marielle đŸąđŸš©

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • « En France, les sciences humaines et sociales ne sont pas au service du politique »
    â–șhttps://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/23/en-france-les-sciences-humaines-et-sociales-ne-sont-pas-au-service-du-politi

    Les deux historiens Alain Blum et Juliette Cadiot rappellent, dans une tribune au « Monde », que nombre de leurs collĂšgues en Pologne, Hongrie ou en Russie sont victimes de #contrĂŽles_politiques et voient leurs recherches entravĂ©es par la #censure. Une mainmise du pouvoir sur la #recherche afin de contrĂŽler le rĂ©cit national.

    Tribune . Le 9 fĂ©vrier, deux universitaires polonais de rĂ©putation internationale, travaillant de longue date sur la Shoah, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s pour diffamation par un tribunal de Varsovie. Ils auraient, en dĂ©crivant l’action d’un maire de village Ă  l’égard des juifs durant la guerre, portĂ© atteinte Ă  son honneur. Cela ne fait que concrĂ©tiser des dĂ©cisions prises par les autoritĂ©s polonaises incitant Ă  condamner au civil toute personne attribuant les crimes de la Shoah aux Polonais et non aux Allemands, et donc interdisant, de fait, tout travail mettant en Ă©vidence la contribution de Polonais Ă  l’extermination des juifs. Ce serait diffamer la nation polonaise.

    Il est vrai que les autoritĂ©s polonaises ne sont pas les premiĂšres en Europe Ă  s’attaquer ainsi au milieu universitaire en s’immisçant dans le dĂ©bat scientifique. Les autoritĂ©s hongroises le font rĂ©guliĂšrement, sans parler de ce qu’on voit en Turquie.

    Interdire la « propagande anti-russe »

    La Russie, depuis plusieurs annĂ©es, a mis en place des lois restrictives encadrant les recherches historiques. Une commission destinĂ©e Ă  « contrer les tentatives de falsifier l’histoire au dĂ©triment des intĂ©rĂȘts de la Russie » avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2009. Elle a fait long feu, mais l’intervention politique contre le milieu universitaire ne s’est pas arrĂȘtĂ©e lĂ . Il est par exemple interdit de mettre en cause l’honneur de la Russie durant la seconde guerre mondiale. Cela fait peser une menace sur les chercheurs qui Ă©tudient les violences de l’armĂ©e rouge ou les stratĂ©gies du haut commandement militaire soviĂ©tique. Dans ce mĂȘme pays, un addendum Ă  la loi sur l’éducation est actuellement en discussion qui vise Ă  interdire la diffusion « d’informations illĂ©gales » et de « propagande anti-russe » dans les Ă©coles et les universitĂ©s.

    « Les #libertĂ©s_acadĂ©miques constituent une protection contre les tentatives d’instrumentalisation des #universitĂ©s pour d’autres raisons que la science »

    Un nouveau pays se serait-il dĂ©sormais joint Ă  ce concert, la France ? Nous qui Ă©tudions l’histoire de l’est de l’Europe, voyons rĂ©guliĂšrement nos collĂšgues de certains de ces pays en proie au contrĂŽle politique et Ă  la censure de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. Nous sommes choquĂ©s par le parallĂ©lisme de procĂ©dĂ©s visant Ă  remettre en cause les libertĂ©s acadĂ©miques et ce qui fait le fondement des sciences sociales, une approche critique du monde dans lequel nous vivons. Les propos de la ministre de l’enseignement supĂ©rieur, et l’annonce d’une procĂ©dure d’enquĂȘte visant Ă  la fois les opinions politiques des chercheurs et leurs catĂ©gories d’analyse, rappellent cette volontĂ© de contrĂŽler le rĂ©cit national, que l’on croyait propre Ă  des gouvernements autoritaires...

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    • libertĂ©s acadĂ©miques, suite et fin

      Le slogan de « l’islamo gauchisme » de FrĂ©dĂ©rique Vidal, parfois dĂ©signĂ© sous le terme « d’anti-rĂ©publicanisme », et les propos de Jean-Michel Blanquer auparavant, ne rappellent-ils pas celui de « l’antipatriotisme » russe ou de « l’antinationalisme » polonais, au nom desquels des recherches et des chercheurs de grande qualitĂ© sont fustigĂ©s et censurĂ©s ?

      Est-il nĂ©cessaire de rappeler, ici, en France, que les sciences humaines et sociales ne sont pas au service du politique et de sa conception de ce que devrait penser la nation ? Nous ne pouvons que saluer la rĂ©action du monde acadĂ©mique, que ce soient les chercheurs, les universitaires ou les institutions, notamment la ConfĂ©rence des prĂ©sidents d’universitĂ©s (CPU), l’Alliance thĂ©matique nationale des sciences humaines et sociales (AthĂ©na), et nous l’espĂ©rons le CNRS, qui rĂ©sistent Ă  une demande alimentant des conflits politiques et s’opposent aux injonctions de la ministre. En Russie, en Pologne, en Hongrie, cette rĂ©sistance est prĂ©sente, bien plus courageuse tant les risques sont forts. Ces expĂ©riences nous rappellent combien l’autonomie des universitĂ©s est fragile.

      Un lieu de savoir qui doit ĂȘtre respectĂ©

      Le principe des libertĂ©s acadĂ©miques est ancien et a Ă©tĂ© affirmĂ© par l’Organisation des Nations unies dans une convention en 1948. Or, il est remis en cause dans des pays que nous qualifions d’autoritaires. Mais il est aussi attaquĂ© quand, sous la pression d’activistes intellectuels qui se prĂ©sentent comme « conservateurs » et qui se plaignent d’ĂȘtre mal reprĂ©sentĂ©s et mal traitĂ©s dans le monde acadĂ©mique, les reprĂ©sentants de la puissance publique dĂ©cident de s’immiscer dans les dĂ©bats scientifiques. Dans le cas de la Pologne, la ligue contre la diffamation de la nation polonaise s’est portĂ©e partie civile contre les historiens susmentionnĂ©s, et ses arguments sont relayĂ©s au sommet de l’Etat.

      L’universitĂ© est un lieu de savoir scientifique qui doit ĂȘtre respectĂ©. Les libertĂ©s acadĂ©miques constituent une protection contre l’intervention de l’Etat, mais aussi contre les tentatives d’instrumentalisation des universitĂ©s pour d’autres raisons que la science. L’universitĂ© doivent rester un lieu de dĂ©bats ouverts et contradictoires, Ă  l’écart d’une instrumentalisation politique, c’est un principe fondateur de nos dĂ©mocraties.

      Alain Blum est historien, directeur de recherches Ă  l’INED et au Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-europĂ©en (Cercec)/EHESS ; Juliette Cadiot est historienne, directrice d’études au Cercec/EHESS.

      #université #recherche #police_de_la_pensée

    • Merci beaucoup @colporteur ; je pensais justement vous demander si vous pouviez libĂ©rer l’article.
      ping @cdb_77

      Y-a-’il des approches qui chagrinent certains chercheurs ? Qu’ils fassent leur travail et en produisent une critique selon les normes scientifiques. Mais en aucun cas en recourant Ă  l’anathĂšme, Ă  la polĂ©mique, ou pire : en rĂ©clamant un #contrĂŽle_politique !

      ▻https://twitter.com/gunthert/status/1364163758529142784