant plusieurs décennies traumatise désormais la population générale. Après tout, les politiques de distanciation sociales sont très proches du safe sex des années 80 et 90 : réduction des partenaires, port du masque (ou de la capote), crainte d’être porteur asymptomatique mais contaminant, disparition des lieux de drague et de nombreux bars ou clubs, auto-contrôle et souci de la santé des autres. Les rivalités générationnelles apparaissent sur les comportements à risque et je ne suis pas le seul à voir des points communs entre le bareback classique du début des années 2000 et cette envie de vivre la vie « comme si c’était le dernier jour », les fêtes illégales étant assez proches des fêtes bareback, le besoin d’être rebelle, ou nihiliste. Le déni est le plus grand allié des maladies en général. Le consumérisme avant la santé, le plaisir avant la protection, le moment présent avant l’incertitude du futur. 
    Vous vous plaignez parce que les librairies sont fermées pendant un mois. 
    Nous, on a vécu sans sperme pendant vingt ans, bordel. 
    Faites un effort, relisez vos classiques, je sais pas moi.
     
    Comme au début du sida, les malades du Covid sont morts seuls, à l’hôpital. Comme au début du sida, ils ont été enterrés à la va-vite. Le travail de deuil n’a pas été fait pour de nombreuses familles à travers le monde. Et beaucoup de rescapés du Covid souffrent de complications mystérieuses, comme au début du sida. On a passé sous silence les derniers jours des plus fragiles, particulièrement en France où le black-out médical a été total à l’hôpital (pas de photos, pas de témoignages, invisibilité complète de la maladie). Ce type de drame a des conséquences psychologiques dans les familles et la société que personne n’aborde aujourd’hui. Il faudra s’attendre à un effet rebond de ces lacunes, qui se sont multipliées tout au cours de l’été quand le Covid a été mis de côté pour le sacro-saint plaisir des vacances. Nous, les anciens du sida, aurions pu être sollicités pour témoigner, mais personne ne nous a demandé notre avis, seuls les experts et les médecins ont eu le droit d’apparaître à la télé ou dans les médias. (...)

    invisibilité des malades plutôt, des discours, des chiffres, la réa, les morts.

    #covid-19 #porteurs-sains