Analyse critique du soin psychiatrique - Paris-luttes.info
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Analyse critique du soin psychiatrique
Trash Psychiatrie
2020
Ces lignes n’ont rien d’exhaustives, ne révèlent rien d’exceptionnel, elles dessinent le paysage psychiatrique nauséabond d’une réalité courante, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, tant la santé mentale est devenue un marché juteux pour les laboratoires mais aussi pour certaines personnalités perverses qui exercent le contrôle de nombreux pôles de « soins ».
J’ai bossé onze piges dans une « taule à soin » (un #hôpital) avant de calter. J’en rapporte quelques éléments factuels bien cradingues. Excusez l’expression.
En psychiatrie, la formule si commode « pôle de soin » prend factuellement une signification quasi-paradoxale, elle affirme ce qu’elle nie. On prétend soigner, mais c’est l’emprisonnement qui prévaut (et son alter-ego : le bénéfice financier pour l’hosto). Le point d’orgue du pôle n’est pas médical, ne jamais l’oublier : c’est une entité d’abord gestionnaire aux ordres d’un directeur financier. Cette novlangue médico-sociale aura brouillé bien des pistes de compréhension.
L’hôpital général est regroupé par secteurs : diabétologie, oncologie, gériatrie, psychiatrie, etc… mais d’autres instances ont préféré nommer cela des « pôles ». Nul doute que des psycho-linguistes ont durement réfléchi sur l’architecture syntaxique du caractère neutre et innocent de ce signifiant (pour causer comme les chairs à divan). Pôle, c’est plus pratique à dire, plus usuel, l’odeur du fric ne suinte pas.
Une société vraiment civilisée, si ses dirigeants en avaient eu le désir, aurait su bâtir un système de soins gratuits (vraiment gratuit) pour ceux qui n’ont pas un flèche. Mais non ! Le conte bleu garde sa force propulsive quand il s’agit d’artiche.
Donc, pour mémoire, rappelons qu’avant les années 2000, chaque hosto recevait une enveloppe globale annuelle sans (trop) d’obligation de résultats. Puis en 2009 l’ère barbare survint (elle eut des antécédents dès 2004), la présidence du « gagner plus » sut imposer sa loi plus férocement encore. C’est là que le gentil Ministère de la Santé a tout balayé. Dorénavant pour toucher sa maille, pour payer ses salariés, l’hôpital doit faire du chiffre, de la quantité. Les toubibs de tous poils doivent désormais produire de plus en plus d’actes médicaux, du plus stupide pansement au plus tragique mal incurable ! Comme cette pauvre femme d’un hôpital parisien, patiente condamnée mais dont le chirurgien sut convaincre la famille que l’opération était nécessaire. Nécessaire pourquoi ? Souffrances inutiles. Les obsèques eurent lieu deux mois après l’opération. « Bravo la démarche qualité ».
Une collecte fut-elle versée pour couvrir les frais d’obsèques ? Macache. Une victoire se partage rarement en matière de biftons.
Vous aurez saisi que « pôle » désigne ce vaste continent des administratifs enrégimentés, médecins collabos en herbe, comptables conscients de leur mission d’exécutants (il y a des exceptions, comme partout. Je tape sur la règle pas sur l’exception). Et inutile de penser aux syndicats ou au CHSCT pour vous défendre si vous trimez à contre-courant (en vous scandalisant), inutile d’espérer vous sentir écouté. Non ! surtout pas.
Il y a l’entretien d’évaluation annuel (épistémologiquement nul et le plus souvent humiliant), l’entretien disciplinaire, l’isolement (l’opprobre), la mise à pied et la porte si vous ne suivez pas le rythme. Se jeter sur les rails s’effectue en dehors du périmètre de l’hôpital. Les services, les soignants, bien que maltraités (moins que les patients, il va sans dire) n’en restent pas moins les bons soldats de la bureaucratie. Services frileux, geignards à qui on accorde de temps en, temps une petite grève, mais grève minuscule, qui ne sert à rien, ne révolutionne rien, ne casse rien. Car rien ne bouge dans le monde des statues.