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    Italie : les quarantaines à bord de navires en pleine mer sont "discriminatoires envers les migrants"Par Charlotte Oberti Publié le : 02/04/2021
    L’association italienne ASGI publie un rapport sur les périodes de quarantaine à bord de bateaux en pleine mer imposées aux migrants arrivés illégalement en Italie. Des méthodes « discriminatoires », selon elle, et très discutables d’un point de vue sanitaire. Entretien.
    Comment se déroulent les quarantaines de migrants organisés dans des bateaux au large de l’Italie ? Depuis plusieurs mois, la question se pose. Pandémie du Covid-19 oblige, les migrants arrivés illégalement en Italie doivent en effet observer une période d’isolement dans les cabines de navires de croisière, à l’abri des regards.
    Ce traitement constitue, entre autres, une manière pour les autorités d’empêcher les évasions de migrants, comme cela avait été le cas en juillet dernier lorsque plus de 200 personnes avaient bravé la quarantaine qui leur était imposée en Sicile dans des conditions de détention qualifiées d’"inhumaines". Désormais, ces confinements s’effectuent à bord de mastodontes des mers dont il est impossible de s’extraire.
    L’association italienne ASGI, spécialisée dans les questions juridiques liées à l’immigration, qui n’a pas eu accès aux navires en question, s’est penchée sur cette méthode d’isolement, qui fait office d’ovni en Europe. Grâce à des contacts réguliers avec des migrants ainsi qu’avec les autorités en charge de ce protocole sanitaire, l’organisation a pu tirer des conclusions - préoccupantes - quant au déroulé et au bien fondé de ces quarantaines, qu’elle présente dans un rapport.
    Entretien avec Lucia Gennari, avocate et consultante juridique, membre de l’ASGI.
    – Avez-vous des détails sur les navires utilisés ?Actuellement, nous avons connaissance de cinq bateaux qui sont utilisés, près des côtes de la Sicile. On peut citer parmi eux le « GNV Allegra » ou encore l’"Excellent", tous deux appartenant à la société Grandi Navi Veloci. (En date du 30 mars, le premier se trouvait au large de la Sicile, le second se dirigeait vers l’île de Lampedusa, ndlr). Ce sont des bateaux énormes qui servaient auparavant pour des croisières. Des centaines de personnes peuvent être logées à bord.
    Lorsqu’il y a des migrants en quarantaine dessus, ces bateaux ne sont pas amarrés dans des ports : ils stagnent en pleine mer. D’après des témoignages que nous avons recueillis, les migrants sont généralement deux par cabine, et ils y restent pour les repas. Mais cela peut varier d’un bateau à l’autre.Des compagnies privées sont chargées de la sécurité à bord, et la Croix-Rouge italienne assure la gestion.
    – Ces ferrys sont-ils adéquats pour des quarantaines ?Non, ils ne sont pas prévus pour cet usage. Les personnes sont nombreuses dans des espaces restreints et mal ventilés, où le virus peut facilement circuler. Et d’un point de vue sanitaire, justement, le fait que ces bateaux ne soient pas à quai pose problème : en cas d’urgence, cela prend du temps de revenir au port pour débarquer un malade. À l’automne, deux mineurs, de 15 ans et 17 ans, qui présentaient des problèmes de santé, sont décédés à quelques semaines d’intervalle après avoir été transportés en urgence dans un des hôpitaux du pays. Des enquêtes ont été ouvertes sur ces décès. Ces conditions d’isolement sont par ailleurs particulièrement mal adaptées au public dont on parle : il s’agit de personnes qui ont fait un voyage particulièrement difficile [à travers la Méditerranée, souvent depuis la Libye, ndlr] et qui ont vécu des expériences traumatisantes, à la fois physiquement et mentalement. Les laisser comme cela en mer pendant encore plusieurs jours après ce qu’elles ont vécu, c’est dur et c’est une vraie épreuve mentale pour eux. D’un point de vue psychologique, ces quarantaines, qui durent parfois plus de 14 jours, peuvent donc faire des dégâts.
    – L’ASGI dénonce dans son rapport des « violations des droits de l’Homme » à bord de ces bateaux. Quelles sont-elles ?Au-delà de l’aspect sanitaire déjà évoqué, nous avons affaire à une violation du droit maritime international, selon lequel une personne secourue doit être débarquée dans « un endroit sûr ». Or, cet endroit sûr, selon la définition que le droit en fait, ne peut pas être en mer, il est obligatoirement situé sur la terre ferme. Ces personnes ne sont donc techniquement pas dans un endroit sûr. Nous déplorons aussi une atteinte aux droits des demandeurs d’asile. Il est en effet arrivé que des personnes en quarantaine expriment leur volonté de déposer une demande d’asile, ce qui doit normalement déboucher sur le déclenchement d’une procédure auprès d’un organisme compétent. Mais, dans plusieurs cas, rien ne s’est passé.Nous considérons par ailleurs que ces mesures de confinement sont discriminatoires envers les migrants car elles impliquent des privations de liberté personnelle et des atteintes à leurs droits constitutionnels.Je m’explique : en tant que citoyenne européenne, si je rentre en Italie en venant de Libye, je suis tenue d’observer une période d’isolement pendant 14 jours, je peux alors m’isoler chez moi ou dans un hôtel. Personne ne me surveille pendant cette période : il n’y a pas de policier en faction posté devant le lieu où je suis isolée et je peux aller et venir, même si je n’en ai pas le droit. Et si j’enfreins la règle de l’isolement, je suis passible d’une amende.Les migrants dont on parle, en revanche, sont eux physiquement mis sur un bateau au milieu de la mer et ils sont constamment gardés. On voit donc bien qu’il y a un système à deux vitesses que l’on applique d’une manière ou d’une autre selon l’origine d’un individu.

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