• Soldat néonazi et réfugié syrien, l’inquiétante double vie d’un militaire allemand
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/20/soldat-neonazi-et-refugie-syrien-l-inquietante-double-vie-d-un-militaire-all

    Pendant plusieurs années, Franco Albrecht, militant d’extrême droite et faux demandeur d’asile, a trompé la vigilance de l’armée et des autorités allemandes. Il est aujourd’hui accusé de « préparation d’un acte de violence grave contre l’Etat ».

    Il aurait pu se contenter d’une double vie. Mais jouer les officiers modèles en cachant ses sympathies néonazies ne suffisait pas à Franco Albrecht, qui se faisait également passer pour un réfugié syrien. Accusé de « préparation d’un acte de violence grave contre l’Etat » et « infraction à la loi sur les armes et les explosifs », cet Allemand de 32 ans comparaît, à partir de jeudi 20 mai, devant le tribunal de Francfort. Il encourt dix ans d’emprisonnement.
    C’est dans des toilettes pour handicapés de l’aéroport de Vienne, le 3 février 2017, que Franco Albrecht a commis l’imprudence qui a conduit à sa chute. Ce soir-là, le jeune lieutenant de la brigade d’infanterie franco-allemande d’Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin) est cueilli par la police autrichienne alors qu’il cherche dans une gaine de canalisation un pistolet qu’il y a dissimulé dix jours plus tôt mais qu’une femme de ménage a découvert entre-temps.

    Lors de son interrogatoire, il raconte que c’est par hasard qu’il est tombé sur cette arme, alors qu’il urinait dans un buisson après une soirée arrosée commencée au très chic bal des officiers, organisé par le ministère autrichien de la défense, et terminée en faisant la tournée des bars de la ville.

    Des airs de coup d’Etat
    Soûl, il aurait mis le pistolet dans la poche de son manteau et ne s’en serait aperçu que le lendemain à l’aéroport où, pris de panique, il l’aurait caché dans des toilettes avant de prendre un vol pour Strasbourg pour rejoindre sa brigade. Aux policiers, il assure que c’est précisément pour la leur remettre qu’il est revenu à Vienne dix jours plus tard.

    Ce soir-là, le jeune homme ne passe que quelques heures en garde à vue. Mais les enquêteurs lui confisquent son téléphone portable et une clé USB. Sur le premier, ils tombent sur une conversation Telegram, à laquelle sont associés d’autres militaires et où est évoquée la préparation d’un mystérieux « Jour J » aux allures de coup d’Etat. Sur la seconde, ils trouvent plusieurs documents, dont l’un intitulé « Manuel d’explosifs des Moudjahidine ».

    La découverte la plus troublante vient toutefois des empreintes digitales. Leur examen, en effet, montre qu’elles sont exactement les mêmes que celles d’un certain David Benjamin, un réfugié syrien enregistré sous ce nom, fin 2015, dans le registre allemand des demandeurs d’asile. Les enquêteurs en sont vite persuadés : les deux hommes ne font qu’un.

    Pureté raciale
    Le 26 avril 2017, un peu moins de trois mois après son interpellation à Vienne, Franco Albrecht est de nouveau arrêté, cette fois pour détention illégale d’armes et fraude à l’asile, alors qu’il participe à un stage d’entraînement en Bavière. Des perquisitions sont menées en Allemagne, en Autriche et en France. L’histoire fait la « une » des journaux, qui se demandent comment les velléités séditieuses du jeune soldat ont échappé à sa hiérarchie et comment l’administration chargée d’accueillir les réfugiés a pu se laisser si grossièrement berner.