hubertguillaud

Journaliste et rédacteur en chef de http://www.internetactu.net - aka @iactu -, le média de la Fondation internet nouvelle génération http://www.fing.org

  • Etalab vient de publier les feuilles de routes (FDR) de 15 ministères en terme de politique numérique pour les prochaines années : https://www.etalab.gouv.fr/politique-de-la-donnee-des-algorithmes-et-des-codes-sources-15-strategie - Des documents riches, mais qui restent silencieux sur quelques enjeux.

    Derrière ce programme d’ouverture des données et de publications des codes sources des systèmes on trouve également des stratégies renforcées de partages des données - API, mais surtout partages de données « entre acteurs habilités »... ce qui signifie la possibilité de croisement et d’échanges de données entre administrations, pas tant pour bénéficier à l’usager que pour mieux nous surveiller et contrôler ! Voir ce que nous disait sur ces sujets, le sociologue Vincent Dubois : https://www.internetactu.net/2021/06/22/le-calcul-de-risque-cette-revolution-industrielle-de-ladministration-p

    Ces FDR visent à créer de nouveaux services et « fédérer les énergies »… sans toujours dire lesquelles ou pourquoi (de nombreux exemples sont évoqués, mais on ne sait pas toujours si ce sont des projets en cours ou des exemples). La documentation publique des projets de l’administration reste le point invisible de ces FDR ! Alors qu’on ne cesse de parler d’ouverture, les projets, en tant que tels, sont invisibilisés. Alors qu’on attendrait plutôt des descriptions précises de chacun, de leurs enjeux, des données qu’ils vont mobilisés, de leurs impacts…

    Ainsi parmi les innombrables exemples évoqués dans ces documents, on trouvera par exemple un Quotient familial partagé du « mois précédent », dont l’enjeu est de mettre à jour plus rapidement le QF dès il évolue. Le risque bien sûr, c’est de produire une plus grande volatilité des droits, au détriment des usagers : voir ce que nous disions sur cet enjeu : https://www.agirparlaculture.be/une-politique-numerique-de-gauche-est-elle-possible

    Dans ces FDR, on ne trouve pas vraiment d’annonces sur les garanties apportées aux usagers, pas d’annonces sur des structures de recours, de dialogues. La médiation semble rester le parent pauvre de cette accélération numérique.

    Au programme également, mieux identifier les algorithmes publics existants et en produire de nouveaux. Mais, derrière cette volonté se profile un encouragement à utiliser l’IA, sans que des mesures sur l’équité et la responsabilité des traitements ne soient mises en place.
    Si plusieurs FDR invitent à consulter les usagers sur ces déploiements, le silence est d’or sur les méthodes : pas d’annonce de mise en place de comités d’éthique, d’espaces de co-élaboration avec les administrés…

    Bref, ce que ces FDR annoncent, c’est l’accélération des traitements et des échanges de données. Pas sûr que ce soit toujours au bénéfice des administrés.