• Covid-19 : longtemps délaissée, la mesure du CO2 pourrait réduire les contaminations - France - Le Télégramme
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    Les capteurs de CO2 sont utiles pour savoir à quelle fréquence et sur quelle durée il faut ventiler une pièce afin de diluer les aérosols qui peuvent contenir du virus.
    Illustration Nicolas Créach

    La réouverture des commerces, le 19 mai, s’accompagne d’une recommandation du ministère de l’Économie pour qu’ils utilisent des capteurs de C02. L’intérêt de ces outils longtemps sous-exploités ? Permettre de mesurer l’efficacité de la ventilation des espaces publics.

    « Aérer les locaux » et « favoriser la mesure du dioxyde de carbone dans l’air. » Ces recommandations faites aux commerces en phase de réouverture figurent en toute fin d’une fiche du ministère de l’Économie publiée mercredi. Même discrète, cette mention a le goût d’une victoire pour les scientifiques du groupe « Projet CO2 ». Depuis l’automne dernier, ils militent pour l’installation de détecteurs de CO2 dans les espaces publics fermés, et notamment les cantines et les classes. Comme un rempart de plus pour limiter la propagation de la covid-19.

    Pourquoi le CO2 ? « On a maintenant compris que la contamination se fait essentiellement par les aérosols, les très fines gouttes émises lorsqu’on parle, respire, chante. Quand on est contagieux, elles contiennent du virus et une personne qui les respire peut être contaminée à son tour. Dans une pièce fermée, ces particules sont susceptibles de rester en suspension pendant plusieurs heures », explique Jean-Michel Courty, professeur à Sorbonne Université et membre du Projet CO2.

    Entre 150 et 200 euros pour un modèle très fiable
    Mesurer la quantité d’aérosols émis est compliqué et cher. Mais quantifier le CO2, ce gaz que tout le monde rejette en respirant, est beaucoup plus simple. Au-dessus d’un certain seuil - établi par plusieurs publications scientifiques à 800 ppm (parties par million) lorsque tout le monde est masqué dans la pièce - on va considérer qu’il est nécessaire d’aérer pour faire baisser son niveau, et ainsi diluer les aérosols. C’est là que le détecteur de CO2 s’avère très utile. « Il va permettre de savoir à quelle intensité et fréquence il faut ventiler et de déterminer les jauges des pièces. Une fois que vous le savez, vous n’avez pas besoin de le mesurer en permanence », poursuit le physicien. Selon lui, « beaucoup de gens ont peur des mesures ». « Mais si, dans une salle de sept ou huit, vous voyez que le taux de CO2 ne monte pas, c’est quand même hyper rassurant », juge-t-il.

    Une bonne assurance, qui a un coût : comptez entre 150 et 200 euros pour un modèle très fiable qui utilise la technologie NDIR et qu’on peut calibrer. « Mais pour un collège ou un lycée, il suffit d’un détecteur à demeure dans la cantine et de trois ou quatre qui se baladent dans les classes. Pour les 10 000 établissements en France, ça équivaudrait à un budget de cinq millions d’euros. Ça peut paraître beaucoup mais quand vous voyez les sommes dépensées pour les autotests, les tests salivaires PCR, etc. », note Jean-Michel Courty.

    Les autorités scientifiques valident le principe
    Le ministère de l’Éducation a fini par entendre le message, en diffusant, en avril, une note d’explication sur l’utilité des détecteurs de CO2. Sans pour autant les rendre obligatoires dans les établissements. Mais les choses pourraient encore s’accélérer avec des prises de position d’autorités scientifiques. La dernière en date est celle du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), qui, le 28 avril, indiquait qu’« une concentration en CO2 supérieure à un seuil de 800 ppm doit conduire dans tous les cas à ne pas occuper la salle et à agir en termes d’aération/renouvellement d’air et/ou de réduction du nombre de personnes admises dans les locaux d’un ERP (établissement recevant du public, NDLR) ». Les mentalités évoluent donc en France mais avec un train de retard sur l’Allemagne. « Dès les mois de septembre et octobre, des tutoriels étaient diffusés à la télé allemande pour expliquer comment fabriquer des détecteurs. Il y avait même rupture de stocks sur les composants ! », constate Jean-Michel Courty.