• L’exode vénézuélien sans précédent en Amérique latine, possible levier de croissance de la région
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/30/l-exode-venezuelien-sans-precedent-en-amerique-latine-possible-levier-de-cro

    Les millions d’exilés qui ont fui le Venezuela et les politiques dévastatrices de son président Nicolas Maduro posent un défi énorme aux pays voisins qui les accueillent, mais sont peut-être aussi une chance.

    Analyse. Plus de 5,5 millions de personnes, selon l’ONU, ont quitté le Venezuela ces dernières années, soit près de 18 % de la population ; les experts voient leur nombre atteindre 6 millions à la fin de l’année 2021, 7 millions en 2022. L’exode des Vénézuéliens, sans précédent en Amérique latine, constitue un défi économique, social, sanitaire et politique énorme pour la région. Le pari que font certains économistes est qu’il constitue, à terme, un levier de croissance.

    La pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières ont freiné le flux migratoire sans l’interrompre. Premier pays d’accueil, la Colombie, qui se veut modèle en la matière, vient d’annoncer la régularisation de plus de 1 million de migrants vénézuéliens. Pour le FMI, qui s’en est félicité, cette mesure devrait « à moyen terme, augmenter le potentiel de croissance » du pays. Les migrants régularisés consomment, produisent, créent des entreprises, paient leurs cotisations sociales et leurs impôts.

    La Colombie a plus de 2 000 kilomètres de frontières communes avec le Venezuela. Première destination des exilés vénézuéliens, elle en a accueilli, à elle seule, près de 1,8 million en moins de cinq ans − près de 4 % de sa population. Le Pérou abrite près de 1 million de Vénézuéliens, le Chili 455 000, le petit Equateur 415 000.
    Vendeurs, livreurs…

    Dans l’immédiat, il faut assurer aux migrants une aide d’urgence, les soigner, les vacciner contre le Covid-19, leur trouver un logement et un emploi, scolariser leurs enfants. La pression sur les budgets publics est d’autant plus forte que le PIB de la région a chuté de 7 % en 2020. La coopération internationale reste limitée. Selon l’opposant vénézuélien David Smolansky, « un réfugié syrien a reçu, en moyenne, 5 000 dollars [4 150 euros] d’aide internationale, un migrant vénézuélien, 255 dollars ».

    L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) demandent, à la communauté internationale, une aide de 1,4 milliard de dollars [1,15 milliard d’euros] pour le Venezuela. Une conférence des donateurs doit avoir lieu en juin.

    La plupart des Vénézuéliens travaillent dans le secteur informel, comme vendeurs ambulants, serveurs, livreurs à vélo, employées domestiques, coiffeurs ou musiciens. Le coup de frein économique induit par la pandémie a précarisé un peu plus leur situation. Une étude menée en Colombie montre qu’ils sont jeunes (près de 60 % ont entre 15 et 39 ans) et en moyenne plus diplômés que la population locale. « L’arrivée sur le marché de ces migrants fait pression sur les revenus des travailleurs du secteur informel, qui sont les plus précaires », souligne Ana Maria Ibanez, économiste de la Banque interaméricaine de développement.