• La cascade de problèmes chez Boeing, vrai trou d’air ou effet loupe ? - Économie - Le Télégramme
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    (EPA)

    Défauts électriques dans le cockpit des MAX, anomalies de fuselage sur le 787, retards sur le 777X : ces derniers mois, Boeing semble accumuler les soucis techniques, mais les annonces en rafale sont surtout la conséquence, selon plusieurs observateurs, d’une surveillance accrue.

    « Boeing, malheureusement pour le groupe, est actuellement passé à la loupe et c’est justifié », résume Ken Herbert, spécialiste aéronautique pour Canaccord Genuity.

    Après les deux accidents rapprochés de son nouvel avion vedette, le 737 MAX, qui ont fait 346 morts en 2018 et 2019, le géant de Seattle a fait l’objet de nombreuses enquêtes.

    Son patron, Dave Calhoun, est arrivé en janvier 2020 avec la lourde tâche de restaurer la confiance dans Boeing. Mercredi, lors de la publication des résultats trimestriels du groupe, il devra s’expliquer sur les derniers déboires en date.

    Mi-juillet, Boeing a, en effet, annoncé avoir découvert de nouveaux défauts sur son long-courrier 787 Dreamliner, suffisamment importants pour réduire les cadences de production et repousser les livraisons. Et ce, alors que l’été dernier, le groupe avait déjà découvert plusieurs vices de fabrication, notamment sur le raccord d’une portion du fuselage.

    En mai, l’Agence américaine de l’aviation (FAA) a, par ailleurs, prévenu Boeing qu’elle pourrait exiger davantage de vols d’essais avant de certifier le futur gros-porteur 777X en raison d’un manque de données techniques.

    Et, en avril, des problèmes électriques dans les cockpits de certains 737 MAX ont conduit à l’immobilisation temporaire d’une centaine d’exemplaires déjà livrés.

    Le groupe a également pris du retard sur les deux nouveaux exemplaires de l’avion présidentiel Air Force One, tandis que l’avion-ravitailleur KC46 multiplie les déconvenues.

    « Culture de dissimulation »
    Les raisons à ces problèmes sont multiples. Ils ont pu être accentués par la pandémie, le groupe et ses fournisseurs faisant face aux mêmes problèmes de personnel et d’approvisionnement que le reste de l’économie. La décision de transférer la production du 787 sur un seul site, en Caroline du Sud, a aussi pu créer des perturbations.

    Autre piste, un rapport parlementaire publié en septembre sur les crashs du MAX avait mis en avant une évolution de la culture d’entreprise après la fusion avec McDonnell Douglas en 1997, avec plus d’attention portée aux profits financiers et moins à la résolution de problèmes d’ingénierie.

    Ce rapport avait surtout accablé la « culture de dissimulation » qui prévalait chez le constructeur, ainsi que le manque de supervision de la FAA. « Les enquêtes ont montré que les deux organismes avaient failli : l’un dans son rôle de fabricant, l’autre dans son rôle de surveillant », analyse Bertrand Vilmer, patron du cabinet d’expertise aéronautique Icare. « Ils essaient de remonter la pente, la FAA en se montrant intransigeante, et trouvent forcément des manquements », ajoute-t-il.

    Même constat chez Hassan Shahidi, à la tête de la Fondation pour la sécurité du transport aérien. Les recommandations émises après les crashs du MAX sont en train d’être mises en place, avec de nouveaux systèmes de gestion du risque qui se traduisent par « plus de supervision et de transparence ».

    La FAA ne veut plus prendre la parole du groupe pour argent comptant

    De son côté, Boeing dit avoir « méthodiquement » agi ces deux dernières années pour améliorer la sécurité.

    Dans le cas du 787 par exemple, « la décision de ralentir la cadence de production pour mener des inspections supplémentaires et effectuer éventuellement des travaux de retouche était celle à prendre, même si cela peut parfois affecter les opérations ».

    La FAA, elle, insiste sur sa volonté de couvrir tous les aspects liés à la sécurité. Quand, en mai, Boeing a proposé un algorithme comme méthode d’inspection des 787, elle a demandé la suspension des livraisons, le temps de pouvoir examiner les données motivant cette proposition. « L’agence ne veut plus prendre la parole du groupe pour argent comptant. Elle veut voir les données », indique une source au sein de la FAA.

    Communication défaillante
    Pour Ken Herbert, de Canaccord Genuity, les derniers déboires sur le 787 mettent en avant des problèmes de communication en interne, Dave Calhoun ayant à plusieurs reprises assuré que le problème serait rapidement résolu. « Ils relèvent de la capacité à faire remonter les mauvaises nouvelles et à les régler en temps voulu », avance-t-il. « Cela donne l’impression que l’entreprise ne gère pas complètement la situation  ».