Barbares en avant ! – Endnotes – Agitations
►https://agitations.net/2021/05/12/barbares-en-avant-endnotes
Nous publions ci-dessous la traduction co-établie avec le collectif stoff du dernier texte du groupe Endnotes datant de décembre 2020. Cette analyse propose de revenir sur l’extension récente des révoltes à l’échelle mondiale qu’Endnotes subsume sous le concept de « non-mouvements », en partant du mouvement de Black Lives Matter aux États-Unis pour conclure sur les Gilets Jaunes français, tout en passant par le Chili. Ce texte a déjà suscité un vif débat dans l’ultra-gauche vitaliste et marxiste internationale. Nous rejoignons plusieurs intuitions d’Endnotes comme notamment la nécessité d’un usage non normatif et analytique du concept des politiques de l’identité pour renvoyer définitivement aux oubliettes de l’histoire de l’ultra-gauche ses tendances antiféministe et antiracialiste, l’hypothèse de l’antiracisme pragmatique mais aussi l’analyse des tendances illibérales des gouvernements contemporains. Le collectif allemand Translib a lui-aussi mis au jour cette restructuration du champ de la politique bourgeoise dans un article intitulé « 100 balles et un mars » qui figure dans notre nouvelle revue, où il est question de revenir sur « l’implosion du progressisme » et revient sur la transformation du libéralisme par « l’élimination systématique de diverses instances médiatrices, qu’il s’agisse de la justice (du travail), du parlement ou des syndicats » après les révoltes en jaune. Nous rejoignons cependant l’excellente critique proposée par stoff qui déplore « un excès d’optimisme » projeté sur le caractère unilatéralement destituant et « antiformiste » des « non-mouvements », à quoi iels opposent l’analyse de l’antiformisme dans « ses relations internes au conformisme et au réformisme ». Dans l’article intitulé « Somos proletarios, no ciudadanos » paru dans notre revue, notre collectif propose également une analyse communiste de ce cycle de révoltes en revenant sur les insurrections qui ont émaillé l’Amérique latine (Chili, Nicaragua, Bolivie, Equateur, Haïti), le Moyen-Orient (Iran, Irak, Liban) et l’Afrique (Algérie, Soudan) à partir de 2018. Si elles comportent un aspect antiformiste indéniable, notre intuition était d’abord de mettre au jour sur quelles formes sociales spécifiques ces luttent butaient et de comprendre comment, de l’industrie du cuivre à Chuquicamata au Chili jusqu’à l’extraction pétrolière à Bassora en Irak, l’économie politique de l’extractivisme en crise conditionnait les rapports de classe et ses irruptions antagonistes. « Ce ne sont pas 30 pesos (l’augmentation du prix du ticket de métro – ndlr), ce sont 30 ans » – nous proposons alors de revenir sur l’histoire sociale et politique du progressismo sud-américain. Les États des Suds dépendants des exportations et de plus en plus endettés introduisent alors des politiques fiscales qui mettent en péril la survie prolétarienne. L’exemple récent des émeutes en Colombie suite au projet de réforme sur la hausse de la TVA sur les produits de consommation semble corroborer notre approche.
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Au début du mois de mai 2020, des émeutes de la faim ont éclaté à Santiago du Chili. Les confinements avaient privé des hommes et des femmes de leurs revenus, ce qui faillit les faire sombrer dans la famine. Un vaste mouvement de cantines communautaires auto-organisées s’est rapidement répandu dans tout le pays. Plus tard dans le mois, des émeutes se sont propagées au Mexique en réaction au meurtre par la police de Giovanni López – un ouvrier du bâtiment qui avait été arrêté pour non-port de masque – tandis que des milliers de travailleur·ses itinérant·es désespéré·es brisaient le couvre-feu en Inde. Certain·es travailleur·ses des entrepôts d’Amazon aux États-Unis et en Allemagne se sont mis·es en grève pour protester contre les mauvais protocoles sanitaires face au COVID-19 1. Pourtant, à la fin du mois de mai, ces agitations ouvrières chez le plus grand distributeur du monde furent rapidement noyées par un mouvement de masse d’une ampleur sans précédent qui a secoué les États-Unis en réponse au meurtre policier répugnant de George Floyd, diffusé en direct. Largement initié par les habitant·es noir·es de Minneapolis, le soulèvement a rapidement été rejoint par des Américains de tous lieux, races et classes. Dans les premières émeutes et manifestations, on pouvait même apercevoir quelques soutiens de miliciens dans un front transversal ( Querfront 2)digne de l’époque de QAnon 3.