François Isabel

Ni dieu, ni maître, nirvana

  • L’extraordinaire histoire de la plus ancienne carte en relief d’Europe découverte dans le Finistère - Geo.fr
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    Mise au jour en 1900, cette dalle est tombée dans l’oubli pendant un siècle avant de faire l’objet d’une étude permettant de déterminer qu’il s’agit de la plus ancienne représentation cartographique d’un territoire connue en Europe.

    Le terme redécouverte serait plus exact pour parler de cette carte en relief. Elle est mise au jour en 1900 par le préhistorien Paul du Chatellier après des fouilles effectuées au niveau du tumulus dit de Saint-Bélec à Leuhan, une petite ville de Bretagne dans le Finistère. Ce tertre funéraire de 40 mètres sur 2 mètres de haut remonterait à l’âge du bronze ancien, entre 1900 et 1650 ac. J.-C.
    Une dalle entreposée et oubliée pendant près d’un siècle

    A l’intérieur de ce tumulus, l’historien découvre un coffre funéraire en pierre dont l’une des dalle en schiste de couleur gris-bleu est gravée et orientée vers l’intérieur, formant l’une des parois de la tombe.

    L’énorme bloc de 2,20 mètres de long sur 1,53 mètres de large et 16 centimètres d’épaisseur est tracté et déposé au château de Kernuz à Pont-L’Abbé, dans la maison et musée privé de Paul du Chatellier. C’est ensuite au tour du Château-Musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye, en région parisienne, de faire l’acquisition de la pierre en 1924. Entreposée et oubliée dans une niche des douves du château, elle est finalement retrouvée dans l’une des caves en 2014.

    « A partir de 2017, les chercheurs entreprennent une couverture photogrammétrique et des campagnes de relevés 3D haute résolution afin d’enregistrer la topographie de la surface de la dalle et pour analyser la morphologie, la technologie et la chronologie relative des gravures », détaille un communiqué de l’Inrap, l’université de Bournemouth, le CNRS et l’université de Bretagne Occidentale.
    Une représentation cartographique

    L’analyse poussée a permis aux chercheurs de déterminer que « la présence de motifs répétés joints par des lignes donne à cette composition l’allure d’un tracé cartographique ». En effet, la dalle de Saint-Bélec, découverte il y a près d’un siècle porte bien les trois éléments d’une représentation cartographique préhistorique :

    une composition homogène avec des gravures identiques en technique et en style,
    une répétition de motifs,
    une relation spatiale entre ces motifs.

    Vue de détail de plusieurs cupules circulaires et ovalaires de la dalle de Saint-Bélec. Certaines se trouvent au centre de formes géométriques, d’autres non, certaines encore se distinguent par leur profondeur (jusqu’à 5 cm). Par analogie avec la forme de structures archéologiques de l’âge du Bronze et des symboles utilisés pour des cartes mentales ethnographiques, ces cupules peuvent représenter plusieurs choses : des tumulus, des maisons, des puits, des sources, des confluences, D. Gliksman

    Un travail de comparaison a également été mené auprès de représentations similaires tirées de la Préhistoire européenne et de l’ethnographie, afin de confirmer l’hypothèse des chercheurs.
    Une représentation de la Vallée de l’Odet et d’une communauté de l’âge du Bronze

    Des analyses statistiques de formes et de réseaux ont été réalisé permettant de déterminer que cette carte réalisée mentalement pourrait être une représentation de la Vallée de l’Odet et du réseau hydrographique. Un motif central trapézoïdal aux bords convexes, « profondément gravé et sur lequel se greffent deux axes, l’un horizontal qui traverse la dalle de bout en bout et l’autre vertical, plus difficilement perceptible du fait de cassures », serait quant à lui la preuve qu’une communauté de l’âge du Bronze aurait existé aux confins de trois sources : l’Odet, l’Isole et le Stêr Laër.

    La découverte de cette carte sur la dalle de Saint-Bélec souligne le savoir cartographique des sociétés préhistoriques. Le fait qu’une partie de la pierre soit brisée et enterrée peut aussi être sujet à interprétation. « Un acte d’enfouissement, accompagné d’un geste iconoclaste, pourrait ainsi marquer la fin ou le rejet de ces élites qui auront exercé leur pouvoir sur la société durant plusieurs siècles au cours de l’âge du Bronze ancien », explique le communiqué de presse diffusé sur le site de l’Inrap.