• En ce 8 mars, que l’universalisme se décline au féminin !
    8 mars 2021 Par Paul B. Preciado
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/080321/en-ce-8-mars-que-l-universalisme-se-decline-au-feminin

    Célébrons la Journée des droits des femmes en brisant la logique binaire et hiérarchique qui fait des femmes des sujets politiques subalternes. Luttons pour la réversibilité des genres et pour l’abolition des inscriptions administratives de la différence sexuelle et de genre.

    Si vous êtes un homme cisgenre, si on vous a assigné le genre masculin à la naissance et que vous croyez encore en votre masculinité comme si c’était quelque chose de naturel, célébrez la Journée des droits des femmes en renonçant à vos privilèges cis et binaires et sortez habillé en femme.

    Procurez-vous une jupe et des talons. Si vous êtes plutôt du genre streetwear, portez votre pantalon jogging et vos baskets habituelles et concentrez-vous sur les détails : mascara noir, rouge à lèvres et vernis à ongles. Donnez-vous du temps, appréciez le processus de transformation, recherchez la beauté et la délicatesse qui autrement vous sont interdites.

    Ne faites pas comme les autres hommes lorsqu’ils se déguisent en femme pour les enterrements de vie de garçon et les bizutages à l’université. Ne cherchez pas à ridiculiser, à agresser ou à exorciser. Que s’habiller en femme ne soit pas une tradition patriarcale dégradante, mais un rite d’émancipation exaltant. Incarnez avec amour et respect ce code historique que vous avez appris à la fois à désirer sexuellement et à mépriser politiquement. Honorez la féminité.

    Abjurez votre privilège masculin binaire et sortez dans la rue, avec joie et curiosité, habillé en femme. Soyez, à un carrefour, une travailleuse du sexe à côté de la travailleuse du sexe, soyez l’infirmière qui normalement s’occuperait de vous et occupez-vous d’autres femmes, soyez une caissière de supermarché à côté d’une autre caissière de supermarché, soyez une adolescente parmi des adolescentes à la sortie de l’école, soyez une vieille femme parmi des vieilles femmes.

    Aimez les femmes, non pas comme des objets sexuels, mais comme des sujets politiques. Faites de la position féminine une position socialement et politiquement désirable.

    Célébrons la Journée des droits des femmes en mettant fin à l’interdiction de choisir, pour une personne à qui on a assigné le genre masculin à la naissance, la position sociale de femme et l’esthétique féminine dans le cadre de conventions et de rituels historiques binaires. La Journée des droits des femmes est aussi le jour du travesti.

    Que toutes les institutions de la nation honorent les femmes invisibles qui assurent les processus culturels de production et de reproduction. Que le président de la République, un homme cis, binaire et hétérosexuel, fasse le discours de la Journée des droits des femmes habillé en femme et qu’il le fasse avec le même respect avec lequel il pourrait s’habiller en militaire pour honorer les soldats « tués pour la patrie ».

    Laissez le ministre de la justice, un homme cis, binaire et hétérosexuel, entrer dans la prison des femmes habillé en femme. Laissez DSK donner une conférence au FMI habillé comme une femme de ménage, non pas pour la ridiculiser, mais pour l’honorer. Laissez Polanski lui-même jouer dans son prochain film habillé comme une adolescente en jupe d’école, chaussettes courtes et petites chaussures en cuir verni. Mais qu’il le fasse non pas pour se moquer d’elle ou pour être ridiculisé à son tour, mais pour apprendre à aimer ce qu’il a détruit.

    Laissez le boucher, l’avocat, le pompier, le banquier, le médecin, le chauffeur de taxi, le chauffeur de bus, le pharmacien, le policier, le médecin, l’électricien, le facteur, l’enseignant, le psychanalyste, le présentateur du journal télévisé, le DJ, l’écrivain, le directeur de théâtre, les membres de l’Académie française… sortir dans la rue habillés en femme.

    Que tous les petits machos qui gardent les entrées des bâtiments pour bien vérifier que leurs sœurs et leurs cousines sortent dans la rue « décemment habillées » s’habillent eux-mêmes avec les vêtements de femmes qui à la fois les attirent et les effraient.

    Que les rues de toutes les villes soient remplies de femmes et seulement de femmes pour que, pendant un jour, l’égalité entre les corps règne. Que l’universalisme se décline au féminin.

    Un véritable féminisme commence par la reconnaissance de la féminité comme une position sociale et politique souhaitable et accessible pour un corps auquel on a assigné le genre masculin.

    La transphobie d’État, la transphobie institutionnelle et la transphobie féministe essentialiste sont des formes de féminicide cognitif : des pratiques qui perpétuent la haine des femmes en refusant à une personne à laquelle on a assigné le genre masculin à la naissance la possibilité de se situer, politique et sexuellement, dans une position sociale féminine. La Journée des droits des femmes est aussi la journée de la femme trans.

    Tant que tous les enfants auxquels on a attribué le genre masculin à la naissance par des diagnostics normatifs et binaires ne pourront pas s’habiller en rose s’ils le souhaitent dès l’école maternelle et se donner des noms féminins s’ils le souhaitent sans être agresse·é·s, pathologise·é·s ou criminalise·é·s, il n’y aura pas de liberté de genre et sexuelle. La Journée des droits des femmes est aussi la journée de la petite fille trans.

    Détruisons le binarisme normatif et hiérarchique d’abord par la reconnaissance de la liberté d’incarner tout code social de genre indépendamment du genre qui nous est attribué à la naissance et, ensuite, immédiatement après, par le rejet des processus administratifs d’attribution de genre qui commencent à la naissance et se perpétuent tout au long de la vie jusqu’à leur inscription sur l’acte de décès.

    Que tous les garçons du monde puissent être des filles. Que tous les hommes puissent être des femmes. Que toutes les femmes puissent être ce qu’elles auront envie d’être.

    Bonne journée trans du 8 mars. Et bonne journée de la fin du binarisme du genre normatif.

    Je voie ici une grande invisibilisation des femmes. Le 8 mars est la journée de lutte pour les droits des femmes et pas la fête du déguisement pour les hommes sous la houlette du groupe LVMH. Il y a tellement de paradoxes et d’incohérence dans ce texte.
    Le fait qu’un homme (Paul B.Préciado se revendique etre un homme) prenne la parole au nom des femmes.
    Le fait qu’il s’adresse aux hommes cis en leur demandant de se déguisé, car ces hommes sont cis, et même si il se défend de l’effet carnavale il est impossible de ne pas le prendre comme tel. C’est d’ailleur insultant pour les trans puisque leur transgenrisme est réduit à un déguisement que pourrait adopté des hommes cis pour des manifestations et je trouve que son idée de Polansky travesti en gamine est inopérante. C’est comme si elle demandait aux blanc·hes de se peindre la face en noir en hommage aux victimes de la negrophobie. Comme si les racistes n’utilisaient pas largement cet argument de l’hommage pour enfoncer des stéréotypes racistes. Ceci met plutot à jour que le travestissement est une appropriation et une humiliation pour les dominées, comme si les hommes qui se disent se sentir être des femmes avaient la moindre idée de ce qu’est se sentir etre une femme.

    Le fait de renommé la journée de lutte pour les droits des femmes, la journée trans et du non binarisme, est une incroyable invisibilisation et une négation des femmes et de leurs besoins. Qu’est ce que ca apporte aux femmes que DSK se fétichise en cliché de femme de ménage et comment serait il possible de différencié une « véritable hommage aux travailleuses » d’une exhibition de fétichisme sexuelle ou d’une caricature injurieuse de Naffisatou Diallo ?

    Le fait de croire qu’un petit garçon qui aime le rose est une petite fille trans et appartiens de fait au groupe des femmes, comme si les femmes avaient le gout du rose, comme si c’etait le fait de porté du rose qui faisait la féminité.

    Le fait de réduire la lutte pour les droits des femmes à une cause cosmétique alors qu’on fait de la pub pour le groupe LVMH. D’ailleurs les droits ici défendus sont ceux des hommes à porter des jupes et du maquillage, comme si les hommes n’avaient pas le droit de faire cela et comme si le capitalisme dont fait partie le groupe LVMH ne produisait pas déjà des mannequins hommes en jupe, maquillées.

    Le fait de réclamer la totale indifférenciation selon les sexes pause aussi une infinité de problèmes aux femmes. Abolition de toute statistique, toute politique spécifique, impossibilité de soins médicaux appropriés...
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    Les femmes sont discriminées en raison de leur sexe, pas de leur genre. Les hommes dans le patriarcat cherchent à s’approprier la puissance reproductive des femmes, c’est à dire leur capacité à enfanter. Le genre est une technique d’oppression mais il n’est pas la raison de cette oppression. L’oppression des femmes trouve son origine dans la biologie, dans leur uterus, potentiellement porteur de progéniture. Contrairement à l’oppression raciste qui elle ne repose sur aucune réelle différence biologique car si il n’y a qu’une seule espèce humaine, l’humanité est par contre bien une espèce sexuée. Le genre est la forme que prend l’expression de la différence de valence des sexes. Lorsque les jupes, talons et maquillages étaient des attributs masculins ils étaient jugés virils et n’avaient rien de féminin en soi. Les hommes jugés pas assez viriles, subissent les effets de la misogynie, du fait que ce qui est associé aux femelles humaine est de faible valeur. Il ne s’agit pas de nié ces souffrances, mais elles ne sont pas centrales dans le féminisme qui est la lutte pour la cause des femmes et pas la lutte pour la cause des individus féminisés, même si parfois ces causes peuvent se joindre et s’entendre. Il ne s’agit pas de nié les discriminations subit par les trans. Les femmes trans, les hommes homosexuels, et les hommes mal classé sur l’échelle de la virilité subissent eux aussi la misogynie, mais pas parcequ’ils sont des femmes, parcequ’ils ressemblent à ce que le patriarcat attribut aux femmes. Pour le patriarcat, les hommes trans, les lesbiennes et les femmes mal classées sur l’échelle de la féminité restent des femmes et subissent aussi la misogynie, par exemple par la négation de leur sexualité, des viols punitifs et leur invisibilisation.

    Le vocabulaire « assigné » est aussi une récupération et une invisibilisation des luttes des intersexes qui ne sont pas des trans et n’ont pas les mêmes problématiques qui se rapprochent aussi des questions liées au validisme.

    Ce que propose P.B.P ici est une révolution cosmétique sans profondeur et totalement individualiste. Ce n’est ni émancipatreur pour les femmes, ni pour les homosexuels, ni pour les intersexes qui sont invisibilisées et instrumentalisées quand ielles ne sont pas enjoint à se conformé à des stéréotypes sexistes qui se trouvent renforcés.

    Preciado ne croit d’ailleurs par réellement à son discours car si il est vraiment un homme comme le revendique les trans, alors il aurai pu avoir la décence de ne pas mansplanner le 8 mars.