François Isabel

Ni dieu, ni maître, nirvana

  • Dans la forêt de #Boscodon, les recherches des disparus reprennent mais le mystère plane toujours

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    Les familles de ceux qu’on appelle les disparus de Boscodon relancent les recherches en espérant trouver des traces de leurs proches. En l’espace de cinq ans, quatre randonneurs se sont évaporés dans le massif des Hautes-Alpes, sans aucune explication, nourrissant la peur des habitants.

    L’hiver est passé et les sentiers du massif du Boscodon, où Cédric Delahaie s’est évaporé au mois d’octobre dernier, sont de nouveau accessibles pour mener les recherches.

    Sur le parking du Grand Clot, au-dessus de l’abbaye de Boscodon, sont seulement restés sa voiture et un sac de couchage qui pourrait lui appartenir. Les premières recherches n’ont rien donné. Puis sont arrivées les premières neiges, et avec elles, l’arrêt des battues sur les 900 hectares de forêt des Hautes-Alpes.

    L’enquête se poursuit, mais les proches de Cédric Delahaie ne veulent plus rester sans réponse. Sa soeur, Vanessa Faure, a décidé de reprendre les recherches en main ce samedi 19 juin, accompagnée par des volontaires de la région.

    L’objectif : vérifier si de nouveaux éléments auraient pu apparaître à la faveur du printemps, une fois les neiges disparues.

    Cédric Delahaie était parti randonner dans les hauteurs de la forêt de mélèzes. Plusieurs dizaines de personnes se rassemblent ce samedi pour suivre la piste du Gapençais. Parmi eux, le mari d’une autre disparue, Laurence Klamm, qui s’est volatilisée un mois seulement après Cédric Delahaie.
    Peur sur la forêt

    Avec Laurence Klamm, ils ne sont pas les seuls à s’être évaporés dans le massif : en l’espace de 25 ans, six personnes ont disparu dans la forêt de Boscodon, lui conférant aujourd’hui une aura mystérieuse.

    1995 d’abord, puis 2015, 2016, 2018, et deux disparitions en 2020. Quatre d’entre eux n’ont jamais été retrouvés.

    Parmi les disparus, des gens du pays, des marcheurs émérites, comme Laurence Klamm, 60 ans. Elle habitait Beauvillard avec son mari, accompagnateur en montagne. Une semaine d’intenses recherches, menées par la gendarmerie et les pompiers, n’ont pas permis de retrouver la randonneuse.

    Les chiens de la brigade cynophile ont bien suivi sa trace, quelques heures à peine après sa disparition, mais elle semble s’être volatilisée.

    « La piste s’arrête sur un pont, au niveau de l’abbaye », raconte Éric Klamm, le mari de Laurence. « Le lendemain, un deuxième chien s’est arrêté à peine plus haut, et il s’est couché, signe qu’il n’y avait plus aucune trace à suivre ».

    Bien sûr, ces disparitions pourraient n’avoir aucun lien les unes avec les autres. Certaines routes de Boscodon, en petite et moyenne montagne, sont relativement accidentées, surtout à l’approche de l’hiver. Des accidents, peut-être, ou une autre piste, parfois évoquée : celle des suicides.

    Cédric Delahaie, 41 ans, était fragile psychologiquement. Le confinement avait aussi aggravé l’anxiété de Laurence Klamm, qui revenait d’un mois en maison de repos avant sa disparition. Pour autant, son mari s’est toujours refusé de croire à cette thèse.

    Quoi qu’il en soit réellement, la succession des événements a nourri un sentiment d’angoisse et de confusion chez les habitants vivant près de la forêt. L’absence de réponse a fait planer le doute sur la tranquille commune de Crots, peuplée par un peu plus d’un millier d’habitants. Difficile de les rassurer quand les éléments matériels manquent toujours à l’enquête.
    Deux « cold case » rouverts

    Du côté des enquêteurs, les investigations se poursuivent. Reste, toujours, la piste criminelle, avec l’intervention potentielle d’un tiers mal intentionné. Pour le procureur de Gap, Florent Crouhy, rien ne laisse à penser que Laurence Klamm et Cédric Delahaie auraient croisé un individu malveillant en forêt.

    Les familles ont été reçues au mois de mai, et le magistrat leur a assuré que l’enquête préliminaire était toujours en cours. À Crots, pourtant, nombreux sont les habitants qui imaginent le pire des scénarios, et se méfient désormais des sentiers de Boscodon.

    Au vu des deux disparitions récentes, un juge d’instruction de Gap a été saisi pour les disparitions en 2015 et 2016 de Monique Thibert et Marie-Christine Camus, dont les voitures ont été retrouvées sur le même parking que celle de Cédric Delahaie.

    Les recherches n’ont jamais permis de dire ce qu’il était advenu des randonneuses, et les affaires ont été classées. Étant donné les nouveaux éléments, deux informations judiciaires ont été rouvertes pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire ».

    Dans le cas de deux autres disparitions, survenues en 1995 et en 2018, les corps ont été retrouvés peu après, et les enquêteurs avaient conclu à l’accident sans pousser plus loin leurs investigations. « Six personnes qui disparaissent, quatre dont on ne retrouve rien : l’enchaînement est quand même troublant », s’interroge Éric Klamm.

    Depuis l’arrivée du printemps, il a repris les recherches dans le périmètre, délimité par les chiens, où s’arrête la piste de sa femme. Il a, aussi, créé une association avec la soeur de Cédric Delahaie, Les disparus de Boscodon. « On peut tout imaginer, mais s’il s’agissait d’un accident ou d’un suicide, on aurait retrouvé ma femme », assure-t-il.