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« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • « Bac Nord » sera diffusé demain lors d’un « grand oral » sur « la réalité des policiers » organisé par Alliance - où sont attendus Zemmour, Le Pen, Darmanin et Pécresse.

    Son réalisateur ne « cautionne » pas cette « malheureuse récupération politique » selon lui.

    « Bac Nord » continue d’être un objet politique au grand dam de Cédric Jimenez
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/bac-nord-continue-detre-un-objet-politique-au-grand-dam-de-cedric-jim

    Précédemment cité par Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Valérie Pécresse, le film sera diffusé en amont du "grand oral" des candidats à la présidentielle à l’initiative du syndicat de police Alliance.

    CINÉMA - “Les faits, personnages, propos et opinions sont fictifs”, précise un message en lettres blanches en ouverture du film. Pourtant depuis sa sortie à l’été 2021, Bac Nord s’invite dans des débats politiques bien réels, cités par des candidats de droite et d’extrême droite pour justifier leurs thèses sécuritaires. Une “malheureuse récupération politique” pour #Cédric-Jimenez, qui s’intensifie à l’approche de la présidentielle.

    Fraîchement nommé à sept reprises pour la prochaine cérémonie des César (meilleur acteur pour Gilles Lellouche, meilleur second rôle pour François Civil et Karim Leklou ou encore meilleur film), ce n’est pourtant pas pour ses qualités cinématographiques que le long-métrage sur trois flics intervenant dans les quartiers Nord de Marseille va être au centre de l’attention ce mercredi 2 février. Le polar est diffusé au Club de l’Étoile à Paris en préambule d’un “grand oral” sur “la réalité des policiers” organisé par Alliance et réunissant une centaine de responsables du syndicat de policiers venus de toute la France.

    Dans la foulée, Valérie Pécresse (LR), le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui représentera le candidat putatif LREM Emmanuel Macron, Éric Zemmour (Reconquête !), et Marine Le Pen (RN) viendront l’un après l’autre exposer leur programme présidentiel pour la sécurité. La candidate PS Anne Hidalgo et celui du PCF Fabien Roussel ont décliné l’invitation ainsi que Yannick Jadot (EELV). Quant à Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Alliance ne l’a pas invité pour des raisons que le secrétaire général d’Alliance Fabien Vanhemelryck n’a pour le moment pas détaillées.

    Cette projection de Bac Nord, en amont de prises de paroles de candidats de droite et d’extrême droite uniquement, est de la “seule initiative” d’Alliance, assure au HuffPost Cédric Jimenez qui n’a été ni contacté ni prévenu de cet événement. Impuissant devant la transformation de son film en objet politique, le réalisateur préfère “ne pas réagir afin de ne pas alimenter” cette “malheureuse récupération politique”. “Ça ne veut pas dire que je la cautionne. Bien au contraire”, nous précise-t-il.

    Après sa sortie le 18 août, le polar rythmé a attiré plus de 2,2 millions de spectateurs en salles et est devenu le 5e film le plus vu de l’année en France. Et parmi eux, de nombreux hommes et femmes politiques. Valérie Pécresse figure certainement parmi les exemples les plus récents de cette “récupération politique”. Sur le plateau de l’émission “La France dans les yeux” sur BFMTV le 18 janvier, elle lance : “On parle de reconquête républicaine de quartiers minés par l’ultraviolence, je vous conseille d’aller voir Bac Nord vous comprendrez ce que je veux dire” pour justifier son idée de “créer des brigades coup de poing” pour ”éradiquer” la violence.

    Avant elle, Éric Zemmour et Marine Le Pen se sont à plusieurs reprises servis du film pour appuyer leurs déclarations. “Je ne sais pas si vous avez vu le film Bac Nord. Vous voyez la réalité de la police aujourd’hui dans les cités. Vous voyez qu’ils ne peuvent pas rentrer. Ils sont moins armés que les caïds de la drogue qui les méprisent. (...) Dans ces places fortes étrangères, on ne veut pas de la France”, assurait le candidat d’extrême droite lors d’un débat face à Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV encore.

    “Bac Nord : alors que le Président va faire un show médiatique à Marseille, la réalité c’est ce film ! Allez le voir ! Prenez conscience de cette terrible réalité et de l’urgence à reprendre la main”, tweetait aussi Marine Le Pen à la fin de l’été alors qu’Emmanuel Macron était dans la cité phocéenne pour annoncer le renfort de 300 policiers d’ici la fin 2022 et le financement de 500 caméras vidéos -un outil qui fait débat dans la ville- pour “ne rien lâcher” dans la lutte contre le trafic de drogues.

    Du point de vue policier

    “Un film reste un film, c’est une fiction qui raconte un fait divers bien particulier, ça ne raconte pas l’ensemble des quartiers Nord”, avait réagi Cédric Jimenez à l’automne sur France Inter, ulcéré par ces “mauvaises interprétations” de son long-métrage par des candidats d’extrême droite. “Quand on est candidat à la présidence de la République, on ne prend pas un film comme exemple. Ce n’est pas sérieux, on présente un programme. Surtout en mettant sur le film des valeurs qu’il ne représente pas.”

    Inspiré de l’affaire judiciaire réelle - et non achevée - dite “des ripoux” de la BAC Nord, pour laquelle 18 anciens policiers ont été jugés pour acquisition, détention et transport de stupéfiants, mais aussi divers vols, d’argent, de stupéfiants ou de cartouches de cigarettes, le film n’est ”pas un documentaire” sur les quartiers Nord insistait le cinéaste, mais bien “une fiction” sur le travail de la police. “La banlieue, c’est le contexte.”

    Interrogé sur RTL par Pascal Praud ce jeudi 27 janvier, le secrétaire général du syndicat Unité SGP Police-Force Ouvrière Grégory Joron estimait pour sa part que la représentation du quotidien des policiers dans le film “n’est pas complètement hors sol par rapport à ce que vivent mes collègues”. Déplorant la perte de sens du métier de policier, la souffrance au travail et la brutalité hiérarchique auxquels certains sont confrontés, “il y a forcément des choses assez réelles”, indiquait-il.

    Mais de nombreuses critiques, qui ont émergé dès la présentation du film au Festival de Cannes, ont aussi reproché au film un manque de subtilité et un parti pris pour la police à travers un traitement partial du fait divers dont s’inspire l’œuvre. “D’un côté, puiser dans le réel permet au film d’exploiter à souhait tous les fantasmes liés aux quartiers Nord et à sa brigade anti-criminalité, première de France par son effectif. De l’autre, la mise à distance du réel, et donc de la vérité judiciaire, tronque les enjeux de cette affaire hors norme. Pour offrir sur un plateau tous les arguments de la défense policière”, décrivait ainsi dans Marsactu la journaliste Clara Martot sur “le paradoxe” du film.

    “J’ai choisi de faire un film du point de vue de ces trois flics de la Bac. Ce que j’ai voulu raconter, c’est la façon dont des individus se sont retrouvés broyés par la machine. C’est d’ailleurs le thème de tous mes films”, expliquait Cédric Jimenez au Parisien. Interrogé sur ceux qui qualifiaient Bac Nord de “film de droite”, le cinéaste disait “accepter les critiques” des journalistes. Après tout, c’est le sort réservé à toute œuvre cinématographique. Mais devenir un objet de récupération politique en est un autre.