Faire la fête, un enjeu politique en temps de Covid-19
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A la free-party du Nouvel An à Lieuron (Ille-et-Vilaine), le 1er janvier 2021.
JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
La free-party de Lieuron au Nouvel An est devenue une affaire d’Etat. Si prompts à condamner et à sanctionner, les responsables politiques n’offrent aucune alternative ou perspective alors que les espaces festifs légaux sont fermés depuis presque un an.
« Un comportement totalement irresponsable », qui « fait honte à notre pays », des « voyous »… Le 1er janvier, plusieurs responsables politiques se sont indignés : une free-party rassemblant près de 2 500 personnes avait lieu dans un hangar à Lieuron (Ille-et-Vilaine), bravant le couvre-feu en pleine pandémie de Covid-19.
Filmée en direct par les caméras de télévision, la fête est devenue une affaire d’Etat. Réunions de crise au ministère de l’intérieur, renforts de gendarmerie, saisies de matériel, live-Tweet de Gérald Darmanin… Le gouvernement a voulu faire de ces contrevenants un exemple. La fête qui devait durer tout le week-end a finalement pris fin le samedi matin, après 1 645 verbalisations, dont 1 225 pour non-respect des gestes barrières.
Quatre personnes ont été mises en examen, notamment pour mise en danger de la vie d’autrui. Parmi eux, un homme de 22 ans, soupçonné d’être l’organisateur du rassemblement illicite mais sans antécédents judiciaires, est en détention provisoire depuis le 4 janvier. Une première pour ce genre d’affaires, selon son avocat. « Pour le droit à la culture » et contre la « répression disproportionnée », des adeptes des free-parties ont manifesté, samedi 16 janvier, à Paris et en province aux côtés des opposants à la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Manque d’alternatives
Au vu de la situation sanitaire, se retrouver à plusieurs milliers dans un hangar était bien sûr inconscient : le risque de contamination y était élevé, les masques rarement portés. Celles et ceux qui se sont privés de réveillon peuvent légitimement s’interroger et demander des comptes. Mais c’est aussi faute d’alternatives, insistent des organisateurs qui se sont depuis exprimés anonymement, que des gens sont venus de toute la France pour danser par – 2 °C le soir de la Saint-Sylvestre.
Ce ne sont pas uniquement des « punks à chiens », des « zadistes » ou des « délinquants », comme ont voulu faire croire certains responsables politiques : ce sont pour la plupart des jeunes et des moins jeunes, souvent socialement insérés, se retrouvant autour d’une même passion, une communauté.
Le milieu des free-parties s’est construit dans l’illégalité depuis les années 1990, parallèlement, et parfois en opposition, à la musique électronique grand public, devenue une industrie musicale majeure. On y rejette « la logique capitaliste » à coups de fêtes gratuites et autogérées, où les battements par minute sont bien plus rapides et abrupts qu’en boîtes de nuit.