• Transparence de la vie publique : à Paris, un élu sur quatre hors des clous
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/05/12/transparence-a-paris-un-elu-sur-quatre-hors-des-clous_6079916_823448.html

    A Paris, les élus ont du mal à mettre en pratique les principes de transparence affichés par la Mairie. En juillet 2020, juste après les municipales, les 163 conseillers #élus ou réélus s’étaient tous engagés par écrit à remplir une déclaration d’intérêts destinée à être rendue publique. Un geste imposé depuis 2014 à la demande de la maire socialiste Anne Hidalgo. « Sur une base volontaire », il était en outre proposé aux élus de signer une déclaration de patrimoine.

    Neuf mois plus tard, le bilan est en décalage avec les bonnes intentions affichées. D’abord, certains élus ont tardé à fournir leur déclaration d’intérêts, attendue en principe avant la fin 2020. « La bonne nouvelle, c’est que nous avons enfin obtenu, il y a huit jours, la totalité des déclarations », se réjouit Yves Charpenel, le haut magistrat qui préside la commission de déontologie des élus du Conseil de Paris. Les conseillers municipaux y détaillent leurs activités professionnelles, les rémunérations associées, leurs mandats et participations dans des entreprises, ainsi que les activités de leurs conjoints. Quant aux déclarations de patrimoine, où sont précisés les avoirs de chacun (comptes bancaires, assurance-vie, immobilier, etc.), 68 % des élus ont accepté d’en remettre une, alors qu’ils n’étaient que 58 % lors de la précédente mandature.

    Les déclarations déjà en ligne permettent de savoir qu’Anne Hidalgo est propriétaire d’une maison de 118 m2 dans le 15e arrondissement, de découvrir les sommes touchées par Audrey Pulvar pour les cérémonies qu’elle a animées (jusqu’à 13 000 euros pour la remise du guide Michelin), d’anticiper d’éventuels conflits d’intérêts liés aux activités des conjoints…

    « Nous avons étudié de près toutes ces déclarations, et émis des avis comportant des réserves dans 12 % des cas, précise le président de la commission de déontologie. La plupart du temps, nos propositions ont permis de résoudre les problèmes. Nous avons par exemple incité certains élus qui travaillent dans le privé à préciser dans leur contrat qu’ils ne peuvent pas être mobilisés sur un sujet en lien avec la Ville de Paris. Il reste un ou deux dossiers à régler. »

    « Exhibition ou voyeurisme »

    Mais si les documents ont fini par arriver à l’hôtel de ville, et à y être passés au crible, tous ne seront pas mis en ligne, loin de là. Sur les 163 élus parisiens, quarante s’opposent en effet à ce que leurs déclarations d’intérêts soient publiées sur le site de la Mairie. Soit un élu sur quatre ! Lors de la précédente mandature, seuls trois refus avaient été enregistrés.

    « J’essaie de convaincre ceux qui rechignent, et j’espère que le nombre final des récalcitrants sera inférieur, indique Yves Charpenel. Je leur explique qu’ils se sont engagés, et n’ont aucun intérêt à se placer hors des clous, en contradiction avec eux-mêmes. Mieux vaut montrer qu’ils n’ont pas peur de la transparence. Après, c’est à eux de voir. » Aucune sanction n’est prévue.

    Les réticences se révèlent encore plus fortes pour les déclarations de patrimoine, pour lesquelles il n’existe aucune obligation : 55 % des élus parisiens n’ont pas remis cette déclaration ou en bloquent la diffusion.

    Qui sont les conseillers décidés à maintenir le voile sur leurs activités ? Ils se recrutent avant tout à droite. « Sans doute ne souhaitent-ils pas se montrer empressés sur un sujet qui compte beaucoup pour la maire de Paris », suppute Yves Charpenel.

    Sur les cinquante-cinq membres du groupe Changer Paris de Rachida Dati, trente et un ont refusé que leur déclaration d’intérêts soit mise en ligne, en dépit de la charte qu’ils avaient signée, et cinquante n’ont pas transmis de déclaration de patrimoine ou ont interdit sa communication. La maire (Les Républicains, LR) du 7e arrondissement a dit non dans les deux cas. Rudolph Granier, l’un de ses lieutenants, a fait de même. « Je me suis engagé à suivre la loi, et c’est tout, assume-t-il. J’ai transmis mes deux déclarations à la commission de déontologie, qui n’a rien trouvé à y redire. Qu’elle veille à ce qu’il n’y ait pas d’enrichissement anormal ou de conflit d’intérêts, c’est logique. Mais rendre tout cela public me semble peu utile au débat démocratique. Cela relève plutôt de l’exhibition ou du voyeurisme. »

    A gauche, comme à droite

    A gauche aussi, certains n’étaient guère pressés de se « déshabiller en public ». « A la demande insistante d’Anne Hidalgo, j’ai incité les adjoints hésitants à accepter au moins la publication de leur déclaration d’intérêts », raconte Patrick Bloche, l’adjoint socialiste chargé de l’organisation du Conseil.

    Mais, en dehors des adjoints, certains élus ont maintenu leur refus, comme le maire (PS) du 13e arrondissement Jérôme Coumet, qui ne veut pas s’exprimer sur le sujet, ou encore l’écologiste Aminata Niakaté. « J’ai remis mes deux déclarations, et je n’ai aucun conflit d’intérêts, mais cela me gêne que tout le monde puisse scruter mes revenus et mon patrimoine », confie-t-elle. C’est aussi le cas de #Christophe_Girard. « Après l’année horrible que j’ai vécue, ma famille ne veut plus donner prise à une chasse aux sorcières ou à une forme de maccarthysme », explique l’ex-adjoint à la culture, contraint de démissionner de ses fonctions sous la pression des féministes.
    Globalement, malgré les pressions d’Anne Hidalgo et de son équipe, 21 % des écologistes, 25 % des communistes, 39 % des socialistes et apparentés, et même sept adjoints sur trente-quatre ont fait en sorte que leur déclaration de #patrimoine ne soit pas diffusée.

    #ville_de_Paris #Paris