Complotisme en général et pandémie en particulier | Théorie communiste
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Le complotisme ne serait pas un système de réponses avec ses déterminations sociales propres mais une simple réaction justifiée négativement. Cela ne peut suffire, il faut saisir la nature de la « réaction » positivement comme un système de réponses adéquat à ce qui le provoque.
Le complotisme apparait alors comme une contestation de l’ordre dominant, presque comme une lutte de classe. Mais il n’en est rien. De même que l’antisémitisme était le socialisme des imbéciles, le complotisme est la lutte des classes des experts en expertises qui ne se situent pas n’importe où, ni dans la société, ni dans l’éventail politico-idéologique.
La « réponse complotiste » veut exactement le même monde, le même Etat, mais débarrassés de la « caste » : il se « figure le monde sans elle ». Il s’agit seulement de conserver tous les éléments de cette société en les soustrayant aux pratiques de ces individus « malveillants » et « manipulateurs » qui les pervertissent et les corrompent. Un vrai salariat, une vraie éducation, une vraie politique de santé, une vraie démocratie, une vraie information, une vraie agriculture, une vraie consommation, une vraie économie, un vrai Etat.
Le complotisme critique tout, en désirant que ce qui existe devienne « vrai ». Mais en concevant son objet comme « face obscure » et détournement démoniaque, cette critique fait de cet objet un simple accident de ce même monde. Elle affirme par là ne souhaiter que la poursuite du monde tel qu’il est. Le tout de ce qui existe pourrait être si beau s’il n’était pas manipulé, détourné. La classe dominante, sa reproduction, ses pratiques, la poursuite de ses intérêts, la production idéologique ne sont plus le produit naturel de tous les rapports sociaux que le complotiste veut conserver, mais le fait d’une bande de malfrats cherchant à nous prendre pour des imbéciles. Le complotiste est un malin et on ne la lui fait pas, il est expert en tout. Il est remarquable de constater (il y a eu quelques études là-dessus) que le complotisme affecte en premier lieu une classe moyenne diplômée, celle qui aime son « esprit critique », s’en vante et le porte partout en bandoulière. Pour ceux qui vivent quotidiennement toutes les humiliations et la misère des rapports sociaux capitalistes, les « complots » visant à asservir notre liberté à nous contrôler n’ont guère de sens. Il faut aimer ce monde pour ne pas vouloir qu’il nous mente.