• Pour en finir avec 2022
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    1/ Si l’élection est un dispositif de choix tronqués entre différentes alternatives qui renvoient à un même système, pour nous ces alternatives deviennent proprement infernales, puisque ne paraît soutenable aucune des versions candidates à ce système qui a ruiné, ruine et ruinera l’habitabilité de la planète Terre (qui se voit traitée comme un bloc de ressources, humaines et non-humaines). Chaque jour qui passe voit toutes les courbes filer en exponentielles, et la sensation de la nécessité d’un décrochage radical s’aiguise jusqu’au tragique. Le constat n’est pas nouveau ; ce qui évolue c’est le degré vertigineux de précision et d’intensité avec lequel il s’impose à tou.te.s, et la dose de mauvaise-foi qu’il faut pour se persuader que le petit circuit politique qui nous est alloué permettra d’en décoller d’un cheveu. Le faux-miroir des alternatives achève d’apparaître pour ce qu’il est dans pareille situation : un piège mortel.

    2/ Si l’élection n’est rien d’autre qu’une procédure de légitimation, n’ayant d’exemplaire que son efficacité perverse à lier durablement notre volonté (dès qu’un connard se fait élire dans un pays étranger, on se murmure après tout, s’ils le veulent…), force est de constater qu’il y a une probabilité écrasante pour qu’en 2022, comme ensuite, ce qu’elle trempera dans le grand bain de la légitimité populaire, c’est une petite élite criminelle, rapace et follement destructrice. Ici aussi la nouveauté réside dans l’intensité avec laquelle se met à briller la vieille évidence du raquette politique opéré par la classe dirigeante, désormais dépouillée de tout parti, de toute velléité de sauver les apparences. On n’a même plus besoin d’élaborer une critique, il suffit de leur laisser la parole. Au hasard, Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique, autrement dit fonctionnaire en charge du biocide en cours, qui déclare froidement : « je suis pour une partie de votre communauté, et pour une partie des Français, un, je sais pas quoi dire, un traître, un vendu au grand Capital, un vendu à une certaine caste… » On s’attend à ce qu’il pousse de hauts cris républicains. Eh bien non. Il leur préfère un laconique : « je l’accepte. » [1]. Autrement dit, l’élection s’affiche officiellement comme une procédure de légitimation à l’issue de laquelle une petite caste, qui a joyeusement envoyé valdinguer le paravant du « bien commun », aura pourtant les coudées franches pour mener ses exactions.

    Corollaire : si on raisonne ainsi de manière dégrisée à partir de ce qu’est réellement la procédure de l’élection, s’inverse complètement l’argument du front républicain contre l’extrême droite, cet argument qui semble tellement indépassable qu’on a l’impression que toute la vie politique tient à ce fil, et selon lequel, comme on sait, il faut maintenir coûte que coûte une participation, non pas pour truc ou machine, mais contre la fille du borgne (oui, Le Pen). En effet, la meilleure manière de préparer l’arrivée aux manettes de cette dernière, c’est de continuer à mettre des jetons dans cette dangereuse machine à élections : celle-ci risque fort, un jour ou l’autre, de pencher du mauvais côté, et alors elle produira d’autant plus d’effets de légitimation qu’on l’aura alimentée en participation et qu’elle tournera à plein régime. Qu’on y réfléchisse de toutes les manières, la seule stratégie valable à court et long terme, c’est de couper l’alimentation.

    3/ Sous l’hystérie entretenue par les batteries médiatiques, et dont il faut considérer le taux de participation comme le produit d’élevage, une autre image se dessine sourdement. Quand on détourne la tête des écrans, et qu’on prend le temps de laisser s’évanouir leurs images rémanentes, on peut apercevoir nettement le bouffon qui aura attrapé le pompon en avril prochain. D’une main, il a le bouclier de la légitimité populaire, ce halo atmosphérique purement symbolique qui finit tout de même par se condenser dans le monopole de la violence légitime, la pluie glacée des yeux crevés et des mains arrachées. De l’autre, il tient l’épée de la dette, désormais si longue, si affûtée, avec laquelle il taillera un plan d’austérité sans précédent historique. Dans nos chairs. L’État providence était là pour vous (on l’a même ressorti du placard paraît-il), désormais c’est à vous d’être là pour lui. La musique de l’avenir a des accents grecs. Quel que soit le pantin qui sera couronné, on sait qu’il devra jouer cette partition. Chaque papier au fond de la boîte, peu importe la couleur, est un « oui » d’acceptation glissé à l’oreille de ce scénario. A ce stade, c’est plus une élection, c’est un braquage.

    #élection #démocratie_représentative