Comment faire baisser le prix de l’électricité et du gaz ? Jacques FOOS - Professeur Honoraire au Conservatoire National des Arts et Métiers
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Il y a 10 ans, j’ai obtenu le « Prix de l’impertinence 2011 » créé par le Cercle des Entrepreneurs du Futur, pour un article que j’avais commis sur le thème : « Énergie : le nucléaire en plein séisme ». Ce prix me fut remis parce que j’avais écrit qu’il fallait mettre des éoliennes là où il y a du vent et des panneaux photovoltaïques là où il y a du soleil (comme l’avait écrit justement un élève dans sa copie : « le problème avec le solaire, c’est qu’il y a des jours où il fait nuit ! »).
Lors de la remise du Prix, je n’avais pas manqué de souligner que je ne voyais pas ce qu’il y avait, dans ces propos, d’impertinent, si ce n’est que la remarque pouvait sembler politico-écologico incorrecte car on voit bien où il faut mettre ces éoliennes et ces panneaux solaires et surtout pas en Europe, par exemple. Et, en ce sens, cette affirmation peut passer pour impertinente.
Ceci justifie les sommes colossales qui doivent subvenir à la production d’électricité par ces sources intermittentes dans notre pays pour les rendre acceptables, si on peut dire !
Aujourd’hui, on voit une explosion des prix du gaz et des énergies en général, car le prix dépend de la demande, de plus en plus forte actuellement. Ainsi, au moment le plus drastique du confinement à l’échelle mondiale, le prix de l’essence était très bas mais personne ne pouvait rouler. Aujourd’hui alors qu’il est enfin possible de rouler, le prix des carburants atteint des sommets inégalés et ce n’est pas fini.
La hausse des carburants, liée à celle du gaz et de l’électricité émeut nos concitoyens (et c’est un euphémisme !). Face à cette forte augmentation des prix de l’énergie, le Premier Ministre, Jean Castex propose un « bouclier tarifaire » avec le blocage du tarif réglementé du gaz jusqu’en avril et la limitation de la hausse de l’électricité, répondant comme dans d’autres pays européens à la flambée des prix de l’énergie. Ainsi, après l’augmentation de 12,6% du gaz fin septembre, son prix sera bloqué jusqu’en avril 2022 (date des élections présidentielles). Des options sont suggérées à destination du prochain gouvernement dont celle de faire payer alors aux consommateurs le gaz un peu plus cher que les cours du marché, qui devraient avoir baissé d’ici là, la saison du chauffage étant passée et donc avec une demande moins forte. Cela signifie toutefois que le consommateur paiera ces augmentations : c’est juste reculer pour mieux sauter !
Or, il y a moyen de faire baisser drastiquement le prix de l’électricité et du gaz.
Pour l’électricité , l’introduction de taxes, inexistantes au début de ce siècle doublent aujourd’hui le prix du kWh comme le montre ce tableau (Prix du kWh en France (en abscisse : le(s) dernier(s) chiffre(s) du millésime de ce siècle soit de 2001 à 2019). S’y ajoute la TVA !!). En 2021, le prix moyen du kWh TTC dépasse 0,19 euro (données Eurostat).

Vous trouvez que mon impertinence frappe trop fort ? Regardez votre facture d’électricité. Elle présente quatre registres. Le premier est le prix du kWh. Le second indique le coût de l’abonnement payé à l’opérateur qui dépend essentiellement de la puissance installée. Le dernier correspond à la TVA.
Le troisième registre s’intitule « Taxes et Contributions ». Là, le changement est important. Depuis 2002, une taxe est imposée au consommateur. Jusqu’en 2010, cette taxe appelée CSPE : Contribution au Service Public d’Électricité a peu augmenté, passant de 4 à 6% du prix du kWh : 0,9 c€/kWh (voir schéma). Cette taxe reflète essentiellement le surcoût associé aux politiques de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération selon les termes de la loi du 10 février 2000, même si d’autres rubriques en particulier sur le plan de la Solidarité, s’y rajoutent. Ainsi, en 2021, le montant de cette taxe est de 2,25 c€/kWh, soit une augmentation de 250% en dix ans (et il faut ajouter la TVA à 20% bien sûr !). Elle est destinée à 51% aux investissements dans le photovoltaïque (32%) et l’éolien (19%) !).
Il suffirait donc tout simplement de supprimer ces subventions qui bénéficient pour une part importante aux sociétés étrangères qui installent ces centres de production électrique dans notre pays, pour voir notre facture d’électricité diminuer dans des proportions importantes. Par ailleurs, le développement de ces sources d’énergie intermittentes que sont le solaire et l’éolien nécessite un recours important aux centrales à gaz lorsqu’elles sont impuissantes à fournir du courant faute de vent ou de soleil. Ainsi, entre 2018 et 2019, la production thermique (gaz, fuel, charbon : tout ce qui rejette des gaz à effet de serre !!) est passée de 39,5 TWh à 42,5 TWh soit + 7,6% alors que notre pays s’est engagé, lors de la COP21 qu’elle a elle-même organisée à Paris, à baisser ses rejets de gaz à effet de serre ! Ainsi, alors que leur arrêt était prévu dans un avenir proche, les centrales à charbon ont repris du service depuis la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020 qui, elle, comme toutes les autres centrales nucléaires, n’émettait pas de gaz à effet de serre. On pourrait revenir sur cette erreur néfaste pour le réchauffement de la planète en la remettant en service et en tout cas, il ne faut pas arrêter comme cela est prévu 12 autres réacteurs nucléaires sous le prétexte qu’ils sont trop vieux après 30 ou 40 ans de service. C’est à l’Autorité indépendante de sûreté française de décider de la fermeture ou du maintien en service des réacteurs (pour la centrale de Fessenheim, elle avait autorisé son fonctionnement pour 10 ans de plus !). Les États-Unis et le Canada prolonge ainsi la durée de vie de leurs centrales jusqu’à 80 ans de fonctionnement pour certaines d’entre elles !
Ces centrales nucléaires en parfait état de marche voient leur financement amorti et donc le coût de production de l’électricité devient particulièrement bas. Ainsi, si on se compare à nos proches voisins européens, le coût du kWh au Royaume-Uni est 23% plus cher, +35% en Italie, +41% en Espagne, +65% en Belgique, +76% au Danemark et +82% en Allemagne1. Ainsi, les pays qui ont le plus recours aux énergies renouvelables, éolien et solaire, paient leur électricité beaucoup plus chère que nous et rejettent, pour leur production électrique, plus de gaz à effet de serre que les Français23 : c’est une mauvaise note sur toutes les lignes ! Comparaison n’est pas raison : on vient de voir que la suppression de certaines subventions irait aussi dans le bon sens pour le consommateur !
Comme on le voit, le recours aux énergies renouvelables va à contre-sens de ce que l’on attend. C’est ce qu’ont très bien compris les producteurs de gaz qui, après avoir dit ne pas s’intéresser aux énergies intermittentes, les soutiennent maintenant puisque leur non-fonctionnement pendant près de 80% du temps4, conduit à un recours au gaz lorsqu’elles sont non-productives !
Ainsi, en qualité de Chef d’un État imaginaire, si vous avez l’intention d’installer une centrale à gaz pour la production d’électricité de puissance de 10 000 MW, vous ne pouvez décemment pas annoncer à vos concitoyens ce projet qui va susciter un rejet écologico-à la mode. Vous annoncez alors que votre projet est d’installer 10 000 MW d’énergies éolienne et solaire. La foule congratule et pleure d’émotion !!
Mais, ajoutez-vous, « le problème est l’intermittence de ces sources de production et si nous installons 10 000 MW de celles-ci, dans la mesure où elles ne produiront que pendant 20% du temps, il nous faut une autre source électrogène pour pallier les déficiences et voilà pourquoi nous devons installer en parallèle, mes chers concitoyens, 10 000 MW de gaz ».
Banco, c’est gagné !
Et c’est ce qui se passe un peu partout sur la planète ! Vous avez dit : diminution des rejets de CO2 ?
En fait, ces rejets continuent d’augmenter !
_ Parlons du gaz , justement (et là, l’impertinent va encore frapper !) : Son prix dépend fortement du pays producteur qui fixe son prix de vente en fonction de la demande et parfois aussi pour des raisons politiques. Or, nous pouvons nous affranchir de ces contraintes car nous possédons, en France, une réserve gigantesque de gaz de schiste : les estimations les plus sérieuses aujourd’hui conduisent à plus de 5 000 milliards de m3 (soit 4,3 Gtep au minimum : 25 ans de notre consommation d’énergie primaire, toutes sources confondues !).
Comme le disait Michel Rocard : « La France est bénie des Dieux ! ». L’exploiter reviendrait à bénéficier de gaz gratuit. Certes il resterait les coûts d’extraction et de distribution mais le prix de notre gaz serait, chez le consommateur, beaucoup moins cher et constant dans le temps car non soumis aux contraintes évoquées plus haut.
Nous ne sommes pas le seul pays à en avoir dans son sous-sol ; la Chine, les États-Unis, le Canada, l’Argentine, le Mexique et l’Afrique du Sud en possède des réserves encore plus abondantes. Mais, en Europe, c’est surtout la France et la Pologne qui se partagent les gisements les plus riches.
Or, la France est le seul pays, non seulement à ne pas l’exploiter, mais encore à ne même pas envisager un essai d’exploitation, ne serait-ce que sur 1 km2 ! Il faut dire aussi que nous sommes les seuls à avoir inscrit le « principe de précaution » dans notre Constitution et que c’est à ce titre que nous ne bougeons pas dans ce domaine. À défaut d’être exportateur de gaz, on pourrait ainsi s’affranchir des dizaines de milliards d’euros que nous coûtent nos importations de gaz (et cette facture augmente actuellement de façon vertigineuse). En effet, rien qu’aux USA, selon M. Porter5, économiste à l’Université de Harvard, l’exploitation des gisements de gaz naturel en 2015 dans ce pays contribuait à hauteur de 430 milliards de dollars par an à l’économie américaine grâce à la baisse de la facture énergétique et aux revenus des 2,7 millions d’emplois créés dans cette industrie. Même si il y a une différence d’un facteur 5 entre la population américaine et la population française, de tels chiffres devraient faire rêver nos politiques !!
Oui mais NON !
Cela ne nous empêche pas de nous intéresser à cette exploitation de gaz … chez les autres ! Ainsi, il y a quelques années, Laurent Fabius est allé négocier en Algérie l’aide de la France à la prospection du gaz de schiste. De deux choses l’une : ou bien il n’y a aucun risque à exploiter cette source d’énergie et alors il faut le faire, ou bien cette exploitation est dangereuse à en croire les écologistes et il ne faut surtout pas encourager d’autres pays à le faire en particulier en les aidant à prospecter, voire en leur en achetant.
Cherchez la logique ! En attendant, nous allons continuer à payer notre énergie de plus en plus chère ! Et pourtant, comme on vient de le voir, des solutions existent et qui ne peuvent avoir qu’un impact positif sur le budget des Français (et en termes de création d’emplois) pour plusieurs décennies !
Qui aura le courage de prendre les bonnes décisions ?
2 novembre 2021 *
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1 D’après la revue « Capital » du 7 octobre dernier.
2 Émissions de gaz à effet de serre en grammes par kilowattheure d’électricité consommé en 2019 : France : 44 ; Belgique : 134 ; Danemark : 175 ; Royaume-Uni : 177 ; Espagne : 197 ; Italie : 264 ; Allemagne :
3 (soit exactement 3 fois plus que la France !!) Source : European Environement Agency
4 D’après le rapport RTE sur la production électrique de 2020, la puissance installée (éolien+solaire) a été de 28 GW (soit un potentiel de production électrique égal à 245,95 TWh) et la production n’a été que de 52,3 TWh, ce qui conduit à un « rendement » (le terme exact est « facteur de charge ») de 21,26% !
5 Relevé dans la revue « L’Express n° 3337 du 17 juin 2015