11 mars.
1 an de covid.
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Il y a un an tout pile, je mâapprĂȘtais Ă fĂȘter mon anniversaire 2 jours plus tard. Pour la premiĂšre fois, jâavais dĂ©cidĂ© dâorganiser une petite fĂȘte dans un bar parisien. Depuis quelques jours je me sentais un peu patraque, comme si je couvais quelque âŹïž
chose, jâavais la gorge un peu prise. Et puis le 11 mars, jâai eu de la fiĂšvre. Jâai annulĂ© ma fĂȘte dâanniversaire et je me suis confinĂ©e. Le 13, le jour de mes 33 ans, je commençais dĂ©jĂ Ă sentir que la toux mâĂ©tais descendue dans les poumons. Le 16, jâavais une pneumonie
Je toussais du sang, jâavais un peu de mal Ă respirer mais surtout, je me sentais bizarre. Plus de goĂ»t, plus dâodorat, des espĂšces de convulsions.
DĂ©but avril, jâai eu quelques jours de mieux. Je me souviens que jâai plantĂ© des radis de 18 jours en me disant que le jour
oĂč je les mangerais, tout ça ne serait quâun mauvais souvenir. Et puis, ça mâest tombĂ© dessus dâun coup. JâĂ©tais en train de parler et je me suis rendu compte que jâĂ©tais essoufflĂ©e, que mon cĆur battait vite, que jâavais mal partout. Il y a eu cette phase de fatigue si intense
que je ne pouvais pas lever ma fourchette, pas me doucher, pas monter les escaliers. Je me rĂ©veillais la nuit en pleurant de douleur, jâavais lâimpression dâĂȘtre passĂ©e sous un bus, que quelquâun Ă©tait en train de mâarracher les clavicules, je nâarrivais plus Ă respirer, un
Ă©lĂ©phant Ă©tait assis sur mon thorax et mon cĆur battait si fort et si vite que mon t-shirt se soulevait. Jâai appelĂ© le 15, jâai fini Ă lâhĂŽpital avec une anomalie du rythme cardiaque. Pas de sĂ©rologie, pas de masque Ă lâhĂŽpital, pas de traitement. Quand ils ont dĂ©cidĂ© de me
garder ce soir-lĂ , je me demandais si jâallais mourir : si je ferais partie de celleux quâon enfermait dans des sacs hermĂ©tiques, qui ne revoyaient plus jamais, mĂȘme morts, quelque chose de la lumiĂšre. Ca a Ă©tĂ© une des nombreuses fois depuis un an oĂč jâai cru que jâallais mourir.
Mon conjoint qui ne pouvait pas mâaccompagner dans lâhĂŽpital a dormi dans la voiture dans le parking. Ce soir lĂ , jâĂ©tais sur Twitter, jâai commencĂ© Ă alerter sur cette maladie, ce #covid qui Ă©tait bien diffĂ©rent que ce quâon nous prĂ©sentait. Le lendemain en sortant, jâai lancĂ©
une bouteille Ă la mer en crĂ©ant le #ApresJ20 parce que je sentais au plus profond de moi que je nâĂ©tais pas seule. On Ă©tait le 12 avril, en 24h jâai reçu 200 messages. Pendant un mois et demi, jâai rĂ©pondu quasiment jour et nuit Ă tous les messages, jâai fait des tableaux de
symptĂŽmes, des chronologies, jâai fait circuler en DM toutes les infos, fait des conjectures. On sâest serrĂ© les coudes les un.e.s avec les autres. Pdt ce mois et demi, jusquâĂ juin, jâai Ă©tĂ© hospitalisĂ©e une autre fois mais surtout jâai Ă©tĂ© Ă©normĂ©ment maltraitĂ©e. Jâai rencontrĂ©
des dizaines de mĂ©decins et quasiment aucun ne mâa crue. Jâai essayĂ© tous les positionnements (rationnel, Ă©motif, argumentĂ©, obĂ©issant, documentĂ©, faussement naĂŻf), tous les abords (parler de mon autisme, parler de mon mĂ©tier de soignante, ne rien dire, cacher des parties de mon
historique mĂ©dical comme le PTSD ou au contraire ĂȘtre totalement transparente) A CHAQUE FOIS le rĂ©sultat a Ă©tĂ© le mĂȘme. Jâai vu des mĂ©decins qui mâont traitĂ©e dâhystĂ©rique affabulatrice, des mĂ©decins qui mâont examinĂ©e sans mĂ©nagement comme si mon corps Ă©tait de la viande, des
mĂ©decins qui mâont fait monter 5 Ă©tages Ă pieds avec des troubles cardiaques, des mĂ©decins qui se sont foutus de moi, dâautres qui ont juste refusĂ© de rĂ©pondre ou dâessayer de me soigner (comme ma gĂ©nĂ©raliste) et surtout des mĂ©decins qui mâont expliquĂ© sans vergogne mon propre
mĂ©tier en mettant mes symptĂŽmes sur le psychologique. Jâai Ă©tĂ© dĂ©goutĂ©e, je les ai haĂŻs, je me suis sentie dĂ©pendante, fragile, soumise, jâai dĂ©testĂ© chaque minute de ces rendez-vous. Pendant ce temps lĂ , la communautĂ© #ApresJ20 grandissait et Ă force de maltraitance, nous
trouvions nos perles rares, des mĂ©decins qui acceptaient de nous entendre, dâĂȘtre humbles et ouvert.e.s, de chercher avec nous.
En juin, jâai commencĂ© Ă avoir des maux de tĂȘte terribles, puis des crises de confusions et jâai dĂ» passer la main Ă lâĂ©quipe qui a transformĂ© #ApresJ20
en lâassociation de malades @apresj20. Jâai admirĂ© leur travail, aidĂ© du peu que je pouvais, en me sentant heureuse de ce quâiels faisaient et exclue, dĂ©possĂ©dĂ©e, en mĂȘme tps parce que mon corps ne suivait plus. Je suis profession libĂ©rale alors je nâai pas pu arrĂȘter de
travailler parce que je ne pouvais pas me le permettre financiĂšrement. Et aussi parce que mon travail est une des choses qui me tient le plus Ă cĆur au monde. Je crois que si jâavais dĂ» abandonner mes patient.e.s, je nâaurais pas pu mâen relever. Je ne supportais plus les Ă©crans
je faisais des malaises, je me sentais droguée, mon électroencéphalogramme était anormal.
Les mois ont passĂ©, jâai essayĂ© des traitements, fait dâautres examens.
1 an aprĂšs quel est le bilan ?
Jâai une myocardite persistante, on ne sait pas si je garderai de la fibrose cardiaque
Je dĂ©sature toujours Ă lâeffort
Mon tronc cĂ©rĂ©bral ne rĂ©gule plus mon rythme cardiaque (je tachycarde dĂšs que je suis debout, on appelle ça le POTS), ni ma tension (trĂšs basse depuis le covid), ni ma tempĂ©rature. Jâai des problĂšmes de circulations, des problĂšmes hormonaux. Jâai
des difficultĂ©s de concentration, je cherche mes mots, jâai du brouillard cĂ©rĂ©bral permanent. Je ne peux plus faire dâeffort physique Ă cause de mon cĆur, je ne peux plus produire intellectuellement Ă cause de mon cerveau. Je suis en suspens. Je mets toute mon Ă©nergie Ă tenir, Ă
donner une illusion de normalitĂ© Ă mon quotidien mais en fait jâattends. Jâattends parce que je sais que je ne peux pas accepter la vie comme ça, alors je continue dâespĂ©rer un mieux. Dans 2 jours, je vais avoir 34 ans, je suis totalement confinĂ©e depuis un an. Je ne fumais pas,
ne buvais pas, étais sportive, en bonne santé, sans comorbidité, faisais attention à mon alimentation.
Nous avons besoin de recherche, nous avons besoin dâĂȘtre aidĂ©.e.s, nous avons besoin dâĂȘtre reconnu.e.s en maladie professionnelle (car aujourdâhui mĂȘme si jâai Ă©tĂ© contaminĂ©e
Ă mon cabinet, nâayant pas eu de rĂ©a ni dâoxygĂšne dans la phase aiguĂ«, je nâai aucune reconnaissance) câest la seule chose qui me permettrait un soulagement financier. Nous avons besoin que les gens ouvrent les yeux, le #covid ce nâest pas que la rĂ©a des personnes ĂągĂ©es. Le
#covidlong peut toucher jusquâĂ 30% des contaminĂ©.e.s y compris les asymptomatiques. Aujourdâhui, alors que je fĂȘte mes 1 an de covid, jâai envoyĂ© les infos de notre asso Ă lâune de mes patientes chĂ©ries, elle aussi touchĂ©e par le covid long.
Faites attention Ă vous et dâĂ©normes
pensĂ©es Ă tous les #ApresJ20 que je garde proche dans mon cĆur et, par extension, Ă tous celleux qui souffrent de maladie quâelle soit psychique ou physique.