« En France, les sciences humaines et sociales ne sont pas au service du politique »
âșhttps://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/23/en-france-les-sciences-humaines-et-sociales-ne-sont-pas-au-service-du-politi
Les deux historiens Alain Blum et Juliette Cadiot rappellent, dans une tribune au « Monde », que nombre de leurs collĂšgues en Pologne, Hongrie ou en Russie sont victimes de #contrĂŽles_politiques et voient leurs recherches entravĂ©es par la #censure. Une mainmise du pouvoir sur la #recherche afin de contrĂŽler le rĂ©cit national.
Tribune . Le 9 fĂ©vrier, deux universitaires polonais de rĂ©putation internationale, travaillant de longue date sur la Shoah, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s pour diffamation par un tribunal de Varsovie. Ils auraient, en dĂ©crivant lâaction dâun maire de village Ă lâĂ©gard des juifs durant la guerre, portĂ© atteinte Ă son honneur. Cela ne fait que concrĂ©tiser des dĂ©cisions prises par les autoritĂ©s polonaises incitant Ă condamner au civil toute personne attribuant les crimes de la Shoah aux Polonais et non aux Allemands, et donc interdisant, de fait, tout travail mettant en Ă©vidence la contribution de Polonais Ă lâextermination des juifs. Ce serait diffamer la nation polonaise.
Il est vrai que les autoritĂ©s polonaises ne sont pas les premiĂšres en Europe Ă sâattaquer ainsi au milieu universitaire en sâimmisçant dans le dĂ©bat scientifique. Les autoritĂ©s hongroises le font rĂ©guliĂšrement, sans parler de ce quâon voit en Turquie.
Interdire la « propagande anti-russe »
La Russie, depuis plusieurs annĂ©es, a mis en place des lois restrictives encadrant les recherches historiques. Une commission destinĂ©e Ă « contrer les tentatives de falsifier lâhistoire au dĂ©triment des intĂ©rĂȘts de la Russie » avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2009. Elle a fait long feu, mais lâintervention politique contre le milieu universitaire ne sâest pas arrĂȘtĂ©e lĂ . Il est par exemple interdit de mettre en cause lâhonneur de la Russie durant la seconde guerre mondiale. Cela fait peser une menace sur les chercheurs qui Ă©tudient les violences de lâarmĂ©e rouge ou les stratĂ©gies du haut commandement militaire soviĂ©tique. Dans ce mĂȘme pays, un addendum Ă la loi sur lâĂ©ducation est actuellement en discussion qui vise Ă interdire la diffusion « dâinformations illĂ©gales » et de « propagande anti-russe » dans les Ă©coles et les universitĂ©s.
« Les #libertĂ©s_acadĂ©miques constituent une protection contre les tentatives dâinstrumentalisation des #universitĂ©s pour dâautres raisons que la science »
Un nouveau pays se serait-il dĂ©sormais joint Ă ce concert, la France ? Nous qui Ă©tudions lâhistoire de lâest de lâEurope, voyons rĂ©guliĂšrement nos collĂšgues de certains de ces pays en proie au contrĂŽle politique et Ă la censure de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. Nous sommes choquĂ©s par le parallĂ©lisme de procĂ©dĂ©s visant Ă remettre en cause les libertĂ©s acadĂ©miques et ce qui fait le fondement des sciences sociales, une approche critique du monde dans lequel nous vivons. Les propos de la ministre de lâenseignement supĂ©rieur, et lâannonce dâune procĂ©dure dâenquĂȘte visant Ă la fois les opinions politiques des chercheurs et leurs catĂ©gories dâanalyse, rappellent cette volontĂ© de contrĂŽler le rĂ©cit national, que lâon croyait propre Ă des gouvernements autoritaires...
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