• Deuxième vague en Allemagne

      [...] « C’est vers la fin septembre-début octobre que la deuxième vague, qui avait commencé à se former début août, s’est mise à croître de façon exponentielle (...). A partir de là, tout s’est emballé au point qu’il est devenu impossible de contrôler les chaînes de contamination, contrairement à ce qui avait été fait au printemps. »

      [...]

      Le 1er octobre, la chancelière affirme que le nombre de cas quotidiens pourrait atteindre 19 200 à la veille de Noël. « Fin juin-début juillet, il y avait 300 nouveaux cas par jour. Nous en sommes aujourd’hui à 2 400. Cela signifie que leur nombre a doublé trois fois en trois mois. De 300 on est passé à 600, puis à 1 200 et finalement à 2 400. Si on continue à ce rythme, cela veut dire qu’on passera à 19 200 contaminations par jour dans trois mois », assure-t-elle.

      Sur le moment, tout le monde admire l’aisance avec laquelle la docteure en physique qu’est Mme Merkel jongle avec les chiffres. Mais l’incrédulité domine, notamment parmi les chefs des Länder. « Nous ne devons pas inquiéter la population. (…) Nous avons les instruments qui nous permettent de faire face [à l’épidémie]. (...) Pas d’hystérie là-dessus, s’il vous plaît ! », a déclaré, par exemple, le ministre-président de la Saxe, Michael Kretschmer, le 14 octobre, dans un entretien au Spiegel.

      [...] Quelques heures après la sortie de M. Kretschmer, la chancelière réunit les seize ministres-présidents des Länder afin d’adapter les mesures de lutte contre l’épidémie, comme elle le fait une à deux fois par mois depuis le printemps. Or, ce 14 octobre, la discussion est plus tendue que jamais. Après huit heures de pourparlers, une seule mesure nouvelle est annoncée : la fermeture des bars et restaurants à partir de 23 heures.
      Pour Mme Merkel, cela ne va pas assez loin. « Ce qui a été décidé hier ne suffira pas », déclare le secrétaire général de la chancellerie, Helge Braun, le lendemain, sur la chaîne publique ARD. « Il nous faut des mesures plus fortes que celles sur lesquelles les chefs des Länder se sont mis d’accord », ajoute ce médecin de formation, d’ordinaire très discret dans les médias.

      Deux semaines plus tard, le 28 octobre, une nouvelle visioconférence est organisée avec les chefs des Länder. Ce jour-là, un accord est trouvé pour fermer les restaurants, les bars, les salles de concerts, les musées, les cinémas et les théâtres. Cette fois, Mme Merkel se montre satisfaite. « Grâce à ces mesures, nous devrions pouvoir retrouver une vie normale en décembre », déclare-t-elle à l’issue de la réunion.

      [...] En réalité, le virus continue de circuler, et même beaucoup plus vite que ne l’avait prévu Mme Merkel, puisque la barre des 20 000 cas quotidiens est dépassée dès la mi-novembre, soit plus d’un mois avant ce qu’elle avait imaginé. Ce n’est pourtant que le 13 décembre que de nouvelles restrictions seront adoptées, parmi lesquelles la fermeture des écoles et des commerces non essentiels. A peu de choses près, l’Allemagne se retrouve soumise aux mêmes règles qu’en mars-avril.

      Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Pour Elmar Wiesendhal, professeur émérite de science politique à l’université de la Bundeswehr, la clé de l’explication tient dans la « bataille de pouvoir » qui s’est nouée, au début de l’automne, entre Berlin et les Länder. « Face à Merkel, qui s’est mise dans le rôle d’une Cassandre alertant sur la gravité de la situation, les ministres-présidents des Länder ont tenu à défendre leurs prérogatives et à montrer qu’ils n’étaient pas à la botte de la chancelière. En particulier dans l’est du pays où, jusqu’à début novembre, le nombre de cas était beaucoup plus faible qu’ailleurs. » A cela s’est ajouté le contexte politique local, poursuit M. Wiesendahl. « Dans ces régions où l’AfD [extrême droite] est puissante et mobilisée contre ce qu’elle qualifie de “coronadictature”, les élus n’ont pas voulu brusquer les choses. »

      Rétrospectivement, cette stratégie s’est révélée catastrophique sur le plan sanitaire. En Saxe, par exemple, le taux d’incidence a été multiplié par huit entre fin octobre et fin décembre. Il est actuellement supérieur à 300, soit le double de la moyenne nationale, ce qui en fait aujourd’hui la région la plus touchée par l’épidémie après avoir été longtemps l’une des plus épargnées. « Le fait d’avoir pratiquement échappé à la première vague nous a fait croire que ce serait pareil avec la deuxième. Nous avons mis du temps à réaliser la gravité de la situation », confie Alexander Ahrens, maire social-démocrate de Bautzen, près de Dresde.

      [...] « Le virus a circulé de deux façons : par les frontaliers tchèques, qui sont nombreux à travailler chez nous, surtout dans la santé ; et par les habitants d’ici, qui vont souvent faire leurs courses de l’autre côté de la frontière car les prix sont plus bas. La combinaison a été explosive », explique M. Ahrens.

      « Rectifier le tir d’urgence »

      Samedi 9 janvier, le ministre-président de Saxe, Michael Kretschmer, a regretté de ne pas avoir imposé plus tôt des restrictions drastiques, « même si cela n’aurait pas été compris par la population ». Deux jours plus tôt, son homologue de Thuringe, Bodo Ramelow, avait été encore plus direct. « Je me suis laissé porter par des espoirs qui se sont révélés être de graves erreurs », a-t-il reconnu, avant de déclarer, à propos de Mme Merkel : « C’est elle qui avait raison, et moi qui avais tort. » Un aveu inattendu de la par d’un élu du parti de gauche Die Linke, d’habitude en désaccord sur presque tout avec la chancelière conservatrice…

      Désormais, la Saxe et la Thuringe sont en tête des Länder qui veulent prolonger voire durcir les restrictions. Mme Merkel, qui est sur cette ligne, pourrait d’ailleurs avancer d’une semaine sa prochaine réunion avec les chefs des Länder, initialement prévue le 25 janvier. Une piste à l’étude serait la réduction drastique des déplacements dans les transports en commun. Une autre serait la généralisation du télétravail, qui n’est pour l’instant que recommandé. « Maintenant que les rassemblements privés sont réduits au strict minimum et que les écoles, la plupart des magasins et les lieux qui accueillent du public sont fermés, les principaux endroits où les gens risquent encore de se contaminer sont les bureaux. Là-dessus, il y a une vraie marge de progression », explique Markus Scholz, de l’université de Leipzig.

      A ses yeux, néanmoins, renforcer les restrictions ne suffira pas. A côté de l’accélération de la campagne de vaccination – 842 000 personnes avaient reçu une première dose, jeudi, outre-Rhin –, le chercheur cite deux priorités. La première est le dépistage, alors que le nombre de tests PCR par semaine a chuté d’1,6 million à 800 000 entre mi-décembre et début janvier. « L’Allemagne, qui était en avance sur les tests au début de l’épidémie, prend maintenant du retard », s’inquiète-t-il. La seconde concerne l’identification du variant britannique grâce au séquençage des génomes viraux. « Sur ce point, l’Allemagne est totalement à la traîne par rapport notamment au Royaume-Uni, déplore M. Scholz. Il faut d’urgence rectifier le tir. Compte tenu de ce qu’on sait de la contagiosité de ce variant, ce doit être aujourd’hui un objectif absolu. »

      Après l’analyse Bundeswehr, le Spiegel.

      ALLEMAGNE : EN BAVIÈRE, LE MASQUE FFP2 DEVIENT OBLIGATOIRE DANS LES TRANSPORTS
      https://www.bfmtv.com/international/allemagne-en-baviere-le-masque-ffp2-devient-obligatoire-dans-les-transports_A

      Selon des informations du Der Spiegel, la chancelière allemande Angela Merkel réfléchirait de son côté également au port obligatoire du masque FFP2 dans certains lieux, pour tout le pays.