• À l’heure des débats sur la liberté académique, plusieurs souhaitent mettre pleins feux sur les écoles. Pour ce faire, le rôle des #profs devient une question incontournable.

    Hugo Dorgere, enseignant dans une commune de Lyon, nous partage son expérience et ses réflexions sur l’institution scolaire, mais surtout sur les profs.

    ’’Dans sa classe, l’enseignant·e est un·e souverain·e miniature et doit agir comme tel, tous ses actes, du plus léger au plus lourd de sens pour les élèves, s’inscrivent dans une gouvernance des corps. Ma pratique personnelle est à ce niveau, d’une banalité symptomatique de ce rapport de domination.’’

    https://lespetitssoirs.fr/2020/11/16/lecole-les-profs-et-la-contre-insurrection-reflexions-sur-un-parcours

    #profs #école #discipline #banlieues

    • Prenons le lycée Robert Doisneau, où je travaille actuellement, qui se trouve en plein cœur de Vaulx-en-Velin, une ville située dans la banlieue de Lyon. Voilà j’y viens enfin, après tout ce cheminement. Posons le décor. La première chose qui frappe avec Vaulx-en-Velin, c’est son splendide isolement du reste de Lyon. Il est d’abord géographique, la commune est entourée par des cours d’eau, au nord, le vieux Rhône, le canal de Miribel et plus au sud, le canal de Jonage, construit pour empêcher les crues et surtout pour alimenter la centrale électrique de Cusset. Il est ensuite économique. Quand on arrive à la station de métro Laurent Bonnevay-Astroballe pour prendre le bus en direction du lycée, on voit bien que les êtres qui transitent ici ne sont pas les mêmes qui peuplent le prospère centre-ville de Lyon, non, ils appartiennent massivement aux classes populaires et sont pour la grande majorité, des descendants d’immigrés de familles musulmanes. Dans ce bus, on croise des profs qui vont au travail, des étudiants en architecture, quelques habitants de Vaulx-Village, le bourg historique et de Carré de Soie, l’enclave entrepreneuriale qui a décollé sous la férule de la maire socialiste. Deux villes se côtoient sur ce territoire où le taux de pauvreté est de 35%, une plus populaire, que l’on retrouve parquée dans les fameuses cités, ces blocs rectangulaires et sinistres d’où sont issus les émeutiers de 1990 et une autre un peu plus aisée, qui veut se servir du lycée Robert Doisneau, où je travaille depuis à peu près deux ans, comme d’un tremplin vers la réussite sociale. Il est loin d’être anodin, ce lycée construit en 1995, juste en face du commissariat, c’est une réponse institutionnelle aux émeutes de 1990, les pouvoirs publics ont pris acte de la terreur bourgeoise causée par le surgissement de ces groupes organisés, capable de faire reculer la police, de la déborder et dans une stratégie que l’on pourrait qualifier de contre-insurrectionnelle, se donnent un alibi en offrant une issue apparente à la relégation économique entretenue par ces mêmes pouvoirs. On peut même aller jusqu’à dire que le lycée sert à diviser la population contre elle-même, l’immense majorité qui ne réussira pas aura à subir le discours culpabilisant des quelques élus qui seront parvenu à triompher de Parcoursup. On croyait éduquer les banlieusards, on les habitue à être évalués par un bureaucrate. Ce lycée est l’inverse de ce qu’il prétend être et vise simplement à rendre Vaulx-en-Velin gouvernable avec le concours des encadrants spécialisés dans l’éducation. A-t-on véritablement envie de préserver cet existant-là ? Ne peut-on pas justement inventer d’autres modes d’existences basés sur des rapports horizontaux ? Sur un nous et non pas un nous et eux ? Mais de quelle porte de sortie disposons-nous pour se tirer de cet enfer ? Et que faire, nous autres encadrants qui ne voulons plus encadrer ?

      #école #lycée #profs

    • A la sortie du lycée, on connaît plus ou moins bien les nombres relatifs, l’histoire de France et les verbes irréguliers mais on ne sait pas administrer des premiers secours, se défendre ou créer son potager, des savoirs qui pourtant paraissent indispensables à la vie. L’école éduque à l’impuissance au sein d’un système économique, qui lui accumule une puissance démesurée. On se repose sur des corporations, professeurs, policiers, médecins pour accomplir des choses que l’on pourrait faire nous-même.