• « #Lolita » : chef-d’œuvre ou « livre immonde » ?
    https://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20141121.OBS5824/lolita-chef-d-uvre-ou-livre-immonde.html

    « Lolita » occupe une place unique dans l’histoire de la littérature du XXe siècle. Comme d’ailleurs dans celle de son auteur. Car si ce douzième livre (le troisième écrit en anglais) lui apporte enfin sécurité matérielle et gloire universelle, c’est celui qui lui a coûté le plus d’efforts (cinq ans de travail acharné), le plus de découragement (sa femme a dû sauver le manuscrit de l’incinérateur), le plus de tracas éditoriaux.

    C’est aussi le seul de ses romans dont le manuscrit reste introuvable et qu’il ait entrepris de traduire lui-même en russe en 1967 : signes flagrants d’un désir de dissimuler sa genèse comme du statut-charnière occupé par cette œuvre dans son extraordinaire mue linguistique.

    • eh bah, on va dire 2014 hein...

      Preuve que ce grand roman d’amour scandaleux - qui est aussi une satire sociale, un polar atypique, une métaphore de la confrontation entre la vieille Europe et la jeune Amérique, une réflexion sur la puissance du destin et beaucoup d’autres choses encore - demeure à ce jour l’un des meilleurs test-baromètre des capacités de lecture d’un individu.

    • Le « thème » ? Aveuglant, il s’agit bien sûr de la liaison d’un homme mûr avec sa belle-fille aussi impubère qu’impudique et le cortège de turpitudes qu’accompagne cette passion pédophile doublée d’inceste.

    • Or s’il suscite à maintes reprises la révolte du lecteur, ce diable de narrateur tour à tour odieux, tendre, sentimental, cynique, amoureux, calculateur, « candide comme seul un pervers peut l’être », réussit la prouesse d’emporter son adhésion par son « traitement » littéraire à mille lieues de la pornographie courante (« une copulation de poncifs », dira Nabokov) et sans prononcer le moindre mot cru.

      De l’envoûter par les mille diaprures, nuances et détails d’un génie poétique subtil et lyrique, capable de « gazer » les scènes sexuelles les plus explicites.

      Gazer ?

    • Aussi, « Lolita » doit être lue de bout en bout comme une féérie éminemment ludique, une production de délectation esthétique. Humbert Humbert n’est-il pas un « vampire de conte de fées » ? Le rayon fillettes du magasin où il fait des emplettes pour Lolita « un lieu féérique » ? Cette dernière « une proie enchantée » ? Leur intimité « le pays de merveilles » ? Leur voyage « un périple enchanté » ? Et « Les Chasseurs enchantés » le nom de l’auberge où se déroule la première scène majeure du livre mais aussi celui de la pièce dans laquelle joue Lolita, écrite par ce Clare Quilty qu’Humbert Humbert tuera ?

      #ravissement