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Fil d’actualités Covid19-Migration-santé (veronique.petit@ird.fr) relié à CEPED-MIGRINTER-IC MIGRATIONS.

  • La Roumanie s’ouvre aux ouvriers asiatiques pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre
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    La Roumanie s’ouvre aux ouvriers asiatiques pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Bucarest a quadruplé le nombre de visas de travail en un an, alors que quatre millions de Roumains sont partis en Europe de l’Ouest en quête de meilleurs salaires.
    Il vient de terminer la dernière armature en fer, il ne reste plus qu’à tourner le béton. Aganad (qui n’a pas donné son nom) jette un dernier coup d’œil, puis balaie du regard la vue sur Bucarest depuis son chantier, situé au huitième étage du futur immeuble de bureaux, à l’ouest de la capitale roumaine. « Je travaille sur ce chantier depuis six mois et je m’y suis habitué, explique-t-il. Le plus dur, c’est le froid. Aujourd’hui il fait − 3 oC, chez moi on doit être à 30 oC et quelques. » Il aura parcouru plus de 9 000 kilomètres depuis Marawi, capitale de la province de Lanao del Sur, aux Philippines, jusqu’en Roumanie. Un voyage motivé par un emploi sur ce chantier où il touche 600 euros, soit cinq fois plus que le salaire qu’il aurait obtenu dans son pays.Son nom, Aganad, « celui qui protège », semble avoir scellé son destin. Ce jeune homme de 29 ans vient en aide à ses parents, à ses grands-parents, à ses deux sœurs et à son frère restés au pays. Et, depuis qu’il vit en Roumanie, la vie des siens s’est améliorée grâce aux 200 euros qu’il parvient à leur envoyer chaque mois. « Peut-être qu’un jour je partirai travailler en Europe de l’Ouest, où les salaires sont plus élevés, mais, pour l’instant, je me débrouille bien en Roumanie, où le coût de la vie est plus bas et où on nous assure le logement, explique-t-il. J’ai un contrat de deux ans à Bucarest et je me suis habitué à cette ville. »
    Les Roumains se sont habitués eux aussi au nombre croissant d’Asiatiques arrivés dans leur pays à la recherche d’un emploi bien rémunéré. « Au début, on les regardait un peu de travers, avoue Alin Chiriac, le collègue d’équipe d’Aganad. Ils ne parlaient pas le roumain et avaient d’autres habitudes que les nôtres. Mais maintenant ça va, ils se sont adaptés et ont appris à parler un peu le roumain. Et je dois reconnaître qu’ils travaillent plus que nous. Ils sont là pour gagner de l’argent, ils ne savent pas ce que c’est, les loisirs. »Selon le ministère roumain du travail, 480 000 emplois sont vacants pour 200 000 demandeurs d’emploi. La pénurie de main-d’œuvre s’aggrave d’une année à l’autre depuis 2007, année où la Roumanie a intégré l’Union européenne (UE). Environ quatre millions de Roumains sont partis travailler à l’Ouest à la recherche d’un meilleur salaire. Leur origine latine les a surtout poussés vers l’Italie et l’Espagne, deux pays qui comptent chacun un million d’ouvriers roumains, les autres ayant rejoint principalement l’Allemagne, la France et la Belgique.
    Cette hémorragie de main-d’œuvre a provoqué une forte pénurie sur le marché du travail, où les employeurs font désormais appel à la main-d’œuvre asiatique en provenance des Philippines, du Vietnam, du Sri Lanka, du Pakistan, de l’Inde et du Bangladesh. Le bâtiment reste le secteur le plus touché, et la pandémie de Covid-19 a provoqué une autre crise dans la restauration et l’hôtellerie.Au début de l’année 2021, les autorités roumaines avaient fixé un quota de 25 000 ouvriers venant de pays non européens, mais, au mois d’août, ce quota a été doublé pour faire face à la demande. En 2022, l’objectif a de nouveau doublé, soit 100 000 nouvelles autorisations d’entrées délivrées par le gouvernement.Pourtant, l’obtention d’un visa pour pouvoir travailler en Roumanie n’est pas une mince affaire. En 2021, il fallait compter quatre mois de procédures administratives pour l’obtenir. Les autorités doivent d’abord s’assurer qu’il n’y a pas de candidats des pays de l’UE pour le poste ouvert, les citoyens européens étant prioritaires sur le marché du travail. Si l’emploi n’est pas pourvu, c’est au tour des résidents hors UE de déposer leur candidature. On estime qu’en 2022 six à huit mois seront nécessaires pour obtenir un visa, la capacité administrative de la Roumanie étant limitée par les contraintes liées à la pandémie, qui ralentit toutes les procédures. « Si vous vouliez avoir une chance d’employer des ouvriers venant d’Asie en avril 2022, il fallait contacter les sociétés de recrutement en novembre 2021 », avance Romulus Badea, chargé des expatriés dans la société comptable Soter & Partners.
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    Les sociétés de recrutement ont poussé comme des champignons et le marché est en pleine expansion. Fondée en 2010, Work From Asia, l’une des sociétés les plus actives dans ce domaine, ouvre le marché roumain aux travailleurs d’Asie du Sud. « En 2021, nous avons eu une croissance de 15 %, déclare Yosef Gavriel Peisakh, son PDG. Au début, on avait des demandes pour le bâtiment, l’agriculture et la restauration, mais maintenant on couvre tous les domaines de l’économie. » En 2022, Work From Asia compte sur une croissance de 20 %.Les ouvriers asiatiques ne se trouvent pas qu’à Bucarest. A Oradea, ville en plein essor économique située dans le nord-ouest de la Roumanie, la société Valtryp, spécialisée dans la fabrication d’accessoires pour automobiles, s’enorgueillit d’avoir des employés qui viennent de l’Inde et du Sri Lanka. « C’est grâce aux ouvriers étrangers que nous arrivons à satisfaire les commandes de nos clients, explique Vasile Trip, le patron de Valtryp. Nous n’avons pas d’autre solution pour avancer. » L’activité en Roumanie progresse grâce à cette perfusion de main-d’œuvre venue de l’Est, tandis que les nationaux continuent d’émigrer à l’Ouest. Les Roumains partent, les Asiatiques arrivent.

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