Sans smartphone, pas de liberté ? | Terrestres
âșhttps://www.terrestres.org/2021/02/06/sans-smartphone-pas-de-liberte
e projet de loi sĂ©curitĂ© globale a provoquĂ© une levĂ©e de bouclier Ă gauche et dans les syndicats (dont ceux de journalistes, mais largement au-delĂ ). Au cĆur de cette contestation figure le fameux (feu) article 24 et la tentative mal dissimulĂ©e du gouvernement de dĂ©courager les tĂ©moignages sur les violences policiĂšres par des arguties peu convaincantes. Cette mobilisation sâest ainsi trĂšs rapidement concentrĂ©e autour de lâ Ă©ventuelle interdiction qui nous serait faite de diffuser des vidĂ©os dâagissements de la police, notamment lors des manifestations. Il serait trop fastidieux de faire un inventaire exhaustif des textes, banderoles, prises de paroles, bombages et slogans plaçant au centre de la mobilisation contre cette loi, la libertĂ© de filmer et son corollaire, celui dâalimenter internet, ses rĂ©seaux dits sociaux, ses infrastructures, et bien sĂ»r ceux qui sâen nourrissent : multinationales et⊠police. ConsidĂ©rĂ©e comme un supplĂ©ment dâĂąme Ă ne cultiver quâune fois les questions prioritaires rĂ©glĂ©es, la critique des technologies reste hĂ©las de lâordre de la coquetterie pour une gauche, trĂšs majoritairement productiviste1, qui a dâautres chats Ă fouetter actuellement. Logiquement, les analyses et rĂ©ponses Ă ce projet de loi, pour nombre dâentre elles, en sont lâ illustration et si « le monde est flou », les slogans sont parfois explicites.
Le site dâinformation Lundi Matin, par exemple, se rĂ©jouit du succĂšs de bombages rĂ©alisĂ©s Ă Bordeaux le 24 novembre. Sur les murs de lâĂcole Nationale de la Magistrature, lâun dâeux proclame sans trembler : « Pas de vidĂ©os, Pas de justice ». Un autre : « Sous les pavĂ©s, la carte SD », assez rĂ©vĂ©lateur de lâimaginaire technophile de certains hĂ©ritiers de 68. Les animateurs du site (habituellement attentifs Ă la question des flux dans leur critique du capitalisme), sans doute galvanisĂ©s Ă leur tour par la puissance du rĂ©cit et des slogans associant justice, rĂ©volte et vidĂ©o, nâont pas jugĂ© utile de souligner un Ă©ventuel lien entre flux informatiques et destruction du monde. Dommage. Lâauteur de lâarticle, finalement pris dâun doute, estime cependant quâil est un peu tĂŽt pour affirmer que ce genre de manifestation inaugure « le dĂ©but dâune sĂ©rie de protestations Ă la hauteur des enjeux. »2 Câest peu de le dire.