• Thread by carolinedehaas on Thread Reader App – Thread Reader App
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    Alors voilà.
    Je ne suis pas favorable à l’imprescriptibilité des crimes sexuels.
    Je ne suis pas non plus favorable à un durcissement des peines.
    Je ne suis pas d’accord avec ces revendications (sur le fond) et je pense que c’est une mauvaise stratégie de les mettre en avant.

    J’exprime ici une opinion personnelle. Nous ne sommes pas toutes d’accord à @NousToutesOrg là-dessus.

    Avis à tous les fachos et trolls : vous êtes déjà bloqués, ne vous fatiguez pas.

    Ce débat politique et stratégique qui traverse les mouvements féministes ne change RIEN à nos très nombreux points d’accords.

    (Et au fait qu’on aimerait savoir comme faire pour que les hommes arrêtent de violer)

    L’objectif prioritaire des politiques publiques devrait être de faire cesser les violences sexuelles.

    Pour rappel, 6,7 millions de personnes ont subi l’inceste en France.
    94 000 viols sont commis chaque année par des hommes sur des femmes.

    Je suis convaincue que l’imprescriptibilité n’est pas une solution pour en finir avec les violences sexuelles.
    Que ce n’est pas en disant aux personnes qui violent qu’elles pourront être poursuivies plus longtemps qu’elles arrêteront de violer.
    Qui peut penser qu’un homme qui commet un viol ignore que c’est un crime très sévèrement puni ?
    Qu’en le rendant encore plus durement puni, on va convaincre des gens d’arrêter de violer ?
    Je pense aussi que la prescription est juste.

    Je pense qu’on ne doit pas pouvoir être poursuivi.e jusqu’à sa mort, même pour des crimes.

    (Je pense aussi qu’il faut abolir la prison - totalement - mais un débat à la fois)

    « Et les victimes alors ? »
    Il me semble que justice ne se construit pas pour les victimes ou à partir de leurs besoins, souhaits (Sinon, on finirait par rétablir la peine de mort je pense ?)

    La justice dit l’interdit pénal, la règle.

    50 ans après les faits, rappeler une règle (si tant est qu’on peut sanctionner des années après, vu la difficulté de rassembler les éléments matériels), est-ce que cela permet de rétablir l’ordre public et de faire reculer les violences, je ne suis pas sûre.
    Penser dans notre société la reconstruction des victimes par le biais de la sanction n’est pas satisfaisant.

    Quand les éléments matériels ne sont pas suffisants pour sanctionner.
    Quand l’auteur est mort.
    La société devrait accompagner les victimes au-delà de la décision pénale.
    Au-delà du fond, je pense que porter cette revendication est une erreur stratégique.
    Cela fait sortir du champ du débat les deux enjeux principaux de la lutte contre les violences : la prévention et les moyens qui lui sont dédiés. Ces deux éléments sont des angles morts absolus des politiques publiques menées aujourd’hui en matière de lutte contre les violences.
    Autre élément : cela place le débat de la lutte contre les violences sur le terrain des réactionnaires et conservateurs.
    Qui va s’engouffrer dans la brèche ? La droite et l’extrême-droite.
    « On s’en fiche, ce débat dépasse les clivages »

    Faux. La lutte contre les violences est clivante. Politiques publiques, politique pénale, rôle de l’école, moyens financiers mis sur la table : ces débats sont clivants.
    Enfin, un processus législatif pour voter cette mesure prendrait du temps. Nous n’avons pas le temps.
    Chaque jour, en France, des enfants sont victimes de violences sexuelles dans leur famille. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi.

    Nous avons surtout besoin de politiques de prévention et de moyens.
    Si nous voulons en finir avec les violences, nous avons des moyens beaucoup plus efficaces que durcir les politiques pénales.

    • Non, car il y a un angle mort dans sa réflexion  : le viol est un crime très sévèrement puni en théorie.

      En réalité, l’impunité est pratiquement totale et garantie. C’est même le seul crime où c’est à la victime de commencer par prouver son innocence. Parce que nous vivons encore et toujours dans une société patriarcale où — en permanence — les hommes sont socialement excusés par défaut (« il avait des besoins », « il n’a pas pu contrôler ses pulsions ») et les femmes toujours porteuses de tous les maux (« elle l’a bien cherché », « elle ne s’est pas défendue », « elle était habillé comme ci ou comme ça », « elle n’avait rien à foutre là »). Les gosses, je n’en parle même pas  : par défaut, on ne croit pas ce qu’ils racontent, ce qui est tout de même vachement pratique.

      Il y a une analyse de @tradfem sur les hommes violents qui décrit très bien que les hommes violents sont tout sauf des gens impulsifs ou qui ne savent pas se contrôler.

      Les hommes violent, parce que dans notre société, c’est open bar et qu’ils savent pertinemment qu’ils risquent moins à violer une femme (ou un gosse) qu’à voler un bout de pizza.

      Les hommes violent parce qu’ils le peuvent.

    • Comme elle le dit, c’est une stratégie politique, et ce dans une société qui se moque éperdument des victimes de viols.
      Certes la justice n’est pas là pour plaire aux victimes mais pour assurer l’ordre (patriarcal ?). En Australie la justice est rendue au nom de la société qui se substitue à la victime d’un viol, celle-ci ne subit pas d’interrogatoires abusifs ni (il me semble) n’a à être présente au procès.

      En faveur de l’imprescriptibilité des viols :
      – les victimes perdent la mémoire plusieurs dizaines d’années les empêchant d’agir
      – les violeurs continuent à sévir en toute impunité sans être signalés en tant que tels
      – si on ne peut parfois pas apporter de preuves il reste au moins la possibilité de dire publiquement ce qui est essentiel
      – c’est bien la société qui devrait se substituer à la victime

      Et je trouve les stratégies anti extrême droite assez casse-gueule, comme si c’était le seul diapason.