marielle 🐢

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • Le récit d’un petit fait curieux. De McFly et Carlito à Zemmour et Papacito.

    Ou comment l’#anecdotisation médiatique du fait politique étouffe notre démocratie...
    https://www.affordance.info/mon_weblog/2021/06/le-recit-dun-petit-fait-curieux.html

    À l’aide de trois anecdotes, on peut faire le portrait d’un homme. (Nietzsche)

    ... L’anecdote c’est l’arrière-plan qui s’installe en premier plan. Du vase de Soissons aux problèmes gastriques de Napoléon, et bien avant d’ailleurs, l’anecdote aujourd’hui n’a plus uniquement pour fonction de construire une image des personnalités politiques.

    L’anecdote sature aujourd’hui l’espace politique de 2 manières : soit par le récit des anecdotes elles-mêmes, soit par l’anecdotisation des faits politiques au service d’un agenda (au mieux) ou de l’occupation d’un vide (au pire). Anecdotiser un fait ou une déclaration politique c’est y déceler ou y plaquer « un petit fait curieux » et s’agiter pour que du fait ou de la déclaration on ne conserve plus que cette curiosité là.

    Mais l’anecdote est également un mode de récit qui joue sur une connivence souvent invérifiable. Et qui permet aussi, de manière paradoxale, d’euphémiser les discours les plus violents, ou tout au contraire de muscler les récits les plus lénifiants. Telle est la force de l’anecdote. Entre le brouhaha et l’hallali. McFly et Carlito. Zemmour et Papacito...

    Il est assez effarant de constater aujourd’hui, corrélativement à l’augmentation massive de l’abstention lors de différents scrutins, que le fait politique est essentiellement traité au prisme de l’anecdote par la majorité des chroniqueurs et éditorialistes. Plus qu’une éditocratie aux errances audimateuses et à la langue eczémateuse, c’est peut-être à une nouvelle « anecdocratie » que nous faisons face actuellement. La version « face » d’une monnaie dont le côté « pile » serait celui de la technocratie déjà tant condamnée. L’anecdocratie pour nous sauver de la technocratie. La vieille histoire du remède pire que le mal.

    Moralité.

    Le stade ultime de la politique, ou son degré zéro, n’est plus le storytelling. Les récits sont épuisants et nous sommes épuisés.

    Le stade ultime de la politique, ou son degré zéro, n’est même plus le clash. Toutes les outrances ont déjà été énoncées et dénoncées.

    Le stade ultime de la politique, ou son degré zéro, c’est donc l’anecdote. La politique n’apparaît plus aujourd’hui que comme « le court récit de petits faits curieux » qui n’existent que dans leurs commentaires. « Subordonnant les personnages aux circonstances. » Julien Odoul est un playboy qui a tourné des vidéos de charme. Jean-Luc Mélenchon est un complotiste. Emmanuel Macron est cool sait reconnaître l’odeur de « substances ».

    L’anecdote, le mot vient du grec [anekdotos] désignant « ce qui n’est pas publié, inédit ». Or la démocratie est un espace de rendu public. L’anecdote quand elle devient le moteur de tout le cycle politique et de son commentaire, c’est l’inverse de la démocratie. De manière anecdotique, on appellera ça une époque pré-fasciste.