CT : Vous parlez dâune tendance de plus en plus frĂ©quente Ă « surestimer le prĂ©judice » qui nous est fait lors dâun conflit en lâinterprĂ©tant comme une agression, comment expliquez-vous cela ?
S.S : Je pense quâil y a deux dynamiques importantes qui participent souvent dâune escalade de la violence : lâune est liĂ©e Ă une situation de domination et lâautre au traumatisme. Lorsquâune personne en situation de domination sâinstalle dans lâidĂ©e quâelle ne devrait pas ĂȘtre remise en question et que quelquâun exprime sa diffĂ©rence, lâinconfort vĂ©cu par la premiĂšre est souvent interprĂ©tĂ© comme une attaque. DiffĂ©remment, lorsque vous avez vĂ©cu des traumatismes, la diffĂ©rence que lâautre incarne dans le cadre dâun conflit est parfois si difficile Ă gĂ©rer Ă©motionnellement quâelle en vient Ă son tour Ă ĂȘtre perçue ou prĂ©sentĂ©e comme une menace.
Dans tous les cas, nous transformons des situations de conflits en prĂ©tendant quâelles sont des agressions afin de nous positionner comme une victime irrĂ©prochable. Ă notre Ă©poque, pour ĂȘtre digne de compassion, nous devons incarner cet idĂ©al de puretĂ©. Si lâon participe dâune quelconque maniĂšre Ă un conflit, nous ne sommes plus Ă©ligibles Ă la compassion. Je pense pourtant que tout le monde devrait ĂȘtre digne de compassion sans condition.