• Parmi les armes lexicales produites contre les "minorités", le concept de "communautarisme" vient en bonne place...

    "Mais qu’est-ce, d’abord, que le #communautarisme ? Fait marquant déjà souligné par de nombreux auteurs : personne ne s’en réclame. Le communautariste, c’est toujours l’autre. Nous avons affaire à une catégorie polémique, visant à disqualifier un adversaire. Comme l’a relevé Fabrice Dhume, analysant un important corpus de productions journalistiques et politiques :

    La sémantique ne laisse pas de doute : l’idée de « communautarisme » repose sur une lecture réactionnelle, qui dénonce inlassablement le « risque », la « dérive », la « menace ». […] C’est l’antithèse du « Progrès » (« rétrograde », « passéiste », « repli »). C’est l’incarnation du Mal lui-même, dans sa version morale et religieuse, mais aussi médicale : « plaie », « cancer », « abcès », « gangrène ». […] Face à « l’ordre républicain », les « communautaristes » « s’opposent », « réclament », « revendiquent », « profitent », « contestent », « provoquent », « perturbent ». [3]

    Cette « perturbation » s’enracine, toujours selon le discours anticommunautariste dominant, dans un attachement trop intense ou trop exclusif à une « communauté », c’est-à-dire à une appartenance dite « primaire », en générale culturelle, nationale, régionale, ou plus souvent raciale ou religieuse – mais on parle aussi du communautarisme homosexuel.

    La manifestation concrète de ce « communautarisme » est de deux ordres : repli, voire sécession (la complaisance dans un « entre-soi » exclusif, le refus de la « mixité ») ; ou conflictualité et revendication (la demande de droits ou de passe-droits spécifiques, adaptés à un particularisme). Ces éléments de définition, nous allons le voir, ne sont pas sans poser des problèmes.

    Mais, auparavant, soulignons un autre fait remarquable : la très grande jeunesse du concept même de communautarisme. Inexistant il y a vingt ans, apparu pour la première fois dans un dictionnaire en 1997, le mot est aujourd’hui sur toutes les lèvres. C’est en 2005, à l’issue d’une année dominée par la polémique sur le « voile à l’école », puis par celle sur l’« œuvre positive » de la tutelle coloniale, que le terme s’impose dans le débat public.

    Comme le souligne Fabrice Dhume, « son occurrence comme mot clé sur le moteur de recherche Internet Google est passée de 91 100 au 3 mai 2005 à 634 000 au 30 mars 2006, et 1 030 000 au 3 mai 2007 » [4].

    Tout laisse donc penser que, loin de refléter des évolutions notables au sein de la société française (qu’elles soient d’ordre politique, social ou territorial), l’irruption du mot « communautarisme » traduit la manière dont les débats publics se sont structurés en France dans les années 2000 sur les questions de l’immigration, du passé colonial ou de l’islam. Pourtant, avant de dégager les fondements idéologiques de son usage, revenons sur les populations auxquelles le terme semble le plus appliqué : les habitants des « banlieues »..."

    http://lmsi.net/Qui-a-peur-du-communautarisme

    #Sylvie_Tissot