• Sciences-Po Bordeaux : « J’ai été violée et l’administration a répondu par de la violence supplémentaire » – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/sciences-po-bordeaux-jai-ete-violee-et-ladministration-a-repondu-par-de-l

    « Libération » a pu s’entretenir avec une dizaine d’étudiantes de l’institut d’études politiques victimes d’agressions sexuelles ou de viols, le plus souvent lors de séjours académiques à l’étranger. Dans certains cas, ils auraient été perpétrés par leurs camarades. Toutes questionnent la prise en charge par l’institution.

    Elle n’oubliera jamais la couleur bleue du mur. Le sentiment de « tétanie ». « L’humiliation. » Puis « l’anéantissement ». Ce mois de septembre 2016, Brune (1) le garde gravé au fer rouge dans sa mémoire. La jeune étudiante de Sciences-Po Bordeaux explique avoir été violée à plusieurs reprises par un étudiant d’un autre institut d’études politiques (IEP) français, durant son année de mobilité dans un pays européen, lorsqu’elle était à peine majeure. Quatre années plus tard, le 23 janvier, Brune a choisi de briser le silence sur un groupe Facebook privé des étudiants de l’institut bordelais, galvanisée par la publication d’un autre témoignage. Libérée d’un poids, elle pointe en revanche la responsabilité de l’établissement dans l’aggravation de son mal-être : « J’ai été violée et l’administration a répondu par de la violence supplémentaire. […] Je me suis sentie abandonnée et niée dans ma chair et dans ma souffrance. »

    #sciencesporcs sur touiteur accompagne de nombreux témoignages dans divers #IEP. La complicité de directions d’instituts ("pas de vagues") y est régulièrement invoquée.
    #paywall #viol #culture_du_viol

    • Sciences-Po SCIENCES-PO BORDEAUX « J’ai été violée et l’administration a répondu par de la violence supplémentaire » « Libération » a pu s’entretenir avec une dizaine d’étudiantes de l’institut d’études politiques victimes d’#agressions_sexuelles ou de #viols, le plus souvent lors de séjours académiques à l’étranger. Toutes questionnent la prise en charge par l’institution.

      Elle n’oubliera jamais la couleur bleue du mur. Le sentiment de « #tétanie ». « L’#humiliation. » Puis « l’#anéantissement ». Ce mois de septembre 2016, Brune (1) le garde gravé au fer rouge dans sa mémoire. La jeune étudiante de #Sciences-Po #Bordeaux explique avoir été violée à plusieurs reprises par un étudiant d’un autre institut d’études politiques (IEP) français, durant son année de mobilité dans un pays européen, lorsqu’elle était à peine majeure.

      Quatre années plus tard, le 23 janvier, Brune a choisi de briser le silence sur un groupe Facebook privé des étudiants de l’institut bordelais, galvanisée par la publication d’un autre témoignage. Libérée d’un poids, elle pointe en revanche la de l’établissement dans l’aggravation de son mal-être : « J’ai été violée et l’administration a répondu par de la #violence supplémentaire. [ ] Je me suis sentie abandonnée et niée dans ma chair et dans ma souffrance. » Créé il y a deux semaines, ce groupe Facebook privé dédié à des étudiants de l’école accueille désormais près de 200 #témoignages de victimes de #violences_sexuelles, avec cette phrase en étendard : « La honte change de camp. » Y sont relatés des viols, des agressions sexuelles, des affaires d’inceste, de revenge porn, de zones grises ou encore de stealthing (le retrait du préservatif sans l’accord du ou de la partenaire) Seize étudiants mis en cause étaient scolarisés dans un IEP français au moment des faits, et certains le sont toujours. Seule une petite minorité de victimes a porté plainte. Au-delà des faits rapportés, c’est un système défaillant qui est mis au jour. Comment accueillir la parole des #victimes ? Comment détecter leurs souffrances ? Ou, plus simplement : comment leur venir en aide ? Libération a pu s’entretenir avec une dizaine de jeunes femmes, actuellement étudiantes ou récemment diplômées de l’institut bordelais, pour tenter de comprendre les dysfonctionnements dans la prévention et la prise en charge des violences sexuelles. Toutes, anonymement, réclament a minima davantage d’« empathie », d’« écoute », d’« aménagements scolaires », et dénoncent un climat « peu propice à la prise de parole ».

      « NE PAS "SALIR" L’IMAGE DE SCIENCES-PO » « Nous sommes stupéfaits par l’ampleur du phénomène. Encore plus face à cette nouvelle vague de témoignages », a réagi la direction de l’établissement auprès de Libération. Mardi, après une rencontre avec l’association féministe de l’institut, #Sexprimons-nous, très mobilisée sur le sujet, le directeur, Yves Déloye, a tenu à saluer « le courage de toutes celles et tous ceux qui ont choisi de témoigner de ces actes odieux ». Il a condamné fermement ces faits et leurs auteurs. Plusieurs dispositifs ont été déployés ces dernières années (cellule de veille, affichages, discours ), a-t-il rappelé, tout en ajoutant qu’il fallait « en poursuivre le développement, en ajouter de nouveaux et les adapter pour saisir tous les cas avérés ». « Il faut une prise de conscience à la hauteur des drames », a-t-il martelé.

      Les témoignages sont glaçants. Il y a celui d’Anouk, qui a fait une énorme crise de panique pendant un cours après son agression sexuelle lors d’un échange académique à l’étranger. Elle a tenté de s’ouvrir à une professeure qui, raconte-t-elle, n’a pas su quoi lui dire et a même eu un mouvement de recul en le mot « traumatisme ». L’étudiante est restée dans son mutisme. Il y a aussi Marie, violée à plusieurs reprises par un proche durant son année de mobilité à Sciences-Po, qui s’est sentie « démunie » à l’autre bout du monde, sans savoir vers qui se tourner - « j’aurais aimé que l’école nous arme mieux avant de nous envoyer si jeunes et si vulnérables ». Alice, agressée sexuellement, a préféré garder le silence : « Avec le recul, je sais que je n’ai pas parlé car on nous avait martelé en cours, lors des discours de rentrée, dans les couloirs, qu’il ne fallait surtout pas "salir" l’image de la maison Sciences-Po. » Chloé, violée par un camarade pendant une soirée, n’a pas parlé ni porté plainte, notamment par peur de « créer un esclandre ». Ou de se « voir coller une étiquette de victime qui [la] définirait pour le reste de sa scolarité ». Depuis la parution, le 7 janvier, du livre de Camille Kouchner la Familia grande, dans lequel elle accuse son beau-père Olivier Duhamel -qui était entre autres président de la Fondation nationale des sciences politiques- de viols répétés sur son frère jumeau, alors adolescent, une onde de choc secoue Sciences-Po Paris. Les étudiants appellent à une « réforme des structures de gouvernance » ainsi qu’à la démission de leur directeur, Frédéric Mion, alerté il y a quelques années.

      POLÉMIQUE VIRILISTE Sur le groupe Facebook privé des étudiants de Sciences-Po Bordeaux, ce sont désormais des dizaines de victimes de violences sexuelles qui ont, elles aussi, décidé de prendre la parole. Toutes racontent la déflagration entraînée parle viol, l’impact sur leur #santé_mentale, leurs études. Beaucoup remettent en cause la mauvaise gestion de l’administration de l’école et l’absence totale de prévention. Une libération de la parole d’autant plus salutaire que l’IEP a souffert, il y a quelques années, d’une vive polémique aux relents virilistes. En février 2013, dix étudiants passaient en conseil de discipline pour avoir créé une page Facebook sexiste et homophobe intitulée « Osez le masculinisme », utilisant le nom et le logo de l’école. Défendu par l’ex-avocat Pierre Hurmic - désormais maire écologiste de la ville -, Sciences-Po Bordeaux déposait également une plainte en diffamation contre X visant le Collectif féministe bordelais contre les violences sexistes dans l’enseignement supérieur, mobilisé contre cette page.

      Sarah, l’une des femmes ayant témoigné sur le groupe Facebook, pointe du doigt les « #micro-violences » de l’administration. Agée de 23 ans, la jeune femme, diplômée de l’IEP l’an dernier, nous raconte avoir été violée pendant l’été 2017 par « un jeune homme croisé en soirée qu’[elle] ne connaissait pas ». Elle n’a pas porté plainte. A cette époque, elle part pour la seconde fois étudier à Madrid lors d’un échange. Alors qu’elle tarde à faire une démarche administrative (sans rapport avec l’affaire),

      Sciences-Po Bordeaux lui demande des explications. Encore très affectée, elle leur fait part, dans un mail envoyé le 1er octobre 2018, de sa « grande anxiété » et raconte être très « éprouvée sur le plan psychologique », sans toutefois mentionner ce viol. L’étudiante explique aussi avoir des difficultés à trouver un suivi sur place. Côté administration, la réponse est laconique : on se dit « désolé » et on lui indique avoir prévenu sa professeure référente. « Elle pensait certainement bien faire, mais elle ne m’a pas demandé mon autorisation pour en parler à une tierce personne », regrette aujourd’hui Sarah.

      Personne ne reviendra vers elle par la suite. Du moins jusqu’à ce jour d’avril 2019, lors d’un entretien de sélection en vue d’une année d’étude à l’université colombienne de Bogotá : « C’est une ville difficile, et je ne pense pas que tu sois prête, tu es trop fragile psychologiquement », aurait estimé sa professeure référente. Des propos douloureux qui blessent l’étudiante : « Elle n’est pas médecin, ce n’était pas à elle de juger de ça. » Ce manque d’attention, Victoria l’a aussi vécu durant sa scolarité. Eté 2016, l’étudiante alors âgée de 19 ans est en deuxième année en échange à l’étranger. « Un étudiant m’a violée pendant une soirée », confie-t-elle. A l’époque, elle n’en parle à personne, ni à la police ni à son école - « je n’avais pas la force, pas l’argent ». Aujourd’hui, elle témoigne pour communiquer sa « rage » et sa « colère » contre un système « déficient qui perpétue les agressions ». Deux ans plus tard, un événement l’a particulièrement heurtée, ravivant ses souvenirs alors qu’elle étudiait dans un autre pays. Elle a appris que deux élèves avaient déposé plainte après avoir été droguées à leur insu et violées par un étudiant étranger. « Sa garde à vue levée, il est revenu à l’université. J’étais très angoissée, je restais prostrée dans ma chambre », se souvient-elle. Le 24 septembre 2018, elle en informe par mail le service des relations internationales de Sciences-Po Bordeaux et l’enjoint de contacter l’université de l’agresseur pour « prendre des mesures et garantir la sécurité des étudiants ». Une nouvelle fois, la réponse est succincte : l’administration de Sciences-Po Bordeaux informera la faculté concernée « le moment venu ». A aucun moment, ils ne reviendront vers elle à ce sujet.

      De plus en plus conscient du #sexisme et des violences sexuelles qui gangrènent la société, et n’épargnent pas l’institut de Bordeaux, l’établissement crée en décembre 2018 une cellule de veille et d’écoute. Depuis sa création, celle-ci a été saisie une vingtaine de fois. Deux cas ont abouti au licenciement d’un agent pour #harcèlement_sexuel et à une procédure judiciaire contre un étudiant. Mais des failles ont perduré.

      En janvier 2019, après plus de deux années de « terreurs » entrecoupées de « flashs », de phases de « dépression » et de « troubles alimentaires » liées à son viol par un camarade, Brune a elle aussi cherché de l’aide auprès de Sciences-Po Bordeaux, encore « trop fragile psychologiquement » pour porter plainte au commissariat. L’étudiante veut « connaître ses droits » et savoir s’il est possible d’« avertir » l’IEP où celui qu’elle accuse d’être son agresseur est scolarisé. Elle obtient un premier rendez-vous avec la chargée de mission égalité femmes-hommes de son école.

      Puis un deuxième. Dans un échange de mails du 6 mars 2019 que Libération a pu consulter, Brune explique s’être sentie « peu considérée et soutenue ». Surtout, l’étudiante regrette que son interlocutrice ait « insisté » pour qu’elle porte plainte et qu’elle ait « pointé du doigt [ses] émotions pour remettre en cause [sa] lucidité et la pertinence de [sa] démarche ».

      « MA DOULEUR ÉTAIT PIÉTINÉE » Dans un nouveau mail, la chargée de mission s’excuse de l’avoir blessée « sans le vouloir ». Elle nie en revanche avoir « questionné la légitimité de sa demande », puis précise : « Oui, je me suis permis de partager avec vous ce que je ferais personnellement. [ ] Je pense que cela ne doit sans doute pas être à moi de vous recevoir par rapport à votre situation douloureuse mais à un·e professionnel·le, formé·e dans ces questions. » Son conseil : contacter la nouvelle cellule de veille et d’écoute.

      Malgré cette mauvaise expérience, qui la « fragilise davantage », Brune s’exécute.

      Elle contacte une première fois la cellule le 7 mars. Un échange qu’elle juge a posteriori « traumatisant ». « On m’a demandé de tout raconter en détail, de donner un nom. On m’a expliqué que la cellule était dans l’obligation légale de prévenir le procureur, qu’une enquête allait peut-être être ouverte, que je serais peut-être amenée à témoigner, que ça ne serait plus de leur ressort. Tout est allé trop vite, j’ai paniqué. En sortant, j’avais l’impression que ma volonté, mon courage et ma douleur étaient piétinés. » Sur ce point, la direction s’appuie sur l’article 40 du code de procédure pénale, qui oblige « les autorités à saisir la #justice en cas de crime ou délit quand elles ont pu en avoir connaissance ». Le dossier de Brune a-t-il créé un précédent ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, l’administration concède à Libération « être plus souple » et faire « du cas par cas » avec les élèves.

      Dans un mail du 17 mars, Brune demande un nouveau rendez-vous avec la cellule car elle a d’autres interrogations. Le lendemain, pour insister sur le caractère urgent de sa demande, elle précise dans un mail avoir été prise de « crises de tétanie ». Un message qui restera sans réponse. Il faudra attendre plus d’un mois, le 29 avril, pour qu’on lui propose une rencontre. Sur ce délai, la direction reconnaît « une malheureuse erreur » - la cellule n’aurait pas vu le mail à temps. A bout de force, Brune finira par abandonner Sciences-Po quelques jours plus tard. Le 5 mai, l’administration « accuse réception de sa décision » dans un courrier et lui souhaite « bonne continuation ».

      « [La direction] pensait certainement bien faire, mais elle ne m’a pas demandé mon autorisation pour en parler à une tierce personne. » Sarah

    • Sexprimons-Nous
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      Sexprimons-Nous est l’association féministe mixte à vocation intersectionnelle en faveur de l’égalité des genres et des sexualités à Sciences Po Bordeaux et sur le campus de Pessac. Fondée en 2015 à Sciences Po Bordeaux, Sexprimons-Nous veille à promouvoir les valeurs de l’égalité et du respect entre les genres et les sexualités sur le campus. Notre démarche est mixte, pro-choix et à vocation intersectionnelle. Nous organisons divers événements dans l’année : rencontres, conférences, projections, lectures, échanges entre membres, organisation de la journée du 8 mars, et autres.

      Mais nous sommes aussi actif·ve·s sur Facebook et Instagram, où nous partageons des avis, des articles et de la documentation sur les luttes contre les inégalités. Nous soutenons au quotidien les étudiant·e·s afin de lutter à notre échelle contre le sexisme sous toutes ses formes dans la bienveillance et le respect des personnes. Pour nous rejoindre ou pour plus d’infos, n’hésitez pas à nous contacter et nous suivre !

      https://www.sciencespobordeaux.fr/fr/vie-etudiante/vie-associative/les-associations-de-sciences-po-bordeaux/sexprimons-nous.html

    • Bien vu par Willem, ce qui touche de plein fouet Sciences Po, et qui est au cœur du récit de Camille Kouchner, c’est la destruction de la respectabilité bourgeoise, confrontée à la révélation de ses violences cachées…

      Mon propos n’est en rien celui d’une spécificité de classe des violences sexuelles. Mais ce dont bénéficie la bourgeoisie, à l’inverse des classes pop., c’est d’une protection institutionnelle a priori, qui la met à l’abri des mises en cause. D’où l’intérêt du dévoilement actuel .

      https://twitter.com/gunthert/status/1359759773076516864