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artiste aux mains pleines de doigts - visionscarto.net - Autrice de Bouts de bois (La Découverte)

  • L’ENA, facteur de déclin français ? - Le Nouvel Observateur
    http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20121025.OBS7128/l-ena-facteur-de-declin-francais.html

    Pour la première fois, un diplômé de l’#ENA entreprend de nous conter par le menu ce que furent sa vie et ses cours pendant 27 mois. Il ne s’agit donc pas, non plus, du Nième livre proposant les réformes à apporter à l’auguste institution. C’est un livre qui nous donne à voir en direct la médiocrité du programme de l’école, en nous immergeant dans la scolarité. « J’aime cette émission télévisée qui s’appelle « Strip Tease », explique Olivier Saby : des tranches de vie présentée sans aucun commentaire. On laisse le spectateur juge. Mon bouquin, c’est un peu ça »

    On comprend assez vite que c’est une école qui sélectionne 80 brillants jeunes gens via des épreuves impitoyables pour leur infliger par ensuite un cursus pitoyable. Saby parle de « vide abyssal de l’enseignement. » Un vide dont ils n’osent pas se plaindre parce que cela pourrait nuire à leur classement de sortie. L’obsession de ce sacro-saint classement, qui peut déterminer une carrière à vie, et que plusieurs gouvernements ont sans succès envisagé de supprimer, marque au fer rouge le cursus et l’ADN des diplômés. C’est un permanent sujet de conversation entre élèves, et anciens élèves. Quand Saby débarque en stage à l’ambassade de France à Beyrouth, l’une des premières questions que lui pose le N° 2 de l’ambassade, ancien de l’ENA, porte sur le classement qu’il vise. Et l’énarque de décliner aussitôt son propre classement, comme on donnerait sa carte de visite. Rebelote avec l’ambassadeur. Saby s’attend à être questionné sur les raison de son choix du Liban. Au lieu de cela, la première question de l’excellence est : « est-ce que le classement est toujours en vigueur à l’ENA ? ». Monsieur l’ambassadeur est énarque (il donne bien sur aussitôt son classement) mais aussi fils et frère d’énarques. Il n’a pas la moindre idée du travail qu’il va confier à ce stagiaire, qui attendra 2 semaines avant de recevoir quelques instructions.

    Plus radical est le : « pas d’initiatives, ça risque de nous desservir ! » L’auteur raconte son stage à la Communauté Urbaine de Brest, avec d’intéressantes missions qui lui montrent le mépris de l’Etat pour les collectivités locales . Doit-il en faire la remarque au directeur des stages venu l’inspecter, en grande pompe, sur place, qui est surnommé "Le Revizor" ? Saby a appris à s’autocensurer :
    ne pas oublier que l’inspecteur qui me note à la fin de mon stage sera peut être demain amené à faire appel à moi lorsqu’il accédera à une préfecture ou à un cabinet ministériel. C’est le problème du circuit fermé. L’inspecteur des stages sera préfet, chef de cabinet après demain… Qui sait. Il faut ménager ses arrières, ne jamais faire obstacle aux règles qui ont fait les carrières de nos juges et pairs, se glisser dans le courant et se laisser entraîner

    Ce livre nous apprend ceci : les énarques sont formés à administrer et gérer, certainement pas à inventer et innover. On ne les a aucunement préparés à être stratèges, imaginatifs, audacieux, courageux. On leur a même instillé les vertus inverses. Or tous les leviers de l’état et des politiques publiques sont aux mains d’énarques. Comment s’étonner que la France patauge dans le conservatisme, la crainte des réformes, un conformisme désespérant ?