• Contre les comportements discriminatoires, notamment le sexisme du monde médical
    https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/141221/contre-les-comportements-discriminatoires-notamment-le-sexisme-du-mo
    Bizutage, pratiques humiliantes, violences obstétricales... un large ensemble d’organisations alerte sur le sexisme en milieu hospitalo-universitaire. Face à une tendance à mettre les problèmes « sous le tapis », elles demandent que soit combattu le « système oppressif, discriminatoire, et patriarcal » par des mesures concrètes dans la formation et dans la prise en charge des plaintes liées à des violences médicales.

    L’actualité récente a mis en lumière plusieurs scandales liés au milieu hospitalo-universitaire qui sont révélateurs des discriminations sexistes omniprésentes dans le milieu médical.

    Courant septembre, les agressions sexuelles d’un gynécologue de l’hôpital Tenon (Paris), ponte de l’endométriose, ont été médiatisées après la mobilisation de longue haleine de Marie-Rose Galès, patiente-experte, et du collectif "Stop VOG" (Violences Gynécologiques et Obstétricales @StopVOGfr). Malgré une avalanche de témoignages et l’ouverture d’une enquête interne (après plusieurs semaines de mobilisation), ce médecin exerce encore, notamment grâce à sa haute position hiérarchique. Durant cette affaire, il a également été révélé que les témoins de ces agressions (principalement des étudiant·e·s en médecine), ont été fortement invité·e·s à se taire.

    Quelques semaines plus tard, la presse s’est emparée du "cas" de la fresque du CHU de Toulouse de Purpan, représentant « une femme [...] à moitié nue et à quatre pattes, une autre gisant morte les jambes écartées au milieu des ordures ».

    Sexisme et « culture carabine »

    Ces dernières années, les fresques des salles de gardes des CHU ont fait scandale à plusieurs reprises dans les médias nationaux. Ces fresques sont souvent justifiées par la "culture carabine" : un ensemble de rites et pratiques propres aux étudiant-es en médecine. Son but premier serait d’aider les futurs médecins à prendre de la distance face aux situations, parfois terribles, auxquelles iels sont confronté·e·s durant leur cursus.

    Si l’initiative peut sembler justifiée aux premiers abords (on notera néanmoins que nombre de professions sont soumises à des situations difficiles sans sentir le besoin d’être oppressif), force est de constater que de nombreuses pratiques discriminatoires gravitent autour du milieu carabin. Celui-ci s’inscrit en effet dans les logiques les plus abjectes du patriarcat : domination masculine, harcèlements et agressions sexistes et sexuelles sont banalisées, sous prétexte d’un nécessaire recours à l’"humour". Malgré la loi de 1998 contre le bizutage, les soirées Médecine sont des lieux où règnent sexisme, racisme et oppressions diverses, et pendant lesquelles agressions sexuelles et viols sont fréquents. Il existe également des propos LGBTQIphobes banalisés durant les études ou dans le milieu hospitalier ; au point que les étudiant-es LGBTQ+ vivent souvent caché·e·s pour ne pas subir les moqueries ambiantes.

    Sans surprise, les patient·e·s sont évidemment victimes de ce climat de violences. Les maltraitances médicales sont courantes, et affectent tout particulièrement les femmes, premières usagères du système de soin. Parmi elles, les personnes et femmes notamment handicapées, racisées, trans, migrantes, usagères de drogues, sont d’autant plus surexposées aux violences sexistes du corps médical qu’elles sont vulnérabilisées et essentialisées par des discriminations et des systèmes d’oppressions hétéro-patriarcaux croisés renforcés en milieu médical comme le validisme, le racisme, les LGBTQI+phobie, la sérophobie, la psychophobie, la grossophobie… Il n’y a qu’à parcourir les comptes sur les réseaux sociaux de « @StopVOGfr », qui recensent les témoignages de victimes de violences gynécologiques et obstétricales, pour prendre conscience de l’ampleur et de la banalisation de ces phénomènes. Psychiatrisation des symptômes, non-respect du consentement, actes violents...

    Corporatisme et confraternité

    Les possibilités de contestations sont limitées, d’autant plus que le rapport de domination patient·e/médecin agit comme un bâillon supplémentaire à la libération de la parole des victimes. Et c’est sans compter la place du corporatisme, omniprésent dans ce milieu qui constitue un levier de silenciation des éventuel·le·s témoins. Sous couvert du principe de « confraternité », les responsables sont soutenus et couverts par leurs collègues, ce qui leur permet de continuer d’exercer en toute impunité.

    Ajoutons à cela que 25% des étudiant·e·s en médecine sont victimes de harcèlement, 4% des étudiant-e-s en médecine sont victimes d’agressions sexuelles, 60% des agresseurs étant des médecins thésés, et l’on comprend bien que l’ensemble de la formation hospitalière médicale est complice de ces pratiques. A quand un mouvement #metoo en médecine et dans les autres professions de santé ?

    Revendications

    Nous nous opposons à ce système oppressif, discriminatoire, et patriarcal qui nuit à la fois à la formation des futur·e·s médecins, aux étudiant·e·s en santé, aux soignant·e·s et aux patient·e·s.

    Ainsi, nous demandons le retrait de toutes les fresques sexistes présentes dans les hôpitaux de France.

    Nous demandons que des réformes concrètes soient instaurées dans la formation des médecins afin que celle ci ne soit plus sexiste et discriminatoire envers les étudiant·e·s et les patient·e·s.

    Nous demandons que l’interdiction du bizutage soit appliquée et la fin des pratiques "traditionnelles" humiliantes et violentes.

    Nous demandons que le processus de plaintes liées à des violences médicales soit facilité et des engagements pris. Nous demandons que de véritables sanctions soient prises contre les agresseurs, et les médecins responsables, sans mise de ces événements sous le tapis.

    Signataires :

    Organisations :

    Le CoMPAS (Collectif de Militant-es, Professionnel-les, et Acteur-rices en Santé)
    Le SNJMG (Syndicat national des jeunes médecins généralistes)
    Les Dévalideuses
    Héroï-nes 95
    Compagnie Les Attentives
    Collectif d’usager.es pour une gynécologie féministe.
    ANCRés (A nos corps résistants)
    CGT salarié.es - étudiant.es du Doubs
    CLE Autistes (Collectif pour la liberté d’expression des personnes autistes)
    Objectif autonomie
    Toutes Des Femmes
    Groupe d’Action Féministe Rouen
    Stop VOG France (stop violences obstétricales et gynécologiques)*
    Act up Paris
    Collectif AAERS - Autour de l’Adénomyose et l’Endométriose pour la Recherche Scientifique

    Personnalités

    Martin Winckler, Médecin et écrivain
    Marie-Hélène Lahaye, autrice du blog Marie accouche là